Joël Le Scouarnec : "Son identité-même est perverse", estime une de ses victimes Gabriel Trouvé

Lorsque Gabriel Trouvé se rend au palais de justice de Vanne (Morbihan) pour la première fois, il ne se retrouve pas dans la salle d'audience de son bourreau mais dans une salle de déport où sont diffusés les débats de la cour criminelle. C'est là qu'il voit Joël Le Scouarnec pour la première fois. 

"Ça ne m'a pas fait grand-chose parce que j'attendais vraiment de pouvoir le voir en vrai, confie le jeune homme dans Les Voix du crime. En gros, ce qu'il faut bien réaliser, c'est qu'on n'a pas accès vraiment visuellement à toute la richesse du paraverbal de Joël Le Scouarnec quand on est en amphi." Joël Le Scouarnec, chirurgien retraité de 74 ans, est accusé d'avoir agressé sexuellement et violé 299 victimes - la plupart des mineurs âgés en moyenne de 11 ans. 

Gabriel Trouvé sait qu'il en fait partie depuis 2018 et l'annonce des gendarmes : son nom a été retrouvé dans les "carnets noirs" du médecin. Des écrits dans lesquels il consignait les détails de ses crimes. Au procès, Gabriel Trouvé attend de pouvoir témoigner et confronter son bourreau. "Je voulais voir à quel point sa perversion était conforme à ce que j'avais pu en comprendre", explique-t-il.

Je me suis dit que malheureusement, il était complètement inadapté pour vivre dans une société comme la nôtre, parce que son identité-même est perverse

Gabriel Trouvé, victime de Joël Le Scouarnec

Après plusieurs jours passés en salle de déport, Gabriel Trouvé parvient à se rendre dans la salle d'audience. "On était plusieurs sur le rang droit à être là. On était contents. Et en fait, il y a eu confrontation de regard avec Le Scouarnec. On a essayé de l'affronter sans baisser les yeux", se souvient le jeune homme. Un moment dont il se souviendra "toujours".

"La sensation que j'ai eue, c'était vraiment qu'il n'appartenait pas à ce monde-là, décrit-il. Je me suis dit que malheureusement, il était complètement inadapté pour vivre dans une société comme la nôtre, parce que son identité même, en fait, est perverse." Selon Gabriel Trouvé, qui a entamé une reconversion en psychologie, Joël Le Scouarnec présente tous les symptômes d'une personnalité perverse telle que décrite dans le livre de référence, le DSM-5.  

À cet égard, il ne comprend pas que la rétention de sûreté, un dispositif qui permet de maintenir une personne en privation de liberté même après la fin de sa peine de prison, n'aie pas été retenue lors de la condamnation. "C'est très compliqué d'imaginer une réinsertion", avance-t-il, persuadé que "l'arc de rédemption" de Joël Le Scouarnec, qui a avoué tous les crimes, n'est qu'une stratégie.

Quand on a face à soi un pervers polymorphe de cette trempe, c'est la société entière qu'il faut protéger

Gabriel Trouvé, victime de Joël Le Scouarnec

"C'est horrible ce que je vais dire, poursuit Gabriel Trouvé, mais s'il se contente de violer, ce serait déjà quelque chose... Puisqu'il était quand même dans une montée dans les tabous et les transgressions qui étaient telles que la prochaine étape, en fait, c'était de ôter la vie. Et quand on a face à soi un pervers polymorphe de cette trempe, c'est la société entière qu'il faut protéger."

Joël Le Scouarnec, condamné à 20 ans de réclusion criminelle, pourra prétendre à une sortie d'ici 6 ans. Au-délà du "message" et du "symbole" envoyé aux victimes (et aux prédateurs) Gabriel Trouvé pense aux conséquences que cela peut avoir sur la reconstruction de toutes les personnes traumatisées. "Le fait de se dire que dans six ans, on peut le recroiser, je suis désolé, mais dans un parcours de réparation, c'est quand même extrêmement compliqué"

Aujourd'hui une cinquantaine de victimes de Joël Le Scouarnec se sont regroupées en collectif : elles demandent notamment un meilleur accompagnement juridique et psychologique pour "qu'il n'y ait plus jamais ça".

 >> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.


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