On l’oublie souvent, mais nous autres, humains, nous sommes bel et bien avant tout des animaux. Et la meilleure preuve linguistique de la chose est la place que tiennent les autres animaux dans notre discours.
Evidemment, il y a toutes ces expressions, du temps de cochon à la vie de chien, du plancher des vaches à donner sa langue au chat, elles sont des centaines, que nous utilisons cent fois par jour. Mais je veux parler aujourd’hui de mots qui renvoient à des animaux sans qu’on le sache, souvent parce que notre vocabulaire a évolué.
Par exemple, quand on marche “à la queue leu leu”, à votre avis, amis des mots, qu’est-ce que ce leu qui revient bizarrement deux fois dans l’expression – expression qui, en passant, a inspiré une chanson qui est un des sommets de la variété française du XXe siècle ?
C’est l’ancienne façon de désigner le loup. Le mot vient du latin lupus. L’usage avait supprimé la fin du mot, puis les clercs du Moyen Âge ont décidé de lui redonner, pour rappeler son origine latine, ce P muet final que nous lui connaissons encore aujourd’hui.
Mais pourquoi cette histoire de queue ? Les loups, figures importantes de l’imaginaire médiéval, étaient réputés marcher les uns derrière les autres : à la queue du loup… Le loup suivant : à la queue leu leu, quoi ! Et tenez, en parlant de la queue, elle a donné naissance à un autre mot qu’on ne lui associe plus du tout : le couard, façon un peu littéraire de désigner un “trouillard”, c’est littéralement celui qui a la queue basse, comme un chien qui s’enfuit en piaillant. Et voilà qui me fait penser à une autre histoire animalière : comme chaque dimanche, Stéphane Carpentier s’est levé dès potron-minet. Minet, on voit bien ce que c’est, mais potron ?
J’adore cette expression un peu désuète qui veut dire, selon Larousse.fr “dès le point du jour”. À l’origine, on disait “dès le poitron-jacquet”, nous apprend le Dictionnaire historique de la langue française. Jacquet, le “petit Jacques”, était le surnom traditionnel de l’écureuil, comme Jeannot est celui du lapin. Et potron, ou poitron, c’est le “postérieur”. Quand on se lève à l’aube, on a la chance de voir s’enfuir cet adorable animal lève-tôt, l’écureuil, dont on aperçoit le derrière. Petit à petit, on a oublié ce que désignait ce jacquet, et surtout, comme les Français sont devenus plus citadins, le jacquet a été remplacé par le minet !
Et allez, puisque les bureaux de vote ouvrent dans quelques minutes, rappelons que les Grecs de l’Antiquité votaient eux aussi. Lorsqu’ils désiraient non pas élire mais bannir l’un des leurs de la cité, ils le faisaient en écrivant son nom sur un morceau de terre cuite, l’ostrakon, mot qui désigne la “coquille” en grec, et qui nous a donné à la fois l’ostracisme, le fait de bannir quelqu’un d’un groupe, mais aussi l’ostréiculture… et l’huître ! Attention, amis des mots, si vous glissez une coquille d’huître dans l’urne, votre bulletin sera considéré comme nul.
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