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Ce que contient le projet de loi pour "sécuriser Internet" dévoilé ce mercredi

Le texte présenté ce mercredi 10 mai en Conseil des ministres contient une vingtaine de mesures contre l'insécurité numérique. Il doit notamment permettre à l’Arcom de déréférencer et bloquer les sites pornographiques et mettre en place un filtre anti-arnaque.

PornHub et les principaux sites pornographiques sont sommés de vérifier plus efficacement l'âge des internautes en France

Crédit : Pornhub

ARNAQUES - À quoi doit servir le filtre anti-arnaque du gouvernement

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Benjamin Hue

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Le gouvernement présente ce 10 mai en Conseil des ministres sa proposition de loi visant à "sécuriser et réguler l'espace numérique". Un "texte de combat" qui "instaure des protections nouvelles et qui vient protéger nos concitoyens, nos enfants, nos entreprises et notre démocratie", comme l'a décrit le ministre délégué à la Transition numérique, Jean-Noël Barrot, mardi 9 mai, lors d'une conférence de presse à laquelle assistait RTL.
 
Ce texte, dont les principales dispositions ont été validées par le Conseil d'État, vient transcrire dans le droit français la nouvelle réglementation européenne sur le numérique, le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA), censée mettre fin aux abus des grandes plateformes en matière de droit à la libre-concurrence et de droits des consommateurs. 

L'idée est de protéger les Français les plus vulnérables face au numérique, ceux qui n'ont pas forcément les codes et les plus jeunes, à la faveur de plusieurs dispositifs centrés sur la prévention des arnaques, la lutte contre la haine en ligne ou le contrôle de l'accès des mineurs aux contenus pornographiques. Des mesures dont certaines modalités d'application doivent encore être débattues au Parlement d'ici cet été. Avant une mise en application espérée par le gouvernement mi-2024 pour les Jeux Olympiques de Paris.

Un filtre anti-arnaque pour prévenir les internautes face à un message malveillant

La mesure phare du texte, le filtre anti-arnaque, est une promesse de campagne du candidat Macron. Ce dispositif est censé faire office de "rempart contre les campagnes de faux SMS qui nous concernent tous", a souligné le ministre Jean-Noël Barrot. L'idée est d'alerter les internautes lorsqu'ils sont en présence d'un lien ou d'un SMS malveillant, avec un message d'avertissement affiché par les navigateurs Web et les fournisseurs d'accès à Internet. Le dispositif devrait être facultatif, laissant la liberté aux internautes de l'activer ou non et ne donnera pas lieu au développement d'une application dédiée à ce stade.

Pour constituer ce filtre anti-arnaque, les différentes autorités compétentes en matière de cybercriminalité vont définir une liste noire des sites dangereux, susceptibles de mener à des phishings, des piratages informatiques ou des arnaques au paiement. Le filtre sera ensuite alimenté régulièrement à partir des signalements reçus au fil du temps. La constitution de cette base de données mutualisée sera placée sous le contrôle d'une personnalité qualifiée rattachée à la Cnil. Un recours suspensif sera possible en cas de doute pour un site qui n'aurait pas dû entrer dans le filtre.

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Une première version du filtre doit être testée en septembre avant la Coupe du monde de rugby organisée en France afin de pouvoir déployer le dispositif final lors des Jeux olympiques de 2024. Deux événements internationaux pour lesquelles les autorités s'attendent à voir les arnaques se multiplier sur le territoire français. Le gouvernement est conscient que l'outil ne sera pas parfait mais se dit convaincu qu'il "y aura plus d'économies de victimes avec le filtre que sans". Et la France souhaite faire figure de pionnière dans le déploiement de ce type de dispositif.

Une peine de bannissement des réseaux sociaux pour les cyberharceleurs

La future loi prévoit aussi l'instauration d'un bannissement numérique pour les personnes condamnées pour des propos haineux et toute forme de harcèlement en ligne. L'idée est d'ajouter une sanction supplémentaire à l'amende et l'éventuelle peine de prison prononcées par la Justice lors d'une condamnation. Cette peine couvrirait les faits suivants : harcèlement sexuel, conjugal, moral, en meute ou harcèlement scolaire, diffusion d’images violentes, répression de l'orientation sexuelle ou d'identité de genre, proxénétisme, pédopornographie, provocation à l'apologie du terrorisme, provocation à l'apologie des crimes de guerre contre l'humanité ou de l'esclavage, provocation à la haine à l'égard d'une personne en raison de son origine, sa religion, son sexe ou son handicap et négationnisme. 

