De nombreux magistrats sont en colère contre leur ministre, Éric Dupond-Moretti. Manifestation le 24 septembre dernier, tribunes, déclarations dans la presse... Ils ne ménagent pas leurs efforts pour dénoncer les agissements du garde des Sceaux.
François Molins, ancien procureur de la République et désormais procureur général près la Cour de cassation, va même jusqu'à dire au micro de RTL que "l'indépendance de la Justice est en danger".
Le ministre de la Justice est aussi accusé de "prise illégale d'intérêts". Mediapart révèle ce jeudi 1er octobre qu'une plainte a été enregistrée le 30 septembre par la Cour de justice de la République à ce sujet. Elle aurait été déposée par Raymond Avrillier, un militant anti-corruption et maire adjoint honoraire de Grenoble.
Au cœur de ces accusations, plusieurs affaires. La principale : le conflit qui oppose Éric Dupond-Moretti au parquet national financier (PNF).
Tout commence avec l'affaire des "fadettes" révélée en juin dernier par Le Point. Trois magistrats du PNF auraient épluché en 2014 les relevés téléphoniques de plusieurs avocats, dont Éric Dupond-Moretti, pour tenter de trouver qui aurait pu informer l'ancien président Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu'ils étaient sur écoute dans une affaire de corruption.
Une méthode qui révolte les avocats visés, notamment inquiets pour leur secret professionnel. Éric Dupond-Moretti mène la fronde, et porte plainte contre les magistrats. La Garde des Sceaux de l'époque, Nicole Belloubet, demande un rapport sur le sujet.
Seulement voilà, quelques jours plus tard, Éric Dupont-Moretti est nommé ministre de la Justice. Il abandonne sa plainte. Mais le 18 septembre, il lance une enquête administrative sur les magistrats du PNF. Ce qui constitue un "conflit d'intérêts" pour de nombreux magistrats.
"Il est inacceptable qu’une personne qui est intéressée par un problème […] puisse aujourd’hui lancer des enquêtes qui concernent nommément des collègues qui ont justement procédé à ces investigations", dénonce un membre de l’Union syndicale des magistrats.
Chantal Arrens, présidente de la Cour de Cassation, et François Molins assurent par ailleurs dans une tribune publiée dans Le Monde que le ministre a porté atteinte "au principe de présomption d'innocence" des trois magistrats concernés par l'enquête, puisque leurs noms sont cités dans un communiqué de presse.
De son côté, Éric Dupond-Moretti s'est défendu sur RTL en assurant qu'il "ne se venge[ait] pas". En effet, le rapport rendu le 15 septembre par l'Inspection générale de la Justice sur la situation au PNF fait état de "longueurs, un manque de rigueur et un manque de loyauté", selon Éric Dupond-Moretti. Pour le ministre, ne pas lancer d'enquête après un tel rapport serait revenu à "étouffer l'affaire".
Le garde des Sceaux assure ainsi que les trois magistrats du PNF ne veulent en fait "pas rendre des comptes". Au sujet de l'enquête, il déclare : "Je ne m'y intéresse pas, je ne prends pas la plume."
Mais l'enquête sur le parquet national financier n'est pas la seule chose qui chiffonne les magistrats. Alors que les avocats et les magistrats ont des professions bien différentes, et s'opposent souvent dans le prétoire, Éric Dupond-Moretti a choisi de nommer une avocate, Nathalie Roret, à la tête de l’École nationale de la magistrature. Un véritable affront pour certains magistrats.
Le ministre a également critiqué l'école en elle-même, qui forme tous les magistrats de l'ordre judiciaire en France. Il avait notamment parlé d'une "culture de l'entre-soi" au sein de l'école, et du "corporatisme qui éloigne la justice des citoyens".
Pour montrer leur désaccord avec le ministre, les magistrats de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ont demandé mardi 29 septembre au président de la République de garantir "l'indépendance de l'autorité judiciaire", mise à mal selon eux par Éric Dupond-Moretti. Des motions similaires ont été adoptées lundi dans plusieurs tribunaux dont Paris, Montpellier, Metz et Nantes.
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