La mobilisation contre la réforme des retraites a encore été forte, le 7 mars. 1,2 million de manifestants dans toute la France, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Les syndicats avaient appelé à une journée historique, est-ce le cas ? C’est le problème quand on emploie de grands mots, quand on déploie de tels mots d’ordre : "Mettre l’économie à genoux", le pays "à l’arrêt", "mobilisation historique", "mardi noir".
Non, ce n’est pas le cas. Attention, il y a du monde partout, beaucoup de monde, c’était une démonstration de force. Les villes moyennes ont encore fait le plein. Mais la France n’est pas bloquée. Il y a certains endroits où le privé s’est mobilisé. Mais assez peu du côté des chauffeurs routiers.
Là où la CGT est forte comme dans les raffineries, les gens ont été nombreux à faire grève mais pas de là neutraliser les stations-services, puisqu’il faudrait une semaine de blocage pour mettre les raffineries à l’arrêt.
Il y a eu moins de cheminots en grève par rapport au 19 janvier. Un peu moins d’enseignants. Donc ce qui était promis, attendu, n’est pas arrivé. Ca ne préjuge de rien pour la suite. Les leaders syndicaux sont déterminés, leurs bases sont extrêmement motivées. Il faudra voir dans les jours qui viennent.
Et les jeunes ? Parce que la gauche, surtout les Insoumis, avaient parié sur un soulèvement de la jeunesse. La jeunesse n’était pas là. Spéciale dédicace d’ailleurs à Louis Boyard, le jeune député LFI qui avait appelé à bloquer les universités et les lycées et se prendre en photo devant les blocages.
Il y a eu 48 blocages sur 3.720 lycées. Alors là encore, les jeunes sont appelés à descendre dans la rue jeudi et en fait toute la semaine va être jalonnée de manifestations, jusqu’à samedi. On verra comment les choses évoluent.
On est entré en zone de turbulences
Le fait que la mobilisation ne soit pas historique, que les jeunes ne soient pas descendus dans la rue, c'est plutôt une bonne nouvelle pour le gouvernement ?
Non, parce qu’on est entré en zone de turbulences. Quand bien même la mobilisation n’a pas été historique, quand bien même les jeunes ne sont pas entrés dans la partie, on sent bien que tout le monde
est à fleur de peau. On est dans une guerre des nerfs.
Entre les risques de blocage du pays par les Français et les risques au Parlement, parce que ce n’est pas parce que le texte avance vite au Sénat que l’affaire est pliée. Chaque jour dans la majorité, on compte et on recompte les voix, on espère faire le plein, même si c’est juste.
Ce qu’on espère surtout dans la macronie, c'est éviter le 49.3. Cela permettrait aux syndicats et à la gauche de faire un procès en illégitimité à cette réforme des retraites. Donc on est dans un moment où tout le monde joue avec les nerfs de tout le monde.
Quand on voit, à l’Assemblée, sur un autre sujet, Eric Dupont Moretti le ministre de la Justice adresser un bras d’honneur à Olivier Marleix, le président des députés LR, alors que les Républicains sont les principaux soutiens du gouvernement sur la réforme... On n’a pas l’impression que chacun est maître de ses nerfs.