Les personnes condamnées pour de tels faits se verraient interdites d'accéder à leur compte sur la plateforme où ont été commises les infractions. La sanction serait valable pour six mois et jusqu'à un an en cas de récidive. L'idée serait de pouvoir bloquer également les comptes créés par la personne avant les faits et d'empêcher la création de nouveaux comptes durant l'effectivité de la sanction. Les plateformes devront pour leur part mettre en place toutes les mesures pour bloquer les comptes existants et empêcher la création de nouveaux comptes sous peine d'une amende de 75.000 euros.


Des zones d'ombre restent à éclaircir lors des débats parlementaires, notamment la question de savoir si le blocage sera réalisé à partir d'une liste noire de mails et numéros de téléphones, facilement contournable, ou via un blocage de l'adresse IP, qui aurait l'inconvénient de pénaliser un foyer entier et d'être jugé disproportionné par rapport à l'objectif visé. Le gouvernement entend s'appuyer sur la loi LCEN de 2004, qui oblige les plateformes à conserver les données permettant d'identifier les personnes ayant contribué à créer des contenus illicites. "Les plateformes disposent de suffisamment de données techniques (adresse IP, identifiant d'utilisateur, identifiant du terminal, numéro de téléphone) pour identifier assez précisément qui est qui", précise-t-on dans l'entourage du ministre.

Renforcer les pouvoirs de l'Arcom pour bloquer plus rapidement les sites porno accessibles aux mineurs

Autre dossier brûlant, le blocage de l'accès des mineurs aux contenus pornographiques en ligne sera également au coeur de la future loi, avec une modification du dispositif actuel, la loi de juillet 2020, qui n'a pour l'instant donné aucun résultat, faute d'avoir trouvé une issue judiciaire. Face au constat que cela fait trois ans que les sites ne se conforment pas à la réglementation, le gouvernement veut passer à la vitesse supérieure.

L'idée est de renforcer les pouvoirs de l'Arcom et de pouvoir se passer d'une décision de justice pour, en quelques semaines, être en mesure de bloquer, déréférencer et prononcer des amendes dissuasives (jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires mondial) à l'encontre des sites pornographiques qui ne vérifieront pas l'âge de leurs utilisateurs. Des plateformes sociales comme Twitter pourront aussi être sanctionnées s'il est constaté qu'elles hébergent ce type de contenus et qu'elles sont facilement accessibles aux mineurs.

Actuellement, l'autorité indépendante doit d'abord mettre en demeure les éditeurs des sites porno de renforcer leurs procédures de contrôle des visiteurs sous peine de saisir la Justice, qui se prononce ensuite en faveur du blocage. Mais les procédures menées dans ce cadre depuis 2021 n'ont toujours pas abouti, alors qu'une nouvelle audience est attendue le 7 juillet et qu'aucun dispositif technique de contrôle de l'âge n'a encore été poussé par les autorités. L'entourage du ministre a rappelé mardi qu'une solution basée sur le double anonymat - consistant à ne pas faire reposer la charge de la vérification de la majorité des internautes aux sites porno, mais à un tiers de confiance - était actuellement expérimentée avec plusieurs entreprises. 

Il n'est en revanche pas question, à ce stade, d'envisager un dispositif visant à interdire l'usage des VPN, ces logiciels qui pourraient être utilisés pour contourner les blocages administratifs des sites porno. "Nous n'avons pas la prétention de dire aujourd'hui que la mesure sera à 100 % incontournable, mais nous ne pouvons pas ne rien faire quand on sait qu'un enfant de 12 ans sur trois a accès à de la pornographie et que cela affecte la moitié d'entre eux pour la suite de leur vie affective et sexuelle. On vit dans un monde complexe technologiquement. Le principal enjeu du projet de loi, c'est de protéger le plus grand monde et les jeunes les plus fragiles", souligne l'entourage du ministre.

Enfin, le texte prévoit aussi de contraindre les plateformes à supprimer plus rapidement les contenus pédopornographiques en alignant les peines encourues par leurs éditeurs sur celles en vigueur pour les contenus terroristes, à savoir, un an d'emprisonnement et 250.000 euros d'amende pour les hébergeurs qui ne retireront pas les contenus pédopornographiques signalés par la police et la gendarmerie en moins de 24 heures. Pour rappel, ces demandes étaient au nombre de 74.000 l'an passé, d'après le gouvernement. 

Au total, le texte est composé d'une vingtaine de mesures, parmi lesquelles on trouve aussi des dispositions pour encadrer les jeux en ligne du Web3, avec des objets numériques échangeables, dont l'entreprise française Sorare est le premier représentant, des mesures économiques visant à faciliter le changement de fournisseur d'infrastructures de cloud pour les entreprises et un volet consacré au blocage des médias de propagande par l'Arcom.

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