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Temps d'écran des enfants : pourquoi la régulation souhaitée par Macron s'annonce difficile

Le chef de l'État a fait de la régulation du temps d'écran des enfants une priorité de la fin du quinquennat, ouvrant la porte à des restrictions et des interdictions. Mais l'ambition présidentielle fait face à plusieurs obstacles.

Emmanuel Macron a fait de la régulation du temps d'écran des plus jeune une priorité de la fin du quinquennat
Crédit : AFP
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Benjamin Hue
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Un Président peut-il décider du bon usage des écrans pour les enfants jusque dans les familles ? La question préfigure un chantier périlleux pour l'exécutif ces prochaines semaines. A l'occasion de sa conférence de presse donnée mardi 16 janvier, Emmanuel Macron a appelé de ses vœux à la mise en place d'une régulation des écrans pour les plus jeunes. Un sujet "essentiel", pour le chef de l'Etat, selon qui "il en va de l'avenir de nos sociétés et de nos démocraties". "Tout le monde voit que les ados et les enfants passent beaucoup de temps sur les écrans (...) ça commence très jeune. Des enfants de deux ans, et beaucoup, passent parfois plusieurs heures par jour sur les écrans. On a des enfants qui avant six ans ont une exposition régulière", a déploré Emmanuel Macron. Selon lui, cela à "un impact sur le développement affectif, sensoriel et cognitif d’un enfant". 

Le Président n'a pas précisé quelles mesures il envisageait pour répondre à cette problématique. Mais il a chargé un comité d'experts de s'emparer du sujet afin de dégager un consensus scientifique et des préconisations d'ici à la fin du mois de mars. Ce groupe de travail est présidé par la neurologue et neurophysiologiste Servane Mouton et le professeur de psychiatrie Amine Benyamina. Il se veut pluridisciplinaire, puisqu'il est également composé de deux spécialistes de l'éducation au numérique, de deux juristes, d'un psychologue, d'un épidémiologiste et du créateur d'une application de contrôle parental... 


La mission de ces experts, qui se sont réunis une première fois le 10 janvier, sera d'abord de faire émerger un constat partagé et consensuel sur l'impact des écrans sur la santé physique et mentale des jeunes. Ils devront aussi évaluer l'efficacité des dispositifs de régulation actuels, comme l'interdiction du smartphone au collège votée en 2018 et l'installation obligatoire d'un système de contrôle parental sur les appareils vendus en France à venir cet été. Sur la base de ces travaux, le comité écran aura ensuite la tâche de définir une doctrine de régulation des écrans et, enfin, de proposer et valoriser des outils numériques adaptés à tous les publics. Le tout, d'ici deux mois.

Ce timing serré n'effraie pas les experts mobilisés par le Président. "La méthodologie de nos travaux sera d'analyser la littérature scientifique, qui est très abondante, et les rapports institutionnels qui ont pu être publiés en France et à l'étranger depuis plus de 10 ans. Nous allons aussi auditionner des experts sur d'autres thématiques. Tout ça pour parvenir à quelque chose qui soit robuste sur le plan de la science", expliquait récemment Servane Mouton sur RTL. "L'idée est de faire émerger une convergence, mais surtout de proposer des outils et des solutions", complétait Amine Benyamina. Des zones d'ombre demeurent toutefois. L'Élysée n'a pas précisé si le rapport sera rendu public, ni quels seront les axes des travaux, les personnalités auditionnées et si les préconisations feront l'objet, ou non, d'une proposition de loi par la suite. 

