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INFO RTL - Attentat d’Arras : ce que le petit frère du terroriste a dit à la juge d’instruction

Nous avons pu consulter les deux interrogatoires du petit frère du terroriste, Mohammed Mogouchkov, ainsi que son expertise psychiatrique, versés au dossier d'instruction. Où il tente d'expliquer le geste de son grand frère, dont il se désolidarise, sa radicalisation à petit feu, et où il se montre triste pour le professeur tué Dominique Bernard, il dit avoir "la boule au ventre".

Le portrait de l'enseignant Dominique Bernard affiché sur le mur de la mairie d'Arras.
Crédit : FRANCOIS LO PRESTI / AFP
INFO RTL - Attentat d'Arras : ce que le petit frère du terroriste a dit à la juge d'instruction
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Plana Radenovic
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La lettre manuscrite, d'une écriture ronde, presque enfantine, dénote dans un dossier terroriste. Mi-avril, S. Mogouchkov, 17 ans, écrit à sa juge d'instruction depuis sa cellule du quartier mineurs de la prison de Fleury-Mérogis. Petit frère du terroriste, il est mis en examen dans le dossier de l'attentat d'Arras pour "complicité", et pour "association de malfaiteurs". Avec une spontanéité désarmante, il demande à être réinterrogé. Parce qu'il a des choses à dire, et puis, dit-il en substance, ça le changera de son quotidien en détention. 


Quelques jours plus tard, la magistrate s'exécute. Dans le bureau de cette dernière, S. tient à revenir sur les propos qu'il a tenus en garde à vue, "grossis", selon lui : "Tous les éléments qui m'accablent sont ceux que j'ai exposés", plaide-t-il. L'achat du couteau sur Amazon deux mois avant l'attentat ; les propos équivoques tenus la veille du drame, lorsque, comme l'avait raconté S. en garde à vue, son grand frère lui a proposé de "boire un thé pour la dernière fois" ; et le matin-même du 13 octobre, Mohammed Mogouchkov dit, selon ses propos rapportés par son petit frère en garde à vue, "On se verra au Paradis".

Une radicalisation qui saute au yeux... mais a posteriori

Interrogé pour la deuxième fois le 16 avril 2024 à la suite d'une demande d'actes faite par Ambroise Vienet-Legué, l'avocat de S., Mohammed Mogouchkov reprend : "Je ne pense pas avoir dit Paradis", dit-il à la magistrate, mais "dans un monde meilleur". Et d'appuyer : "Personne n'était au courant, ni de près ni de loin, d'une quelconque attaque."

Des propos qui collent avec les explications de S. Dans son interrogatoire d'abord, il décrit Mohammed Mogouchkov comme "fasciné par les attentats". Et dans sa longue et très complète expertise psychiatrique - un rapport d'une cinquantaine de pages - S. montre qu'il n'approuve pas ce qu'a fait son grand frère. Sur le thé équivoque, le 12 octobre 2023, il déclare : "Un attentat n'était pas imaginable, c'était trop grand". Il pensait, dit-il lors de son interrogatoire d'avril, que son grand frère s'apprêtait à aller en Syrie ou au Mali.

Parce que cette expertise psychiatrique est fondamentale pour comprendre, en miroir, la radicalisation de Mohammed Mogouchkov. Une somme de signes que S. a mis bout à bout une fois que c'était trop tard. Mohammed Mogouchkov, décrit son petit frère, était "de plus en plus strict, haineux, fermé d'esprit". Une radicalisation qui s'est vraiment aggravée, décrit S. dans son dernier interrogatoire, à partir de 2018, au moment de l'expulsion de leur père. Une expulsion décrite d'ailleurs dans l'expertise psychologique du terroriste comme "un événement traumatique", survenu alors que Mohammed Mogouchkov était scolarisé au lycée Gambetta d'Arras. Le passage à l'acte, au même endroit, est interprété par l'experte comme "un retour à l'événement traumatique historiquement et géographiquement localisé".

On ne tue pas les prêtres

S. Mogouchkov

La perte de cette "figure paternelle idéalisée" a été un choc, une déstructuration, pour S. également. Il parle d'ailleurs à Isabelle Teillet, l'experte-psychiatre, des tueurs en série "qui n'ont pas eu de père". Le père "est un astre, écrit l'experte citant les propos de S., les fils gravitent autour". Un astre qui prône les valeurs d'un islam ultra-rigoriste, mais qui, s'il était resté en France, à vivre auprès des siens à Arras, "aurait pu éviter l'attentat", veut croire S. face à l'experte-psychiatre. Et d'abonder : "La préfecture aurait dû nous laisser ensemble". De manière surprenante à première vue, S. explique que les OQTF (Obligations de quitter le territoire français) devraient être "mieux appliquées", afin de "protéger" la France. La laïcité est pour S. "incompatible" avec l'islam.

Des propos très radicaux que S. déconnecte de velléités terroristes. Il se désolidarise de l'attentat commis par son frère, et même de deux autres, le 13-Novembre : "C'est un massacre, en plus les revendications ne sont pas cohérentes", dit-il. Et l'égorgement du père Hamel : "On ne tue pas les prêtres." S. dit savoir, dans son premier interrogatoire, que Mohammed Mogouchkov admirait Anzorov, l'assassin de Samuel Paty, ou Merah. Un jour, S. lui a dit, raconte-t-il : "Imagine tu vois ton nom sur BFM"... Glaçant.

Concernant Dominique Bernard, S. explique qu'il ne voit "aucune raison" à sa mort violente. "C'est un prof très sympa", en "chemise à carreaux", "le cliché français". Mohammed Mogouchkov l'a choisi, imagine-t-il, pour "la symbolique". Quand il a vu l'hommage qui lui a été rendu à la télévision, il a eu "une boule au ventre", il a même pleuré, la seule fois depuis le début de l'enquête.

En détention, comme Mohammed Mogouchkov et Movsar, leur grand frère, S. décrit son quotidien à la juge d'instruction, lors de son dernier interrogatoire : "La plupart du temps, je suis juste sur mon lit à regarder la télé", indique-t-il. Comme il est mineur, la scolarité est obligatoire, mais lui n'a qu'à peine trois heures de cours par semaine, et il est à l'isolement, un isolement qui ne dit pas son nom. La Défenseure des droits a été saisie, elle s'est déplacée à Fleury. "Ce que j'attends, c'est de sortir de prison et d'aller en Ingouchie", dit-il à l'experte. Avec toute sa famille, dont sa petite sœur, placée depuis l'attentat.

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