Le docteur François Braun, président de l'association SAMU urgences de France, organise les transports par train depuis la gare de Nancy. Ces norias, évacuations de victimes vers des régions moins touchées, ont pour but de désengorger les services hospitaliers du Grand-Est, particulièrement saturés par l'afflux de patients infectés par le coronavirus. "Il est urgent de désengorger les services de réanimation de la région", rappelle le médecin, estimant qu'il faut "avoir quelques lits disponibles pour les patients qui continuent d'arriver".
"Nous arrivons avec tous les patients du secteur de la Moselle à la gare de Nancy pour embarquer à bord du TGV sanitaire. 24 patients quitteront la gare en direction de Bordeaux et de Bayonne", explique-t-il. Chaque voiture comprend une équipe de "six soignants" qui encadre quatre patients. Il estime que l'évacuation des patients est un "bon choix stratégique". De cette façon, "le personnel travaille dans son environnement et dans des vrais services de réanimation".
Malgré ces mesures sans précédent, François Braun décrit une situation sanitaire inquiétante : "la situation est très tendue en Alsace, en Lorraine, et particulièrement dans l'Est de la Moselle". Et de renchérir : "depuis plusieurs semaines, nous sommes attentifs, et bien sûr inquiets, car on ne voit pas le bout de cette épidémie". Il estime toutefois que la mise en place des norias est essentielle et "donne un peu d'oxygène" au personnel soignant régional.
On a du mal à imaginer que la situation puisse être plus difficile
François Bron
Alors que le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé que les 15 prochains jours allaient être intenses, François Braun "a du mal à imaginer que la situation puisse être plus difficile". "Vous m'auriez dit il y a trois semaines qu'on vivrait de telles conditions, je vous aurais répondu : 'ce n'est pas possible'", déplore-t-il.
Pour soulager un système de santé à bout de souffle, 14/000 lits en réanimation supplémentaires seront bientôt disponibles d'après les dernières annonces de Matignon. Le docteur rappelle toutefois qu'il n'est pas encore possible de savoir si cette mesure sera efficace. "Difficile de savoir si cela suffira puisqu'on voit que dans nos régions des services totalement saturés". "Quelle sera la vague de l'épidémie dans les autres régions ? Pour l'instant, nous n'avons pas la réponse", reconnaît-il.
Pour l'heure, après deux semaines de confinement, le président de l'association SAMU urgences de France n'observe pas encore une décroissance des cas de contamination : "On constate un afflux brutal et massif de personnes, on a plutôt une augmentation continue". Quant au matériel nécessaire, alors que l'exécutif a promis des moyens supplémentaires, il rappelle le manque de respirateurs. "On a ce qu'il faut en masques. En revanche, la problématique des respirateurs commence à se faire sentir pour ces grandes norias de transport de patients. Ils nécessitent une ventilation artificielle très spécialisée et pour laquelle il faut des respirateurs de transport modernes".
On reste attentif pour que nos équipes ne s'épuisent pas
François Bron
Si de nombreux professionnels de santé dénoncent une prise de conscience tardive des autorités françaises, le président de l'association SAMU urgences de France estime qu'il faudra attendre la fin de la crise pour savoir si le gouvernement a mis trop de temps à saisir la gravité de la situation. "On fera le point à la fin de cette crise. Rappelons que l'hôpital public n'était pas dans une situation très florissante. Malgré tout, la mobilisation massive du personnel soignant nous permet de faire face à cette crise", explique-t-il.
Quant à ses équipes, François Braun redoute qu'elles soient surchargées : "Je suis très fier des équipes des urgences, du SAMU, des services de réanimation. Il y a vraiment une mobilisation exceptionnelle des professionnels. Mais cette mobilisation doit pouvoir tenir dans la durée : on reste donc attentif pour que nos équipes ne s'épuisent pas".