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ÉCRANS - Amine Benyamina et Servane Mouton sont les invités de Amandine Bégot
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Un timing serré pour aboutir à un consensus scientifique

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Le chantier s'annonce pour le moins tentaculaire. Si le constat de l'augmentation du temps passé sur les écrans par les jeunes, comme les moins jeunes, est unanimement partagé - comme l'illustrait encore récemment une étude sur l'addiction aux écrans révélée par RTL - la communauté scientifique se montre moins consensuelle sur son impact sur la santé. De nombreuses études ont tenté de mesurer les effets de l'exposition des mineurs ces dernières années. Leurs conclusions sont plus nuancées que celles du Président. Certaines enquêtes ont établi un lien avec l'augmentation des risques d'obésité, l'apparition de troubles du sommeil ou la baisse des résultats scolaires, notamment. Mais des experts soulignent aussi l'importance de l'environnement familial dans lequel évoluent les enfants. Le temps passé devant les écrans serait ainsi moins important que les usages, la manière dont ils regardent les contenus et les interactions qu'ils en tirent avec leurs proches. Et surtout moins déterminant que le temps dédié aux autres activités stimulantes, comme la lecture.

Dans ces conditions, de nombreux spécialistes estiment que l'ambition d'atteindre un consensus scientifique sur le sujet s'annonce vaine. "On ne peut pas faire un consensus scientifique pour satisfaire des exigences politiques, ça ne marche pas comme ça. La science est avant tout un outil de compréhension du monde", a déploré sur X la chercheuse en psychologie Séverine Erhel, maîtresse de conférences en psychologie cognitive à l'Université Rennes 2. "Il faudrait comprendre que le temps scientifique n’est pas le temps politique" et qu'"un consensus scientifique ne se fait pas uniquement en France" a-t-elle souligné.

Au-delà de la dimension scientifique, Emmanuel Macron a martelé son ambition de contrôler les usages des écrans non seulement à l'école, mais jusque dans la sphère familiale. Une incursion dans le domaine du privé qui confine aux limites du droit et du politique : est-ce vraiment au président de la République de dire ce que l'on peut faire ou non à la maison, de décider ce que l'on peut montrer à nos enfants sur nos écrans ou nos téléphones ? Des outils de contrôle parental existent déjà et leur utilisation relève précisément de l'autorité des parents. La guerre aux écrans justifie-t-elle des mesures plus intrusives, comme celles prises par la Chine contre les jeux vidéo ou pour restreindre l'accès des mineurs à l'Internet mobile ? Dans une tribune publiée au printemps dernier, le psychiatre Serge Tisseron mettait en garde contre des règles trop restrictives, axées sur la réduction du temps d'écran, qui pourraient "se révéler contre-productives", selon lui, "au risque d'ignorer l’apprentissage de leurs usages vertueux et la nécessité pour les enfants de bénéficier d’alternatives qui n’existent actuellement que pour les plus fortunés".

À écouter

ÉCRANS - Emmanuel Macron peut-il vraiment réguler le temps d'écran des enfants ?
00:01:40

Une approche plus acceptable pourrait consister à déployer des campagnes de sensibilisation à destination des familles sur le modèle de la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, et rappeler, par exemple, que l'exposition d'un enfant aux écrans est fortement déconseillée avant 3 ans ou que de nombreux outils de limitation du temps d'écran sont accessibles gratuitement. En 2022, la députée LREM Caroline Janvier était montée au créneau en ce sens avec une proposition de loi visant à renforcer la prévention de la surexposition des enfants. Elle préconisait d'ajouter des mentions sur les emballages des smartphones et des ordinateurs et d'instaurer des restrictions dans les structures de la petite enfance jusqu'à l'école primaire. Malgré un vote à l'Assemblée en mars dernier, le texte avait fini par être enterré par la majorité avant son passage au Sénat, peut-être victime d'un embouteillage parlementaire. Dès le mois de mai, le gouvernement présentait en effet son ambitieux projet de loi pour réguler "le Far West numérique", un texte balayant des thèmes très divers comme le filtre anti-arnaque, la majorité numérique à 15 ans ou le bannissement des plateformes pour les cyberharceleurs. Sa mise en application est toutefois toujours incertaine, car il entre en opposition avec la législation européenne. Un écueil qui menacerait aussi une éventuelle initiative française sur le contrôle des écrans. 

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