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Porno, anonymat, harcèlement... Tout comprendre à la loi numérique en débat à l'Assemblée nationale

Les députés débattent à partir de mercredi du principal texte consacré au numérique du second mandat d'Emmanuel Macron. Plusieurs dispositions suscitent des crispations chez certains élus et professionnels.

Une personne tape sur un ordinateur (illustration)

Crédit : KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP

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Benjamin Hue

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Après avoir été adopté au Sénat cet été, le projet de loi visant à sécuriser l'espace numérique est débattu en séance publique à l'Assemblée nationale à partir de ce mercredi 4 octobre. 

Ce texte abondant, qui s'appuie sur les règlements européens DSA et DMA sur le numérique, entend lutter contre plusieurs maux qui gangrènent l'utilisation d'Internet aujourd'hui, comme l'accès des plus jeunes à la pornographie, le cyberharcèlement, mais aussi les arnaques et la haine en ligne. 

Mais derrière ces causes résolument consensuelles, certains points, nichés notamment dans des amendements rajoutés récemment par les députés, suscitent la méfiance et la crispation des experts et de certains élus, inquiets d'un possible renforcement du contrôle sur Internet et d'une restriction des libertés individuelles.

Un filtre anti-arnaque pour prévenir les sites malveillants

La mesure phare du texte, le filtre anti-arnaque, est une promesse de campagne du candidat Macron. Ce dispositif est censé faire office de rempart contre les sites frauduleux en alertant les internautes lorsqu'ils sont en présence d'un lien ou d'un SMS malveillant, avec un message d'avertissement affiché par les navigateurs Web et les fournisseurs d'accès à Internet. Le dispositif devrait être facultatif, laissant la liberté aux internautes de l'activer ou non et ne donnera pas lieu au développement d'une application dédiée. Dans un deuxième temps, ce dispositif peut aboutir au blocage administratif du site internet mis en œuvre.

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Pour constituer ce filtre anti-arnaque, les différentes autorités compétentes en matière de cybercriminalité vont définir une liste noire des sites dangereux, susceptibles de mener à des phishings, des piratages informatiques ou des arnaques au paiement. Le filtre sera ensuite alimenté régulièrement à partir des signalements reçus au fil du temps. Les autorités pourront contacter l'éditeur pour l'enjoindre de mettre un terme aux infractions constatées et en parallèle, notifier les navigateurs Internet qui devront afficher un message d'avertissement aux internautes.

Espéré pour la Coupe du monde de rugby, le dispositif final sera finalement testé lors des Jeux olympiques de 2024. Le gouvernement est conscient que l'outil ne sera pas parfait mais se dit convaincu qu'il "y aura plus d'économies de victimes avec le filtre que sans". Et la France souhaite faire figure de pionnière dans le déploiement de ce type de dispositif.

Des pouvoirs renforcés pour l'Arcom contre les sites pornographiques

Le texte s'attaque aussi à l'accessibilité des sites pornographiques aux mineurs. Le gouvernement va confier à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) le pouvoir d'ordonner, sans le concours d'un juge, le blocage par les opérateurs télécoms et le déréférencement des sites pornographiques qui n'empêchent pas les mineurs d'accéder à leur contenu. L'idée est de faire appliquer plus facilement la loi votée en juillet 2020 qui oblige les éditeurs de ces sites de mettre en place des outils de contrôle plus robustes qu'une simple déclaration de majorité sur l'honneur.

Actuellement, l'Arcom doit d'abord mettre en demeure les éditeurs des sites porno de renforcer leurs procédures de contrôle des visiteurs sous peine de saisir la Justice, qui se prononce ensuite en faveur du blocage. Mais les procédures menées dans ce cadre depuis 2021 n'ont toujours pas abouti car les éditeurs des sites visés multiplient les recours devant les tribunaux. Ces derniers prétextent notamment que les pouvoirs publics n'ont toujours pas publié de référentiel technique leur indiquant la marche à suivre pour vérifier l'âge des internautes tout en respectant leur vie privée, comme la loi de 2020 le prévoit. 

Le projet de loi en débat à l'Assemblée prévoit que l'Arcom publie ce référentiel 6 mois après sa promulgation. Les associations de protection de l'enfance estiment que cette obligation prête le flanc aux contestations juridiques des sites pornographiques car il n'existerait pas de méthode satisfaisante à ce jour, comme l'échec des initiatives similaires tentées par le Royaume-Uni et l'Australie l'ont montré ces dernières années.

