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La santé mentale des sportifs est-elle toujours taboue ?

ÉCLAIRAGE - Naomi Osaka a amené le sujet de la santé mentale des sportifs sur le devant de la scène, avec des déclarations fracassantes. Un tabou qui persiste, malgré de nombreuses prises de position.

La Japonaise Naomi Osaka lors de l'Open d'Australie à Melbourne le 20 février 2021.
Crédit : PAUL CROCK / AFP
Coline Daclin
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Coup de tonnerre à Roland-Garros. La numéro deux mondiale Naomi Osaka a annoncé lundi 31 mai son retrait du tournoi. En cause, son refus de répondre aux sollicitations médiatiques afin de préserver sa santé mentale. 

"Je pense que, maintenant, la meilleure chose pour le tournoi, les autres joueuses et mon bien-être est que je me retire pour que chacun puisse se reconcentrer sur le tennis", a tweeté la sportive.  

Sa décision de ne pas donner de conférence de presse avait secoué le tournoi, et valu une sanction de 15.000 dollars. Mais ce qui marque de nombreux fans et observateurs du monde du sport, c'est surtout son choix de s'expliquer sur ses difficultés psychologiques.

"La vérité est que j'ai traversé de longues périodes de dépression depuis l'US Open 2018 et que j'ai eu beaucoup de mal à m'en remettre", a raconté la tenniswoman japonaise. "Quiconque me connaît sait que je suis introvertie, et quiconque m'a vue pendant des tournois aura remarqué que je porte souvent un casque audio parce que ça m'aide à atténuer mon anxiété sociale."

Une prise de conscience tardive ?

Ces déclarations ont été saluées notamment par l'ancienne joueuse de tennis Ai Sugiyama, qui a dit espérer que les actions de Naomi Osaka puissent être "l'occasion de parler de la santé mentale des sportifs", a rapporté le quotidien Sports Hochi.

En effet, les langues se délient petit à petit à ce sujet. En 2018, les basketteurs américains DeMar DeRozan et Kevin Love avaient reconnu publiquement être dépressifs, indique Libération. L'année suivante, le footballeur Adil Rami et le tennisman Lucas Pouille se confient sur leur burn-out. "Même l'odeur de la pelouse, je ne la sentais plus. Je n'avais même plus envie de 'taper' les attaquants. Parfois j'ai même été agressif avec des gens qui me demandaient des photos, qui me filmaient sans me demander", racontait alors Adil Rami sur Canal +.

"Cela fait moins d'une dizaine d'années, peut-être cinq ans qu'on parle de manière sérieuse de la santé mentale des sportifs", observe auprès de RTL.fr Meriem Salmi, psychologue spécialisée dans le sport, qui compte parmi ses patients le judoka Teddy Riner ou la nageuse Charlotte Bonnet. Pour la psychologue, qui exerce depuis 30 ans, le public commence seulement à comprendre que les champions ne sont pas des machines à gagner, mais bien des humains, avec des émotions. 

Admettre la "faiblesse" de champions invulnérables

Pendant longtemps, l'anxiété, la dépression ou le burn-out, mais aussi le simple fait de bénéficier d'un accompagnement psychologique, sont donc restés tabous dans le milieu du sport. "Quand Teddy Riner a commencé à dire qu'il voyait une psychologue, à 14 ans, tout le monde se moquait de lui", confie Meriem Salmi. Désormais, le double champion olympique, sacré dix fois champion du monde, est considéré comme l'un des grands ambassadeurs de la psychologie dans le sport, et assume toujours d'être suivi.

"Dans la population générale, le fait de voir un psychologue est connoté comme quelque chose de péjoratif. On le rapproche de la faiblesse ou de la folie", explique Meriem Salmi. Pour les sportifs, qu'on imagine invulnérables, il est donc encore difficile d'accepter de se faire aider et de reconnaître un moment de faiblesse. "Pourtant, l'accompagnement psychologique peut aussi servir à réparer, ou à rendre meilleur", précise l'experte à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP).

A ce jour, un bilan psychologique annuel est obligatoire pour les adultes sportifs de haut niveau. Pour les mineurs, il en faut deux. Le professionnel peut ensuite proposer un accompagnement psychologique, mais celui-ci n'est pas toujours suivi. Selon les fédérations et les structures où s'entraînent les sportifs, il n'y a pas toujours suffisamment de psychologues pour répondre à la demande. 

"Un milieu anxiogène, avec des enjeux importants"

Les situations de détresse sont pourtant nombreuses. Dans un article publié dans Science & sports en mars 2018, Meriem Salmi, la psychologue Capucine Pichard et le chef du service médical de l'INSEP Eric Jousselin avaient estimé qu'au sein de l'INSEP, 39 % des sportifs présentaient des troubles anxieux, et 23% des épisodes dépressifs majeur. Un chiffre incomparable avec ceux en population générale, tant le quotidien des sportifs est différent, mais qui montre que le cas de Naomi Osaka est loin d'être isolé. 

"Le sport de haut niveau est un milieu anxiogène, avec des enjeux importants. J'ai rarement vu un sportif qui ne présentait pas un épisode dépressif après une longue blessure", ajoute Meriem Salmi.

En attendant une véritable prise de conscience des instances sportives, et des moyens supplémentaires, la psychologue salue la décision de la tenniswoman Naomi Osaka. "C'est très courageux que des athlètes s'expriment. Elle se rend service, mais elle rend aussi service au monde sportif."

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