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90 ans de Jean-Luc Godard : comment le réalisateur est devenu un pionnier du 7e art

Le réalisateur emblématique de la Nouvelle Vague souffle ce 3 décembre 2020 sa 90ème bougie. L'occasion de revenir sur son parcours incroyable.

Jean-Luc Godard est en lice pour la Palme d'or au Festival de Cannes 2018
Jean-Luc Godard est en lice pour la Palme d'or au Festival de Cannes 2018
Crédit : AFP
Lancement de la 4e édition du concours du 1er roman jeunesse Gallimard RTL et Télérama avec Laurent Marsick.
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Stéphane Boudsocq

Jean-Luc Godard vit par et pour le cinéma. Ce 3 décembre 2020, il fête ses 90 ans. Il en a épousé et repoussé tous les contours, tous les formats. Il y a occupé tous les postes : journaliste critique à ses débuts puis auteur, réalisateur, producteur, monteur et même parfois acteur de ses films.


Aux côtés de Truffaut, Chabrol, Rohmer ou Rivette il a inventé, imaginé une autre façon de faire du cinéma : on a appelé ça "la Nouvelle Vague" et ça a tout changé en 60. Dans À bout de souffle, c'est le duo Jean Seberg-Jean Paul Belmondo qui brille à l'écran. Une étudiante américaine, un voyou en cavale : une romance impossible en noir et blanc qui devient d’emblée le film d’une génération et aujourd’hui encore une référence.

Dans la foulée, Godard brise les codes et applique une règle qui le suivra jusqu’au bout : ne jamais être là où on l’attend. Petit soldat en 1963 évoque ces "événements" d’Algérie que l’on n’ose pas appeler "guerre". C’est sur ce tournage que le réalisateur rencontre celle qui va marquer sa vie et sa carrière : Anna Karina. Mais en 1964, sa caméra croise LE sex-symbol absolu, l'incarnation de la féminité et de la liberté : Brigitte Bardot, associée à Michel Piccoli dans Le Mépris. L’accueil critique est dithyrambique, celui du public plus tiède et ce sera souvent le cas à l’avenir.

Le tournant de Mai 68

Mais Jean-Luc Godard s’en moque, il aime tourner, il veut tourner donc... il tourne ! Sa passion amoureuse pour Anna Karina va se traduire par un mariage à la ville et, à l’écran, par 7 films dont Pierrot le fou, de nouveau avec Belmondo en 1965. Ou encore La Chinoise en 1967, exploration militante du marxisme-léninisme et des thèses de Mao. L’échec du film est aussi celui de son couple. Godard divorce d’Anna Karina et se console vite avec Anne Wiazemsky, la petite-fille de Mauriac, qu’il épouse cette même année.

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Survient mai 68 qui balaye ses certitudes, pointe ses contradictions et brouille son image auprès d’une jeunesse ivre de colère, assoiffée de liberté. Cela ne l’empêche pas de se jeter à corps perdu dans le mouvement, sabordant avec d’autres cinéastes le Festival de Cannes 68, solidaire des ouvriers et des étudiants en grève.

C’est la fin de l’âge d’or du cinéma de Jean-Luc Godard. Il part filmer les Stones en studio, se lance dans des scénarii ultra politisés qui déroutent jusqu’à ses fans, divorce encore une fois, se fâche avec Truffaut, est victime d’un grave accident de moto, se lance dans les prémices de la vidéo, tourne pour la télé et décide de s’installer avec Anne-Marie Mieville, sa nouvelle compagne, à Rolle en Suisse, son pays de naissance. Un refuge dont il ne bougera plus !

"Sauve qui peut la vie", une boulimie de cinéma

Et le cinéma dans tout ça ? Après un projet sur Jacques Mesrine avec Jean-Paul Belmondo et un autre avec Francis-Ford Coppola aux États-Unis, Godard retrouve les plateaux pour Sauve qui peut la vie avec Isabelle Huppert, pamphlet cruel sur une société qui broie ses citoyens.

Sauve qui peut la vie est le premier d’une série de 7 films que Godard tourne en 7 ans. Une boulimie qui le remet au cœur de la planète cinéma et fait à nouveau de lui un réalisateur emblématique, dont chaque long-métrage est attendu comme un événement. C’est le cas de Détective en 1985, vrai-faux polar sentimental dans lequel on croise Johnny Hallyday, Nathalie Baye ou Claude Brasseur...

Les films suivants apparaissent décousus et le public comme la critique en perdent le fil. Vient alors le dernier mouvement de son œuvre, une plongée dans les méandres de la construction d’un film qui, dans son cas, passe à l’écran par une déconstruction de la forme même d’un film. Histoire(s) du cinéma, Éloge de l’amour, Vrai-faux passeport, Godard expérimente plus qu’il ne filme, délaissant les règles de la narration, du jeu et du montage... Objets fascinants et déroutants, ces projets sont à voir comme des œuvres d’art modernes, comme Adieu au langage en 2014.

Depuis 2018, il vit comme "un ermite"

Le réalisateur déclarant que ses films ne sont plus, pour lui, du tout adaptés à une salle obscure mais plutôt à des musées, où certains des derniers seront uniquement diffusés... Jean-Luc Godard est désormais un ermite, il ne quitte plus sa caverne suisse. Quand le Festival de Cannes lui décerne une palme d’honneur spéciale en 2018, c’est par téléphone portable qu’il s’exprime, estimant qu’il n’a plus à venir sur la Croisette puisqu’il l’a déjà fait.

Avec le temps, Godard est devenu un objet de la culture populaire auquel Michel Hazanavicius a consacré un film, Le Redoutable en 2017. Une icône polémique, adulée par des fans irréductibles. Certains diront un gourou protégé par une secte. Son œuvre doit être vue comme le reflet parfois daté de son époque mais, qu’on l’apprécie ou pas, elle aura changé le cinéma et c’est déjà beaucoup.