Une nouvelle mutation du Coronavirus est apparue au Royaume-Uni mi-décembre. Annoncée "jusqu'à 70% plus contagieuse", par Boris Johnson, cette nouvelle souche a provoqué l'inquiétude en Europe et la suspension des liaisons avec le Royaume-Uni par plusieurs pays. Pourtant, d'après les experts, rien ne démontre à ce stade que cette variante entraîne des formes plus graves ou résistera aux vaccins.
Les virus, comme les êtres vivants, sont dotés d'un matériel génétique (ADN ou ARN), qui peut être sujet à des modifications lorsqu'ils se répliquent (mutations) dans les cellules où ils se propagent ou par échanges entre virus (recombinaisons). Le plus souvent sans conséquence, ces mutations peuvent aussi conférer au virus un avantage ou un désavantage pour sa survie. "Il existe sans aucun doute des milliers de variantes", rappelle à l'AFP Emma Hodcroft, épidémiologiste à l'université de Berne.
La nouvelle variante sur laquelle le gouvernement britannique a tiré la sonnette d'alarme comporte notamment une mutation, nommée N501Y, au niveau de la protéine Spike (spicule) du coronavirus, jouant donc un rôle clé dans l'infection virale. Depuis le début de l'épidémie, la variante la plus répandue du SARS-CoV-2 est porteuse d'une mutation nommée D614G, qui se situe aussi au niveau de cette protéine Spike.
La nouvelle variante du virus est "hors de contrôle" au Royaume-Uni, s'est alarmé dimanche le ministre britannique de la Santé, Matt Hancock. Un terme réfuté par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). "Nous avons eu un R0 (taux de reproduction du virus, ndlr) beaucoup plus élevé que 1,5 à différents moments de cette pandémie et nous l'avons maîtrisé. Cette situation n'est donc pas, en ce sens, hors de contrôle", a ainsi déclaré le responsable des situations d'urgence sanitaire à l'OMS, Michael Ryan, en conférence de presse.
Plusieurs experts sanitaires constatent que la hausse du nombre d'hospitalisations dans le sud-est de l'Angleterre coïncide avec l'apparition de cette nouvelle forme du virus. "Les raisons de cette infectiosité accrue ne sont pas encore claires", a expliqué dans le Science Media Center Peter Openshaw, professeur de médecine expérimentale à l'Imperial College de Londres.
De son côté, Etienne Simon-Lorière, responsable de l'unité Génomique évolutive des virus à ARN à l'Institut Pasteur, évoque "une série de mutations", qui pourraient "le rendre légèrement plus transmissible". "Il est trop tôt pour s'assurer de ça", tempère au micro de RTL le chercheur, qui insiste sur la nécessité de conduire des tests sur cette nouvelle version du virus.
Il est difficile d'affirmer que cette nouvelle forme est née au Royaume-Uni. Ce pays "est le leader mondial en matière de séquençage (...) Donc s'il existe une variante et qu'elle arrive au Royaume-Uni, elle a de bonnes chances d'y être détectée", note Emma Hodcroft, pour qui la première séquence de ce nouveau variant remonte à septembre.
Selon l'OMS, des formes similaires ont été détectées en très faible nombre en Australie (un cas), au Danemark (9), aux Pays-Bas (1) ou en Afrique du Sud. L'Italie a également annoncé un premier cas détecté dimanche. De son côté, le ministre français de la Santé Olivier Véran n'a pas exclu qu'il circule déjà en France, même s'il n'a pas encore été détecté.
Sur RTL, Etienne Simon-Lorière s'est montré "plutôt optimiste" quant à l'efficacité des vaccins contre cette nouvelle forme de la Covid-19. Il invite toutefois à rester prudent pendant les fêtes, pour éviter une nouvelle augmentation de la circulation du virus.
"L'idée du vaccin est que la protéine Spike dans son ensemble est montrée à votre système immunitaire, et vous apprenez donc à en reconnaître de nombreuses parties différentes", explique Emma Hodcroft. Du coup, "même si quelques parties changent, vous avez toujours toutes les autres parties pour reconnaître" le virus, affirme-t-elle.
Vincent Enouf évoque, lui, un "répertoire d'anticorps qui devrait suffire". "Rien n'indique pour le moment que cette nouvelle souche entraîne un taux de mortalité plus élevé ou qu'elle affecte les vaccins et les traitements, mais des travaux urgents sont en cours pour confirmer cela", a ajouté le médecin-chef de l'Angleterre Chris Whitty.
L'OMS et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) sont parvenus aux mêmes constats mais ajoutent aussi que des investigations complémentaires sont nécessaires.
"Les responsables des laboratoires devraient vérifier auprès de leurs fournisseurs si leurs tests pourraient être pris en défaut" par cette nouvelle variante, relève Vincent Enouf. Selon l'ECDC, le changement de la protéine Spike a provoqué des faux négatifs dans certains laboratoires de tests au Royaume-Uni qui se basent uniquement sur cette protéine dans leurs analyses. L'agence européenne recommande d'éviter de se baser sur cette seule méthode, qui n'est de toute façon pas la plus répandue selon elle.