Une peine de bannissement des réseaux sociaux pour les cyberharceleurs

Le texte comporte plusieurs mesures de lutte contre le cyberharcèlement. Alors que le règlement européen sur les services numériques (DSA), transcrit dans le projet de loi, contraint déjà les plateformes à retirer les comptes signalés pour cyberharcèlement, le gouvernement veut aller plus loin et accompagner cette mesure d'une peine de bannissement.

Concrètement, le juge pourra demander à un réseau social d'empêcher pendant une période de six mois la réinscription d'une personne déjà condamnée pour cyberharcèlement. Une peine pouvant aller jusqu'à un an en cas de récidive. L'idée serait de pouvoir bloquer également les comptes créés par la personne avant les faits et d'empêcher la création de nouveaux comptes durant l'effectivité de la sanction. Les plateformes devront pour leur part mettre en place toutes les mesures pour bloquer les comptes existants et empêcher la création de nouveaux comptes sous peine d'une amende de 75.000 euros.

Des zones d'ombre restent à éclaircir, notamment la question de savoir si le blocage sera réalisé à partir d'une liste noire de mails et numéros de téléphones, facilement contournable, ou via un blocage de l'adresse IP, qui aurait l'inconvénient de pénaliser un foyer entier et d'être jugé disproportionné par rapport à l'objectif visé.

Le texte pourrait également récupérer plusieurs mesures du récent plan de lutte contre le harcèlement scolaire, comme la confiscation du téléphone portable ou le bannissement des réseaux dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

Généraliser l'identité numérique pour lutter contre le sentiment d'anonymat en ligne

Au-delà de ces mesures consensuelles adoptées au Sénat début juillet, les débats en commission à l'Assemblée ont récemment été l'occasion d'ajouter une disposition plus polémique, visant à généraliser l'attribution à chaque internaute d'une "identité numérique", avec l'objectif assumé pour une partie de la majorité de faciliter la levée de l'anonymat sur internet et mettre fin au "sentiment d'impunité" qui en découle.

Portée par le député Renaissance de l'Essonne et rapporteur général du projet de loi Paul Midy, cette mesure entend faire en sorte que chaque compte sur les réseaux sociaux soit certifié par l'intermédiaire d'un tiers de confiance, afin que la plateforme n'ait pas accès à l'identité réelle de l'internaute mais que les autorités puissent avoir l'information en cas d'enquête consécutive à une infraction.

Dans cette perspective, le député entend mobiliser le recours à l'identité numérique de l'État via l'application France Identité. Le texte prévoit de fixer un objectif de généraliser l'attribution d'une identité numérique à chaque internaute d'ici à 2030. Mais la disposition visant à imposer le recours à cet outil pour certifier chaque compte sur les réseaux sociaux a été écarté pour l'instant, conformément à l'avis du gouvernement.

Ces amendements ont été vivement dénoncés par les experts et ont créé une ligne de fracture au sein même de la majorité. Le député Renaissance Eric Bothorel a notamment jugé qu'il s'agissait d'un glissement risqué et dangereux pour les libertés individuelles. Les opposants à ces mesures rappellent en outre que l'anonymat réel n'existe pas sur Internet, comme les condamnations judiciaires pour cyberharcèlement le prouvent régulièrement, mais que le véritable enjeu se situe dans les moyens accordés aux enquêteurs et à la justice.

Changer plus facilement de fournisseur de cloud

Mesure plus économique et inspirée des travaux de parlementaires, le gouvernement souhaite permettre aux entreprises de "changer beaucoup plus facilement" de fournisseur d'infrastructure et de services informatiques, également appelés les opérateurs cloud. Le secteur est dominé par les acteurs américains AWS (filiale d'Amazon), Microsoft Azure et Google Cloud.

Le texte prévoit notamment de permettre une "portabilité" des données entre les services de ces différentes entreprises et limite l'utilisation des "crédits cloud", des bons d'achat gratuits aujourd'hui utilisés par les acteurs pour fidéliser leur clientèle.

Enfin, le Sénat a ajouté lors de l'examen du texte un volet législatif concernant la réglementation des jeux à objets numériques monétisables (Jonum), supprimant l'habilitation à légiférer par ordonnance prévue par le gouvernement. Le texte propose une première définition en droit de leurs spécificités, entre jeux d'argent et de hasard d'un côté et jeux vidéo de l'autre. Le Sénat a autorisé à titre expérimental pour une durée de trois ans la création des Jonum, tout en l'encadrant pour s'assurer de la protection des mineurs et pour se prémunir des risques de création détournée de casinos en ligne.

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