La réforme des retraites, grand projet inachevé du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, va subir une tempête. La concertation doit s’engager au plus tard à la fin de l’été, en principe, alors que les vents se lèvent.
Tout d'abord, les vents sont économiques, avec la baisse immanquable du pouvoir d’achat cette année, sous l’effet de l’inflation, et cela, malgré le bouclier tarifaire sur l’énergie, la baisse des taxes sur le carburant et autres chèques ou indemnités inflation. Ça va mordre, surtout si la hausse des prix s’accélère, comme on peut le redouter en voyant l’emballement actuel des produits alimentaires.
Dans le même temps, la croissance ralentit, après le vigoureux rebond post covid que nous avons connu. La moyenne de la zone euro est juste au-dessus de zéro, et Bruno Le Maire a prévenu jeudi : "le plus dur est devant nous".
Sur le plan politique, Emmanuel Macron n'a pas un plan très clair. Avant le premier tour, il annonçait le report de l’âge légal à 65 ans. Le lendemain, il croisait ses skis en évoquant tout à la fois 64 ans, une clause de revoyure et éventuel référendum ? Ça n’est pas pareil.
Ensuite, le caravansérail de l’opposition sera uni sur ce sujet : Jean-Luc Mélenchon et ses nouveaux affidés ainsi que Marine Le Pen veulent tous le retour à 60 ans. Quand bien même ils n’auraient pas la majorité, ils vont taper sur des casseroles, et ça va faire du bruit.
Les opposants à la réforme avancent qu’au fond, il n’y a pas urgence, si l’on se fie aux rapports d’experts. Sauf que ces rapports sont très pratiques, car ils se succèdent et se contredisent. On peut donc choisir celui qui convient à sa thèse. Quoi qu’on dise sur les retraites, il y a toujours un rapport du COR (Conseil d'Orientation des Retraites) qui approuve.
Le dernier en date nous explique en effet que toutes choses étant égales par ailleurs, il n’y a pas le feu. C’est évidemment le "par ailleurs" qui est important dans cette phrase. Et un article récent de la revue Commentaires nous éclaire sur l’état réel des finances de notre système des retraites. On est très loin de l’équilibre.
Les derniers chiffres du COR, qui montrent un déficit de 13 milliards pour 2020, ne font pas apparaître les subventions d’équilibres versées par l’état, considérées comme des recettes habituelles. Alors qu’un employeur privé cotise pour 16% du salaire au titre de la retraite, l’État employeur cotise ainsi à 74% pour les fonctionnaires, 126% pour les militaires, et quelque 30% pour le personnel des hôpitaux. Pour le dire autrement, pour 100 euros de salaire net versé à un fonctionnaire, l’état paye 77 euros de retraite en charge.
Pour partie au déséquilibre démographique explique ces différences de versement. À la SNCF par exemple, il y a moins d’agents en activité que de retraités. Pour ne rien dire des Mines, qui n’a plus de nouveaux affiliés, en extinction complète depuis 2010.
Ensuite, le taux de remplacement, c’est-à-dire le niveau relatif des pensions par rapport au salaire, est meilleur dans le public que dans le privé. Si l’on prend en compte l’ensemble de ces subventions, le déficit des retraites en 2020 n’est pas de 13, mais de 43 milliards sur un an. Chiffre confirmé par l’excellent François Ecalle, de Fipeco. Le déficit des retraites de 2019, ainsi redressé si l’on peut dire, comptait tout simplement pour presque la moitié des déficits publics français.
Commentaires