Comment la cohabitation entre Mitterrand et Chirac est devenue le théâtre d'un duel présidentiel

PODCAST - En 1988, François Mitterrand annonce tardivement sa candidature à la présidentielle, bouleversant le paysage politique. Sa campagne, marquée par une rhétorique agressive, cible particulièrement son rival et premier ministre : Jacques Chirac.

Le candidat à la présidence François Mitterrand a levé les deux poings en l'air lors de son dernier meeting de campagne électorale pour les élections présidentielles françaises le 6 mai 1988 à Portet-sur-Garonne, près de Toulouse, en France.

Crédit : Gabriel BOUYS, Gerard FOUET / AFP

Le monarque républicain (4/6)

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En 1988, la scène politique française est en ébullition. François Mitterrand, alors président sortant, choisit de se lancer dans la course présidentielle. Face à Jacques Chirac, son Premier ministre et principal adversaire, Mitterrand déploie une rhétorique incisive, oscillant entre majesté et malice.

La cohabitation aurait pu faire passer François Mitterrand pour celui qui bafoue la représentation nationale, il n'en est rien. Il parvient à retourner la situation à son avantage. Les Français apprécient de voir une opposition au sommet de l'État. Chirac s'use à Matignon, tandis que le président se présente comme le garant de l'unité nationale et regagne en popularité.

En 1988, la cohabitation politique en France se transforme donc en une véritable rampe de lancement pour l’élection présidentielle. Le président sortant, aborde la campagne à la manière de 1981 : très tardivement.

33 jours avant le premier tour

Il annonce sa candidature seulement 33 jours avant le premier tour, provoquant une irruption de dernière minute qui bouleverse la campagne. Avec un slogan fort, "La France Unie", celui qui était surnommé "Tonton", mise sur une rhétorique clivante, dénonçant le risque que le pays tombe entre les mains de bandes et de clans.

Pendant la campagne, François Mitterrand intervient à deux reprises sur RTL, moments forts d’une campagne électrique. En avril, lors d’une interview avec le journaliste Philippe Alexandre, le président est confronté directement sur l’agressivité renouvelée de son discours.

Un programme sans fond ?

L’interrogation est claire : cette posture ne masque-t-elle pas une absence de programme solide, un recours à la suffisance propre aux monarques ?

Philippe Alexandre : "Cette fois-ci, votre programme, c’est plutôt "faites-moi confiance..." François Mitterrand : "Non, ce n’est pas vrai, pas du tout. J’espère bien qu’on me fera confiance. Vous avez raison de le dire, mais il n’y a pas que cela."

L’interview évoque aussi un parallèle historique : le slogan de Louis Napoléon Bonaparte, "Il est temps que les bons se rassurent et que les méchants tremblent", phrase que Mitterrand nuance. Il souligne qu’il ne divise pas la France en bons et méchants, mais rappelle : "Les méchants n'ont pas à trembler. Ils ont simplement à savoir que la loi républicaine sera toujours, pour moi, la loi suprême."

Joute verbale

Quinze jours plus tard, la tension ne faiblit pas. Mitterrand revient dans les studios RTL pour répondre au Grand Jury. Ce qui rend les débats de 1988 uniques, c'est la présence parmi les candidats d'un président de la République en exercice et de son Premier ministre.

Le journaliste questionne le président sur le caractère polémique de ses attaques envers Chirac :
Journaliste : "On a l’impression que la polémique prend le pas sur le débat. On voit le candidat Chirac dénoncer votre, je cite, "démagogie", et vous, vous mettez en cause son "agitation de pensée", ou "l'agitation de pensée". Est-ce que ça n'est pas d'une certaine façon, à votre tour, céder à la polémique ?"
Mitterrand : “Vous avez raison, dire cela, c’est céder à la polémique, il ne le faut pas."
Journaliste : "Donc vous ne le direz plus ?"
Mitterrand : "Oh ! Je ne sais pas. (...) Je pense qu’il y a agitation et pas simplement de la pensée. J'arrête là mon commentaire."
Journaliste : "Parce que vous aviez dit 'agitation de la pensée, pour peu qu'il y ait pensée' ?"
Mitterrand : "C’est trop méchant, je retire."

Une malice dans la majesté

Derrière cette joute verbale se dessine une forme de majesté mêlée à une malice méprisante. Mitterrand ne se contente pas d’affronter Chirac, il se permet de le traiter avec une certaine supériorité ironique, le qualifiant en creux de vulgaire agitateur.

Cette posture, raffinée et parfois acerbe, deviendra emblématique du style de Mitterrand, dont la maîtrise des mots et des sous-entendus alimenteront bien des années plus tard le livre Verbatim publiés par Jacques Attali, qui a été le conseiller spécial du président.

>> Le podcast RTL archives secrètes, François Mitterrand. Le podcast, animé par Nathan Laporte, explore la vie de François Mitterrand, figure marquante de la politique française du XXe siècle. Grâce à des archives inédites, il retrace son parcours, ses échecs et ses succès, révélant l'homme derrière le président.

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