Affaire Joël Le Scouarnec : "On accuse le coup du verdict", confie une de ses victimes, Gabriel Trouvé, à RTL

Il est le plus grand pédocriminel français connu de la justice. Le 24 février 2025, à Vannes (Morbihan), s'ouvre le procès hors normes d'un chirurgien, Joël Le Scouarnec, 74 ans. Le septuagénaire est accusé d'avoir commis viols et agressions sexuelles sur 299 patients et proches, âgés de 11 ans en moyenne au moment des faits. Il a sévi durant plus de 30 ans sur la côte ouest, notamment en Bretagne et dans les Pays de la Loire.

En 2017, l'homme avait été interpellé par la police, accusé d'exhibition sexuelle et de viol par sa jeune voisine âgée de six ans, à Jonzac (Charente-Maritime). Lors des perquisitions effectuées à son domicile, les policiers mettent la main sur de nombreux journaux intimes, des "carnets noirs " dans lesquels le chirurgien a consigné les noms de ses victimes et le récit des sévices qu'il leur a infligés.

Gabriel Trouvé, 34 ans, est une des victimes de Joël Le Scouarnec. Membre du collectif de victimes du chirurgien, le trentenaire a vécu au rythme des audiences de la cour criminelle pendant trois mois. Il revient sur le moment où il a appris qu'il était une des victimes, à la gendarmerie de Rennes, en 2018. "J'étais sous le choc. J'ai ressenti une certaine déflagration intérieure. J'avais des tremblements", explique-t-il, dans Les Voix du crime.

Ma mère s'est sentie coupable de ne pas avoir vu. Elle s'est aussi senti trahie de l'abus de confiance et de la position qui était celle de Joël Le Scouarnec à cette époque.

Gabriel Trouvé, victime de Joël Le Scouarnec

Raconter la vérité à ses proches n'a pas été une tâche aisée pour Gabriel, qui se remémore la réaction de sa mère. "Elle s'est sentie coupable de ne pas avoir vu. Elle s'est aussi sentie trahie de l'abus de confiance et de la position qui était celle de Joël Le Scouarnec à cette époque", confie Gabriel Trouvé.

"C'était un peu la pièce qui me manquait au puzzle pour comprendre pourquoi je n'arrivais jamais à aller totalement de l'avant", ajoute Gabriel, qui souhaitait d'abord être entendu à huis clos lors du procès avant de revenir sur sa décision, à la cour criminelle du Morbihan. Le procès Le Scouarnec, marqué par une longue instruction, a aussi été marqué par la solidarité entre les victimes, qui ont libéré leurs paroles. 

Malgré les conditions difficiles, un lien fort s'est tissé entre la cinquantaine de membres du collectif. "En voyant les personnes témoigner, je me suis dit qu'il fallait que je témoigne. Et il y a eu vraiment un effet collectif là-dessus, parce que ça a libéré beaucoup de paroles qui ne voulaient pas nécessairement s'exprimer", confie Gabriel Trouvé.

On accuse le coup du verdict

Gabriel Trouvé, victime de Joël Le Scouarnec

Face à l'ampleur de l'affaire et à l'impunité dont a bénéficié Joël Le Scouarnec pendant des années, Gabriel et d'autres victimes décident de s'organiser en collectif, quelques jours avant la fin du procès. Leur objectif : sensibiliser l'opinion publique et les responsables politiques à la nécessité de réformes pour éviter que de tels crimes ne se reproduisent.

Le 28 mai 2025, Joël Le Scouarnec est finalement condamné à la peine de 20 ans de réclusion criminelle, dont deux tiers de peine de sûreté pour viols et agressions sexuelles sur 299 victimes. La rétention de sûreté, évoquée dans la plaidoirie de l'avocat général, n'est pas retenue par la cour. Ce dispositif aurait permis qu'à la fin de sa peine de prison, Joël Le Scouarnec puisse être examiné et possiblement maintenu en privation de liberté. Dans les conditions actuelles, il pourra bénéficier d'une libération conditionnelle d'ici 2031.

"On accuse le coup du verdict, regrette Gabriel Trouvé. Le fait de se dire qu'on peut le recroiser dans six ans, je suis désolé, mais dans un parcours de réparation, c'est quand même extrêmement compliqué". Pour lui, le message envoyé aux victimes est dommageable, mais aussi celui envoyé aux agresseurs : la peine maximale est de 20 ans de prison, "même avec 300 victimes".

 >> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.


Deux fois par mois, l'une de ces Voix du crime nous raconte son point de vue sur une affaire criminelle. Un podcast RTL.

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