7 min de lecture

Démission de Sébastien Lecornu : le récit des 24 heures où le gouvernement a implosé

Après 26 jours d'attente, la France s'est retrouvée sans Premier ministre et sans gouvernement en moins de 24 heures. L'exécutif a implosé sous l'impulsion de la fronde menée par Les Républicains de Bruno Retailleau.

Sébastien Lecornu, Bruno Retailleau, Bruno Le Maire et Jean-Luc Mélenchon

Crédit : AFP

Les 3 options qui se présentent à Macron après la démission de Lecornu

00:01:18

Xavier Bertrand : "Nous ne pouvons pas participer" au gouvernement de Sébastien Lecornu

00:10:20

Premier décryptage de ce nouveau gouvernement Lecornu annoncé partiellement

00:03:12

Gouvernement Lecornu : quels ministres ont été reconduits

00:00:39

Marie-Pierre Haddad

Je m'abonne à la newsletter « Politique »

De son propre aveu, Sébastien Lecornu n'est pas un optimiste. Pourtant, le Premier ministre pouvait difficilement avoir anticipé cette fin. Moins d'un mois après avoir été nommé à Matignon par Emmanuel Macron, ce proche du chef de l'État a décidé de lui remettre sa démission, ce lundi 6 octobre, une quinzaine d'heures seulement après avoir présenté la liste de son gouvernement


Si cette décision a mis un terme brutal à une situation qui s'est détériorée irrémédiablement pour l'exécutif, elle a plongé le pays dans une crise politique aigüe aux perspectives incertaines. Qui Emmanuel Macron peut-il désormais nommer pour remplacer Sébastien Lecornu à Matignon ? Le président de la République va-t-il dissoudre une nouvelle fois l'Assemblée nationale ? La motion de destitution de la France insoumise peut-elle aboutir ? Les conséquences de la dissolution ratée en juin 2024 continuent de se faire sentir.

Ces derniers jours, Sébastien Lecornu voulait encore croire qu'il existe un chemin vers le compromis susceptible de lui éviter la censure et de mener à bien les discussions parlementaires sur le budget. Mais ce qui devait s'apparenter à un exercice de routine pour le Premier ministre a viré en fiasco politique en l'espace d'une soirée.

Un socle commun exigeant et intransigeant

Dimanche 5 octobre, 19h40. C'est une première pour le secrétaire général de l'Élysée, en poste depuis avril 2025. Emmanuel Moulin se livre au traditionnel exercice de l'annonce du nouveau gouvernement, depuis le perron de l'Élysée. Traditionnel ou presque. Car depuis 48 heures, les négociations se sont compliquées pour Sébastien Lecornu. Au Parti socialiste et au Rassemblement national qui jugent les consultations à Matignon décevantes, s'est ajouté le socle commun qui multiplie les mises en garde. 

À écouter aussi

C'est exactement ce que cherchait à éviter le locataire de Matignon en recevant à plusieurs reprises les représentants de Renaissance, du Modem, d'Horizons et des Républicains. Mais le parti de François Bayrou s'est senti peu traité. Celui d'Edouard Philippe veut maintenir son poids au sein du gouvernement. Et Les Républicains sont traversés par une crise existentielle : rester au sein de l'exécutif ou le quitter ? La première option était défendue pas le patron du parti Bruno Retailleau. La deuxième par son rival en interne, Laurent Wauquiez, chef des députés LR. A l'issue d'une réunion en visio, le parti se range finalement derrière l'avis de chef. 

Le retour surprise du catalyseur Bruno Le Maire

Sébastien Lecornu pense alors avoir franchi le principal obstacle à la nomination de son gouvernement. Le gouvernement est annoncé : 11 ministres présents dans l'équipe de François Bayrou sont reconduits. Mais il suffira d'un seul nom pour faire voler en éclat la solidarité gouvernementale. La surprise Bruno Le Maire, de retour au sein de l'exécutif en tant que ministre des Armées

21h22. Ulcéré, Bruno Retailleau n'y va pas par quatre chemins : le leader LR remet en question sa participation au sein du gouvernement dans un message lapidaire. "La composition du gouvernement ne reflète pas la rupture promise" par Sébastien Lecornu, écrit-il sur X, en convoquant le comité stratégique des Républicains dès le lendemain. 

"Ce n’est pas le nombre de LR qui pose problème, mais le nombre de macronistes. Plus de la moitié", regrette son entourage auprès de Libération. Le ministre de l'Intérieur reconduit "est furax !" par le retour de Bruno Le Maire, souffle un proche au Figaro. Et il n'est pas le seul. Le lendemain, lundi 6 octobre, Xavier Bertrand confie sur RTL son intention de plaider pour un départ du gouvernement. "Nous ne pouvons pas y participer (...) Si on veut retrouver de la confiance, si on veut arrêter que notre pays s'enfonce jour après jour, il nous faut dire très clairement : 'Maintenant, on ne participe pas à ce gâchis, on ne participe pas à cette mascarade'", déclare l'ancien ministre.

La nuit qui a suivi l'annonce du gouvernement n'a pas non plus apaisé les oppositions. Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste dit voir "une provocation" dans le retour de Bruno Le Maire aux affaires. Marine Le Pen y trouve, quant à elle, une occasion de rappeler sa demande de dissolution de l'Assemblée nationale. "Nous sommes au bout du chemin, il n'y a pas de solution. Il n'y en aura pas plus demain (...) On est au bout de la blague".

