C'est une véritable guerre de tranchée qui oppose, d'une part, la Fédération française des industriels charcutiers et traiteurs (FICT), et de l'autre, Yuka, une application qui permet de "scanner" ses aliments pour connaître les indications nutritionnelles, l'ONG Foodwatch et la Ligue contre le Cancer. Au cœur de ce conflit : les sels nitrités, des additifs, présents dans la plupart des charcuteries.
Tout commence par une pétition lancée par Yuka, Foodwatch et la Ligue contre le cancer le 20 novembre 2019 pour l'interdiction des sels nitrités, "particulièrement utilisés dans les viandes transformées". Les trois organisations expliquent qu'ils favorisent le cancer colorectal et le cancer de l'estomac.
Le 7 octobre dernier, les professionnels de la charcuterie ont répondu dans une lettre de mise en demeure à l'intention de Yuka, mise en ligne depuis. Ils accusent l'application de "désinformation" quand elle affirme que les additifs en cause présentent un "risque élevé" et dénoncent des "faits patents de dénigrement" et des "pratiques commerciales déloyales".
Ce lundi 23 novembre, les trois organisations qui ont lancé la pétition dénoncent une "tentative d'intimidation" dans un communiqué de presse. Elles évoquent des "menaces non fondées" de la part de la FICT et persistent dans leurs accusations contre les nitrites, qu'elles estiment fondées.
La pétition pour l'interdiction des sels nitrités mentionne explicitement quatre additifs : E249 (nitrite de potassium), E 250 (nitrite de sodium), E251 (nitrate de sodium) et E252 (nitrate de potassium). Ces additifs sont utilisés par les professionnels dans de nombreuses préparations charcutières.
Sur son site, Herta ne cache pas que "le nitrite de sodium est le plus souvent un additif de synthèse". "Il peut être dans certains cas d’origine végétale par l’utilisation de plantes comme le céleri très riche en nitrate", ajoute la marque.
On dit souvent que les nitrites ne servent qu'à donner de la saveur aux charcuteries ou garder la couleur bien rose du jambon. Les industriels du secteur ne démentent pas que cela soit le cas, mais estiment "mensonger" d'affirmer que c'est l'unique objectif.
Ils rappellent "le rôle essentiel que jouent les nitrites et les nitrates dans la lutte contre la prolifération des bactéries", et notamment contre le botulisme, une intoxication alimentaire grave qui peut être mortelle dans 5 à 10 % des cas, rapporte l'Institut Pasteur.
La FICT cite notamment sa mise en demeure un avis de l'Agence nationale de la sécurité sanitaire (Anses), publié en 2001 et mis à jour en août 2019, qui affirme que "le sel nitrité (150 mg maximum de nitrites /kg de produit) est l’inhibiteur de croissance de C. botulinum le plus efficace."
Sur son site info-nitrites.fr, la même fédération affirme que "grâce à leur savoir-faire, les charcutiers français, artisans et industriels sont en dessous de ce seuil et se sont engagés dans le Code des usages de la charcuterie à limiter l’utilisation des nitrites, d’au moins 20%, soit 120 mg maximum par kilo."
Les nitrites sont accusés par les trois associations à l'origine de la pétition de favoriser le cancer colorectal et le cancer de l'estomac. La FITC leur oppose qu'aucune étude n'établit avec certitude un lien causal entre ces additifs et ces maladies.
Il est clair qu'une surconsommation de charcuterie est nocive pour la santé. Les recommandations de l'Anses fixent à 25 grammes par jour de charcuteries consommées à ne pas dépasser.
Dans une note de synthèse, l'Institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) rappelle que, "sans appel", "la consommation (...) de viandes transformées est associée à une augmentation du risque de ce cancer" colorectal. Cela explique le classement des viandes transformées comme "cancérogènes pour l'Homme" par le Centre international de recherche sur le cancer, après une recherche sur des centaines d'études menées sur le sujet. L'Inrae met en avant plusieurs facteurs, dont "l'emploi de sels nitrités" pour expliquer ce lien causal.
Enfin, en ce qui concerne les nitrites à proprement parlés, le FITC cite un document de synthèse de l'European Food Safety Authority (l'Autorité européen de sécurité alimentaire). Celui-ci note que "le nitrite dans les aliments (et le nitrate converti en nitrite dans le corps) peut contribuer à la formation d'un groupe de composés connus sous le nom de nitrosamines, dont certains sont cancérigènes."
Toutefois, le même document affirme que "les nitrosamines qui se forment dans l’organisme à partir des nitrites ajoutés dans des produits à base de viande aux niveaux autorisés sont peu préoccupantes pour la santé humaine." Elle recommande toutefois davantage d'études sur ce sujet.
Il existe déjà, y compris en France, des gammes de charcuteries "sans nitrite". Certaines gammes sont "sans nitrites ajoutés". Souvent, elles utilisent du céleri, qui contient naturellement des nitrites. Or, rien ne dit que les nitrites "naturels" sont moins dangereux que les nitrites de synthèse.
Des gammes réellement sans nitrite, ni naturel, ni artificiel, existent aussi. Comme l'expliquait Libération en 2018, les industriels utilisent alors des bouillons de sels, légumes et épices, ainsi que du lactose pour la conservation de leur charcuterie.
Une étude de l'Institut national de recherche scientifique canadien, menée par deux chercheuses, ont observé qu'il est clair que des "formulations" avec cinq épices (clou de girofle, cumin, cannelle, curcuma, gingembre, romarin) "sont d’excellents agents de conservation et pourraient remplacer avantageusement les nitrates et les nitrites dans les viandes de charcuterie", bien que "les travaux de recherches ne [soient] pas encore terminés."
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