Pour endiguer l’épidémie de coronavirus, le projet "Covisan" a été lancé il y a maintenant deux semaines par l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, afin de suivre individuellement les personnes malades mais aussi de dépister systématiquement leur entourage. Cette initiative a pour but de casser les chaînes de transmission et le premier ministre Édouard Philippe a annoncé, sur le même modèle, la création de "brigades de cas contacts". Depuis son lancement, 311 personnes ont déjà été prises en charge.
Depuis une quinzaine de jours, des médecins et des bénévoles ont investi quelques bureaux au sein de cette immensité qu’est l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière pour mettre en œuvre le projet "Covisan". Dans le centre de contrôle, Jean-Sébastien Molitor apporte son expertise d’humanitaire, lui qui a travaillé pour Solidarité internationale en luttant contre le choléra en Haïti. "On suit des entretiens pour avoir des prises de connaissance des foyers" de cas positifs au Covid-19, explique-t-il.
Lorsqu'un malade est détecté, soit parce qu’il est arrivé aux urgences ou alors chez son médecin traitant, et que ce n'est pas un cas grave, il est orienté vers cette structure "Covisan". Une équipe se déplacera, alors, à son domicile pour l’analyser et pour prélever l’ensemble de son entourage. Jean-Sébastien Molitor souligne que "la réussite de ce dispositif est le traitement d'environ 80% des cas suspects".
Grâce au confinement, il y a moins de patients graves et le stade actuel de l’épidémie en France permet d’effectuer ce travail sur-mesure, avec cet accompagnement individuel. Le Professeur Renaud Piarou, chef de service à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, est à l’initiative du projet et il souligne qu'il aurait été préférable que ce projet naisse plus tôt : "C'est un outil de lutte contre la transmission qui aurait dû peut-être accompagner un peu plus tôt le confinement".
À la base de l’édifice figure les médecins généralistes. Ce sont à eux, qui connaissent leurs patients, de les intégrer au nouveau protocole dès lors qu’il y a une suspicion de coronavirus. Hector Folcoff est l'un d'entre eux et "un peu comme des chasseurs de papillons, on part à la chasse des microclusters pour essayer de les confiner".
Ces volontaires font un travail de fourmis lorsqu'ils se rendent au domicile des cas suspects, en étant vêtus d'une blouse bleue de la tête aux pieds. Ils sont en binôme avec un préleveur Covid pour les membres du foyer, c’est le rôle de Meriem,et un autre volontaire qui se charge de l’évaluation sociale, comme Camille.
Ce jour-là, Camille constate que "la maman présente des symptômes Covid" et son rôle va être "de voir déjà son état à elle et de comprendre la situation au niveau de son foyer, parce qu'elle a 4 enfants". La question-clé est donc de savoir comment isoler la ou les personnes malades en fonction de la situation sociale du foyer.
Cette isolation dépend en grande partie du domicile du foyer et en particulier du nombre de chambres. Arrivée devant l’appartement, Nibiha, la mère de famille, éprouve des difficultés à respirer.
Avant d'obtenir le résultat des tests, il faut environ 24h. Nibiha va donc s’isoler dans le petit salon de cet appartement très étroit et Inès, sa fille de 15 ans en classe de seconde, se propose de prendre le relais des volontaires : "Ma mère va rester ici dans le salon et on va lui apporter sa nourriture, sa vaisselle et ses habits et elle va rester ici, toute seule".
Pour casser la chaîne de transmission, l’équipe de l’hôpital rappelle les gestes nécessaires à Mustapha, Zacharia et Nael, ses trois autres enfants de 13, 10 et 8 ans. "Avant je me lavais les mains juste pour essuyer mais elle (Camille) nous a appris qu'il fallait bien se laver les ongles et entre les doigts, tout laver" nous fait part l'un d'eux.
L’une des autres pistes du projet "Covisan" est l’isolement du malade dans un hôtel et le groupe Accor en met trois à disposition mais cela est impossible dans le cas précis de Nibiha, à moins de déstabiliser le foyer. Ce cas par cas doit s'étendre à l'ensemble du territoire, selon les médecins, afin d’éviter une seconde vague de l’épidémie.