La réforme des retraites aura finalement tout emporté sur son passage. À deux jours d'une nouvelle manifestation contre le texte, prévue le samedi 11 mars, la classe politique s'illustre par son manque de sérénité. Les stratégies préétablies par la majorité et les oppositions ont toutes fini par voler en éclat, laissant la place à un contexte tendu. Signe qui ne trompe pas, la réforme des retraites est venue à bout du légendaire flegme des sénateurs. Si tous étaient d'accord pour aboutir à un vote du texte et ainsi réussir là où l'Assemblée nationale a échoué, le palais du Luxembourg a, lui aussi, connu ses incidents en séance , avec l'application de l'article 38 , qui limite les débats. Pour l'instant, seule l'union syndicale semble à l'épreuve de cette réforme qui s'annonce - déjà - comme l'une des plus difficiles du deuxième quinquennat d' Emmanuel Macron . Emmanuel Macron se mure dans le silence. Le chef de l'État lui-même semble perdre patience. Depuis ses vœux, le 31 décembre 2022 dernier, Emmanuel Macron ne s'est pas exprimé, sous la forme d'une allocution ou d'une interview , face aux Français, sur le sujet. En déplacement en Afrique , le président de la République, interrogé sur les retraites, a laissé transparaître son agacement. "J'ai déjà fait plusieurs commentaires sur cette réforme des retraites qui a fait partie de mon engagement présidentiel. Je ne vais pas ici (…) faire de nouveaux commentaires sur les commentaires ", a-t-il déclaré, comme le rapportent nos confrères du Figaro . "Tout n'est pas suspendu à une seule chose et tout ne doit pas l'être" , a-t-il ajouté. Tandis que les syndicats ont demandé à rencontrer le président, au lendemain de la grève du 7 mars qui a rassemblé 1,2 million de manifestants selon la police, la réponse est évasive. Invité de RTL , le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a déclaré que "la porte du gouvernement est plus qu'ouverte". Gouvernement ne signifie pas Élysée... Renaissance s'assure de son nombre de votants. Plus les jours passent, plus la majorité compte et recompte . Aura-t-elle assez de voix pour faire adopter la réforme des retraites et éviter un passage en force avec le 49.3 ? Rien n'est moins sûre. Les Républicains ne sont pas les alliés espérés par Renaissance et se divisent sur le vote. Et l'ambiance au sein de la majorité se dégrade. Un député reconnaît que "cela devient difficile d'aller au marché, dans ma circonscription". Aux grandes peurs, les grands moyens. Tous les députés Renaissance qui s'abstiendront ou voteront contre la réforme des retraites se verront exclus du groupe . L'avertissement vient de la présidente de l'Assemblée nationale en personne, Yaël Braun-Pivet . "Ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui, nous devons être soudés et nous devons tous dans la majorité voter cette réforme", a-t-elle déclaré sur France info . Dans le viseur de Yaël Braun-Pivet et de la patronne des députés Renaissance, Aurore Bergé, l'ancienne ministre de la Transition écologique et solidaire Barbara Pompili . Mais pas que. D'autres membres de la majorité présidentielle, incarnant l'aile gauche du parti, ont émis des doutes. C'est pourquoi le ministre du Travail, Olivier Dussopt , a tenu à les rassurer dans les colonnes du Parisien . La réforme des retraites "est une réforme de gauche q ui aurait pu être portée par un gouvernement social-démocrate" . Aurélien Pradié vs Les Républicains. Les Républicains aussi ont été poussés à bout. Ne confondez pas les positions des sénateurs LR avec ceux des députés LR. Le patron du groupe au Sénat, Bruno Retailleau a donné la couleur. " Nous ne sommes pas des girouettes. Notre boussole n'est pas Emmanuel Macron , ce n'est pas le gouvernement", lançait-il. Nouvel épisode dans les tensions entre les cadres du parti et Aurélien Pradié, démis de son poste de numéro 2 par Eric Ciotti : le député LR du Lot a rencontré le numéro 1 de la CFDT Laurent Berger , le 8 mars. "Recevoir un leader d'une organisation syndicale qui aujourd'hui s'embarque dans une situation de blocage du pays ne me paraît pas convenable ", a taclé le chef de file des députés de droite, Olivier Marleix. La Nupes face à la suite. Et la gauche ? La Nupes a frôlé l'explosion en plein vol, après la stratégie assumée par Jean-Luc Mélenchon de ne pas arriver au vote de l'article 7 à l'Assemblée. Un acte 2 est souhaité par les écologistes, tandis que les socialistes veulent revoir l'équilibre des forces au sein de l'alliance de gauche . "Certains Insoumis ont le sentiment de s'être fait mener en bateau" , estime un parlementaire qui confie garder la séquence "en travers de la gorge". Le leader de la gauche reporte désormais son attention sur la mobilisation sociale. "Bloquez tout", avait-il lancé avant la journée de manifestation du 7 mars . Un dernier tweet de l'ancien candidat à l'élection présidentielle risque de cristalliser les tensions avec les sénateurs de gauche cette fois-ci. " Félicitations aux sénateurs de la Nupes qui ont mené une magnifique bataille pour bloquer l'article 7 cette nuit", a-t-il écrit . "Puisse les députés réaliser à quoi la sage stratégie des députés insoumis a permis d'échapper !", a-t-il poursuivi. L'alliance de gauche, Nupes, n'a été formée qu'à l'Assemblée. Les sénateurs de gauche se gardant bien d'y prendre part. Sans oublier que la France insoumise n'a aucun élu sur les bancs du palais du Luxembourg.