#MeToo : comment Adèle Haenel a secoué le cinéma français aux César 2020
ELLES ONT MARQUÉ L'ANNÉE (2/7) - Le 28 février 2020, Adèle Haenel quitte la cérémonie des César lorsque Roman Polanski, accusé de violences sexuelles, est récompensé pour son travail de réalisateur. Elle marque ainsi un élan féministe qui bouleverse le cinéma français.

"La honte !" Nous sommes le 28 février 2020, et la cérémonie des César touche à sa fin. Roman Polanski, réalisateur accusé de viols par une dizaine de femmes dont la photographe française Valentine Monnier, vient d'être récompensé. Adèle Haenel "se lève et se casse" de la salle Pleyel où se déroule la soirée : quelques mois avant, l'actrice a témoigné des violences sexuelles qu'elle a elle-même subies lorsqu'elle était enfant.
Le César du meilleur réalisateur décerné à Roman Polanski pour son film J'Accuse est la goutte d'eau dans un cinéma français qui n'a pas encore connu son #MeToo.
Plusieurs personnalités, dont l'actrice Aïssa Maïga et la réalisatrice Céline Sciamma, suivent Adèle Haenel hors de la salle. Dehors les associations féministes manifestent depuis le début de la soirée contre la présence du réalisateur polonais au sein des candidats.
Ce qu’ils ont fait hier soir, c’est nous renvoyer au silence, nous imposer l’obligation de nous taire
Adèle Haenel dans "Mediapart"
Le lendemain, l'actrice réagit dans les colonnes de Mediapart, média grâce auquel son histoire est devenue publique. "Ce qu’ils ont fait hier soir, c’est nous renvoyer au silence, nous imposer l’obligation de nous taire", déclare-t-elle. Le même jour, l'autrice Virginie Despentes publie une tribune dans Libération : "On se lève et on se barre". Un slogan qui devient le cri de ralliement d'un mouvement féministe bien plus grand que le cinéma : le 8 mars, des milliers de personnes, dont Adèle Haenel, défilent dans les rues de Paris pour défendre les droits des femmes.
Vers plus de parité et de démocratie ?
Quelques jours avant la cérémonie tumultueuse, la direction de l'Académie des César, dont son patron Alain Terzian, avait décidé de démissionner en bloc. En cause déjà : l'annonce de la nomination de Roman Polanski dans plusieurs catégories de la compétition. À la suite de la cérémonie, en juillet, la nouvelle Académie présente ses nouveaux statuts : l'accent est mis sur la démocratie interne et la parité entre les hommes et les femmes. La direction doit d'ailleurs être assurée par un tandem paritaire : Véronique Cayla et Éric Toledano.
Malgré ces nouveaux statuts qui prévoient que les membres de l'assemblée générale soient élus, des membres "historiques" de l'Académie le sont encore de droit. Parmi eux : Roman Polanski. Après de nouvelles contestations, les statuts sont révisés et le réalisateur polonais est exclu d'office de l'instance gouvernante du cinéma français.
Rendez-vous en mars prochain
La prise de parole et l'engagement d'Adèle Haenel ont permis cette année de secouer une instance archaïque, avec le soutien de personnalités politiques et de célébrités internationales comme Rose McGowan, elle-même icône du mouvement #MeToo aux États-Unis. D'autres n'ont pas hésité à prendre la défense de Roman Polanski. En première ligne, l'acteur de J'Accuse Jean Dujardin ou encore Fanny Ardant, qui après la cérémonie a dit qu'elle suivrait Roman Polanski "jusqu'à la guillotine".
Après cette année mouvementée, la grande famille du cinéma français se retrouvera en mars prochain pour la 46ème cérémonie des César. Elle sera présentée cette fois par Marina Foïs, qui, elle aussi en colère, avait refusé de participer à la dernière édition de la compétition.
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