L'État lance un nouveau produit d'épargne original : "un fonds d'investissement patriotique", pour reprendre le qualificatif utilisé par Bruno Le Maire, notre ministre de l'Économie. Dès aujourd'hui, les épargnants français pourront investir au moins 5.000 euros dans les PME françaises les plus performantes. 5.000 euros minimum, 95.000 euros maximum. L'argent sera collecté par la BPI, une banque publique spécialisée dans le financement des entreprises, et investi dans des PME sélectionnées dans différents secteurs et différentes régions. Ce nouveau produit d'épargne devrait être diffusé dans les grands réseaux bancaires.
Le gestionnaire du fonds annonce un objectif de 5 à 7% de rémunération par an, ce qui est pas mal. Mais peut-on y croire ? Sous conditions. Il s'agit d'un objectif, et pas d'une garantie. Et c'est un objectif ambitieux. Pas facile d'obtenir un tel chiffre aujourd'hui, alors que l'économie est en récession. Rappelons que le livret A, le placement star des Français, rapporte du 0,5% par an. Et que l'assurance-vie, elle, est à moins de 2%.
Mais attention, avec ce nouveau produit, l'épargnant prend un risque, car son capital n'est pas garanti. Autrement dit, si les entreprises dans lesquelles le fonds a investi périclitent, l'épargnant perdra une partie de sa mise, en lieu et place de rémunération. Autre inconvénient, l'argent est bloqué cinq ans.
C'est un principe fondamental dans l'épargne : le rendement. C'est-à-dire que ce que le placement rapporte est inversement proportionnel au risque subi par l'épargnant. Le livret, c'est zéro risque et zéro rémunération. Ce nouveau fonds offre un rendement potentiel élevé, mais avec un risque important.
Si un placement annonce un rendement élevé sans risque, il y a toutes chances pour qu'il s'agisse d'une arnaque, ou à tout le moins qu'il ne tienne pas ses promesses. Traditionnellement, les Français, dans cet arbitrage entre, d'un côté rendement et risque élevé, de l'autre faible rendement et avec sécurité, ils préfèrent la sécurité. D'où leur engouement pour le livret A et, dans une mesure moindre, pour l'assurance-vie.
Si l'État se lance dans cette aventure, c'est parce qu'il veut résoudre deux problèmes à la fois. D'un côté, les Français ont accumulé une sur-épargne importante, à cause du confinement et de l'impossibilité de consommer au printemps. Cela représente plusieurs dizaines de milliards d'euros, qui manquent à l'économie. Et de l'autre, de nombreuses entreprises manquent d'argent pour se développer. En faisant un pont entre ces deux problèmes, Bercy espère, sinon régler les deux à la fois, au moins les atténuer.
Pour ceux qui se questionnent, non ce ne serait pas plus simple d'investir à la bourse, car ce ne sont pas les mêmes sociétés. À la bourse, ce sont de grandes entreprises internationalisées, françaises certes, mais qui se développent plutôt à l'international et profitent de la croissance des marchés émergents, et qui en général réduisent leur présence sur le territoire national. Alors que les PME qui sont visées par ce fonds sont implantées bien davantage en France.