Affaire du Lord Anthony Ashley-Cooper : pourquoi son épouse avait-elle intérêt à l'éliminer ?

Mardi 16 novembre 2004, Lady Frances Ashley-Cooper appelle le consulat de Grande-Bretagne à Marseille. Elle signale la disparition de son frère, Anthony Ashley-Cooper, 66 ans, dernier comte de Shaftesbury et membre de la chambre des Lords. Étiquette prestigieuse qui retient tout de suite l'attention du Consulat. La sœur explique qu'Anthony se trouvait à Cannes. Il était attendu en Angleterre le 10 novembre pour une réunion familiale mais ne s'est pas présenté.

Vingt-quatre heures après la disparition du Lord, Jamila M'Barek, 43 ans, est entendue par les policiers. C'est la dernière épouse du disparu. Elle habite un luxueux appartement à Cannes, dans le quartier huppé de la Californie. Le couple est en instance de divorce et les choses ne se passent pas bien. Elle dit avoir vu Anthony pour la dernière fois le vendredi 5 novembre au matin. L’épouse, une ancienne escort-girl, explique qu’Anthony était dans un état déplorable. 

"Il y a le lord anglais quand il est en Angleterre, qui se tient à peu près, et dès qu’il vient en France, cela devient un autre personnage. Il passe son temps dans les bars à hôtesses. Il rencontre pas mal de femmes. Sa vie est assez dissolue et assez difficile à suivre quand il est en séjour sur la Côte d’Azur", précise Damien Delseny, rédacteur en chef adjoint au Parisien / Aujourd'hui en France, dans L'Heure du Crime, sur RTL.

Une bagarre d'ivrognes

Les enquêteurs épluchent le carnet d'adresses d'Anthony Ashley-Cooper. Trois noms de femmes retiennent plus particulièrement l'attention. Leurs lignes téléphoniques sont placées sur écoutes. Le 21 février 2005, les officiers de police captent ainsi une conversation téléphonique de Jamila M'Barek avec son avocat. L’épouse du Lord y révèle qu’elle est en pleine dépression. On entend sa sœur intervenir dans la conversation et supplier l'avocat : "Il faut qu'elle parle de ce qui s'est passé. Il faut qu'elle se vide. C'est ça qui la rend malade". Les enquêteurs souhaitent l'entendre le plus rapidement possible.

Vendredi 25 février 2005, Jamila M'Barek est placée en garde à vue. Spontanément, elle déclare qu'Anthony Ashley-Cooper a été tué chez elle le 5 novembre 2004. Elle désigne son frère, Mohamed M'Barek, comme étant le meurtrier. Elle explique que le jour fatal le Lord l'a appelée le matin. Il lui a proposé qu'elle vienne déjeuner avec lui au restaurant du Noga Hilton. Elle a refusé. Anthony s'est donc présenté à l'appartement en fin de matinée. Selon elle, il était ivre. Mohamed était là. Lui aussi était imbibé d'alcool. Une bagarre a éclaté. Elle n'a rien pu faire. 

Un mois après les aveux de Jamila M'Barek, son frère Mohammed est interpellé en Allemagne. Il nie toute implication dans la mort d'Anthony Ashley-Cooper. Il est toutefois mis en examen pour homicide volontaire avec préméditation. Six mois plus tard, il se confie à la juge. Le 5 novembre 2004, chez sa sœur, à Cannes, il a vu débouler le Lord. Ivre et nerveux. Le Britannique se serait jeté sur lui. Mohammed M’Barek dit s’être défendu. Il a serré le cou de l'époux, s'est ensuite aperçu qu'il ne respirait plus. Il ne se souvient plus de l'endroit où il a jeté le corps.

Jamila M'Barek libérée après treize ans de détention

Cinq mois après la disparition d'Anthony Ashley-Cooper, son corps est retrouvé sur la commune de Théoule-sur-Mer, à une demi-heure de Cannes. Le cadavre repose à six mètres en contrebas d'un ravin qui sert de décharge sauvage. Le corps, réduit à l'état de squelette, est déshabillé dans la partie haute. Les médecins légistes notent des lésions aux côtes. Une double fracture du larynx confirme, sans certitude absolue, une strangulation.

Mardi 22 mai 2007, Jamila M'Barek, 45 ans, et son frère Mohammed, 43 ans, sont devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes, à Nice. "Ce procès est une catastrophe pour Jamila. Malgré tous mes efforts pour lui dire au parloir d’avoir une attitude triste et digne, de ne pas se mette en avant, elle s’est crue sur une scène de théâtre. Son frère a donné des interviews lunaires à la télévision. Tout de suite, j'ai compris que nous allions tout droit dans le mur et que le procès était d’emblée raté", confie Me Franck De Vita, avocat de Jamila M'Barek. Les deux accusés sont condamnés à une peine de 25 ans de prison.  

Mercredi 4 février 2009, Jamila M'Barek, 47 ans, est rejugée par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, à Aix-en-Provence. Pour l'avocat général, cette femme a fait éliminer son mari par son frère, "pas pour gagner de l'argent mais parce qu'elle avait peur d'en perdre". L'accusée écope de vingt ans de prison, cinq de moins qu'au précédent procès. Elle sera libérée après treize ans de détention. 

Les invités de "L'Heure du Crime"

- Me Franck De Vita, avocat au barreau de Nice. Avocat de Jamila M'Barek, troisième femme du Lord.
- Damien Delseny, rédacteur en chef adjoint au Parisien / Aujourd'hui en France. Chef du service police-justice.

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