Seul face aux "appétits partisans", Sébastien Lecornu démissionne

Lundi 6 octobre, 9h41. Les Républicains n'auront finalement pas besoin de trancher la question de leur participation au gouvernement. Sébastien Lecornu prend les devants : le Premier ministre a remis sa démission à Emmanuel Macron. Le rendez-vous a duré une heure. L'annonce fait rapidement plonger les cotations du pays. La Bourse de Paris chute de près de 2% dans la foulée. Sébastien Lecornu entre dans l'histoire comme le Premier ministre à la tête du gouvernement le plus éphémère de la Ve République, tombé après seulement 14 heures.

Une heure plus tard, le Premier ministre démissionnaire revient sur les raisons de sa décision. Il pointe la responsabilité des partis politiques. "Le réveil de quelques appétits partisans", "non sans lien avec la future présidentielle" aurait parasité la composition de son gouvernement et les négociations. "Il faut toujours préférer son pays à son parti", conclut-il. Allusion à peine masquée à son ministre frondeur, Bruno Retailleau. "Retailleau savait (que Bruno Le Maire allait faire son entrée au gouvernement, ndlr) mais feint l’indignation face à la fronde", estime un proche d’Éric Ciotti dans Libération

13h09. Bruno Retailleau décide de répliquer, afin d'expliquer son changement de cap soudain. "Quand on est dans une équipe on a besoin de confiance. Et quand on me cache des choses, moi je ne peux pas m'engager dans un gouvernement où on ne me dit pas tout. La politique, encore une fois, c'est la loyauté, c'est la confiance", assure-t-il sur au journal de 13 heures de TF1.

Mélenchon réclame le départ de Macron, les autres forces de gauche un chef de gouvernement issu de leur rang

13h45. Le psychodrame chez Les Républicains a presque fait oublier la gauche. Fidèle à lui-même, Jean-Luc Mélenchon martèle sa volonté de destituer Emmanuel Macron. Comme lors de chaque crise politique depuis la dissolution, le leader appelle à faire front commun avec le reste des formations de gauche. "Nous proposons une rencontre cet après-midi aux organisations fondatrices de la Nupes et du Nouveau Front populaire (NFP) afin d'envisager toutes les hypothèses ouvertes par cette situation", écrit le tribun insoumis.



La patronne des Écologistes ferme rapidement la porte au leader insoumis. La réunion proposée "n'aura pas lieu", annonce-t-elle. "Ca parait assez évident que le Parti socialiste (...) ne va pas accourir chez La France insoumise comme si de rien n'était. Ce qui a été dit et fait ces derniers temps laisse des traces", précise-t-elle, en référence aux relations tendues entre les deux formations de gauche.

De leur côté, les socialistes saluent la décision de Sébastien Lecornu. "Je me demandais s'il restait un gaulliste dans ce pays. Il en restait un, et il vient de démissionner avec dignité et honneur, écrit Olivier Faure sur X. Le PS plaide pour un gouvernement de cohabitation et l'entrée de la gauche à Matignon, même sans majorité à l'Assemblée. "Nous demandons aujourd'hui au président de la République la nomination d'un ou d'une Première ministre issu de la gauche et des Ecologistes ouvert aux compromis, s'engageant, comme nous l'avions dit il y a plusieurs semaines, à ne pas utiliser l'article 49.3", déclare Pierre Jouvet, un proche d'Olivier Faure, devant la presse.

Nomination, dissolution, destitution ou démission

Et Emmanuel Macron dans tout cela ? Pendant que son ex-Premier ministre justifiait sa décision, le président de la République se trouvait dans les jardins du Panthéon, pour des repérages pour la cérémonie de panthéonisation de Robert Badinter, comme en attestent des photos postées sur le site de l'AFP. La balle est encore dans le camp du président de la République. Selon les informations de RTL, certains proches du chef de l'État poussent en coulisse pour la nomination d'un nouveau Premier ministre de gauche. Mais Emmanuel Macron pourrait aussi décider de dissoudre l'Assemblée nationale et de renvoyer les députés face à leurs électeurs. 

Autre option, la destitution paraît moins probable, car son mode de fonctionnement la rend plus illusoire. Elle nécessite en effet que la motion soit signée par un dixième de l'Assemblée nationale, soit 58 députés, que le bureau de l'Assemblée la mette à l'ordre du jour dans l'hémicycle, puis qu'elle soit votée par au moins deux tiers des députés, et autant de sénateurs, avant d'être adoptée par la majorité des deux tiers de tous les députés et tous les sénateurs réunis en Haute-Cour. 

Une dernière possibilité s'offre au Président : la démission. Mais ce dernier a assuré à de nombreuses fois qu'il entendait gouverner "jusqu'au dernier quart d'heure". 

La rédaction vous recommande
À lire aussi

L’actualité par la rédaction de RTL dans votre boîte mail.

Grâce à votre compte RTL abonnez-vous à la newsletter RTL info pour suivre toute l'actualité au quotidien

S’abonner à la Newsletter RTL Info

En Direct

/

Bienvenue sur RTL

Ne manquez rien de l'actualité en activant les notifications sur votre navigateur

Cliquez sur “Autoriser” pour poursuivre votre navigation en recevant des notifications. Vous recevrez ponctuellement sous forme de notifciation des actualités RTL. Pour vous désabonner, modifier vos préférences, rendez-vous à tout moment dans le centre de notification de votre équipement.

Bienvenue sur RTL

Rejoignez la communauté RTL, RTL2 et Fun Radio pour profiter du meilleur de la radio

Je crée mon compte