7 min de lecture
Nicolas Sarkozy, le 21 octobre 2025
Crédit : JULIEN DE ROSA / AFP
Je m'abonne à la newsletter « Politique »
"Tous les faits" relatés "correspondent à la réalité de ce que j'ai vécu". C'est ainsi que Nicolas Sarkozy commence son dernier livre, Le journal d'un condamné, publié ce mercredi 10 décembre aux éditions Fayard. L'ancien président de la République, condamné à 5 ans de prison dans l'affaire du "financement libyen" de sa campagne présidentielle de 2007, a été incarcéré à la prison de la Santé le 21 octobre.
C'est sur cette journée précise que débute son récit. Du réveil chez lui à son incarcération, l'ancien président décrit son parcours. Il relate aussi ses échanges avec Emmanuel Macron, mais aussi Marine Le Pen. Sans oublier de souligner dans son entourage et sa famille politique ceux qui ont été à ses côtés et ceux qui se sont fait plus discrets.
Dans Le journal d'un condamné, Nicolas Sarkozy décrit son quotidien en rappelant qu'il passe de l'Élysée à une cellule "spartiate". Mais l'ancien chef de l'État a surtout fait de ce livre une réponse politique, se livrant à de nombreuses analyses et s'offrant même la liberté d'influer sur la stratégie d'union des droites des Républicains.
L'ancien président de la République y raconte sa rencontre avec Emmanuel Macron "quatre jours" avant son incarcération. Un "tête-à-tête" de "deux heures" durant lequel "Brigitte Macron" a fait une entrée "improptue".
"C’est le président de la République qui avait insisté pour me recevoir" à l'Élysée, précise Nicolas Sarkozy. "Je n’avais rien à lui dire et n’avais guère envie d’une discussion amicale avec lui", ajoute-t-il indiquant que depuis "sa funeste décision de dissoudre l’Assemblée nationale en 2024", les relations entre l'ancien président de la République et l'actuel chef de l'État "s'étaient distendues". Il va même jusqu'à comparer la dissolution à "un caprice, qui faisait autant de mal à la France qu’à son auteur".
Si Nicolas Sarkozy est peu enclin à une discussion avec le président, ce n'est pas seulement à cause d'une divergence politique. En juin 2025, Emmanuel Macron a décidé de lui retirer sa Légion d'honneur. Celui qui a gouverné la France de 2007 à 2012 est ainsi le deuxième chef d'État en France à être privé de cette décoration, après le maréchal Pétain.
Lors de leur rencontre, Nicolas Sarkozy décrit "l'inquiétude" d'Emmanuel Macron. "J’étais tout à la fois touché par son émotion et interloqué par cette surprise non feinte. Il développa alors une énergie impressionnante, sympathique mais qui m’apparut à la fois trop tardive et surtout assez brouillonne", décrit-il. Avant d'ajouter : "Son inquiétude portait principalement sur ma sécurité en milieu carcéral. Il était bien temps de s’en préoccuper !"
Nicolas Sarkozy évoque aussi la visite du ministre de la Justice Gérald Darmanin et fait ses éloges. "Je lui ai toujours porté une sincère amitié. Je lui reconnais plus de talent que beaucoup dans sa génération. Il a notamment le sens de l’électorat populaire (...) Il est intelligent, vif, réaliste et fidèle pour peu qu’il croie en la sincérité des sentiments qu’on lui porte. Il a un sens politique aiguisé et son analyse est toujours fine et parfois originale. Il est, de surcroît, courageux et habile", énumère-t-il.
N'arrivant jamais à se détacher de la politique, l'ancien président de la République dévoile les ambitions de Gérald Darmanin : "J'ai compris que son objectif était clairement fixé sur l'horizon 2027". Mentor du ministre de la Justice, Nicolas Sakozy estime que "dans cette course de lenteur, celui qui survivrait à droite ne serait pas forcément celui qui prendrait les meilleures initiatives mais celui qui ferait le moins d’erreurs". Selon lui, "de ce seul point de vue, Gérald Darmanin avait marqué de nombreux points en évitant tous les pièges".
La commission des requêtes de la Cour de justice de la République a classé sans suite la plainte d'un collectif d'avocats contre Gérald Darmanin pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il avait rendu visite en prison. La commission des requêtes a d'abord déclaré cette plainte irrecevable "pour 28 des 29 plaignants en raison d'une irrégularité de forme", précise jeudi un communiqué du ministère public près la Cour de justice de la République (CJR).
Dans Le journal d'un condamné, Nicolas Sarkozy évoque aussi ses adversaires politiques. Laurent Wauquiez n'y est cité qu'une seule fois. Page 72, l'ancien président de la République dresse la liste des réactions des membres de sa famille politique. "Ses prises de position publiques furent prudentes et surtout moins tranchées que celles de Gérard Larcher, qui osa affirmer que l’exécution provisoire posait un problème", écrit Nicolas Sarkozy qui conclut de façon lapidaire : "En effet… Je n’en veux pas à ceux qui n’ont pas été particulièrement courageux, chacun fait comme il peut ou comme il veut. Mais comment espérer être un leader politique si on a peur et, surtout, si on le montre ?".
Le président des Républicains, Bruno Retailleau, figure quelques lignes au-dessus de celles consacrées à Laurent Wauquiez. "Bruno Retailleau m’appela régulièrement, mais n’en fit publiquement pas davantage", constate-t-il.
Mention spéciale à Michel Barnier, "le seul dirigeant de ma famille politique qui a demandé à venir me visiter en prison", souligne Nicolas Sarkozy. "Nous n’étions pas spécialement proches (...) Mais, pour l’occasion, il était plus courageux que je ne l’aurais imaginé", ajoute-t-il. Ensuite, Nicolas Sarkozy a distribué les bons points : "Le formidable travail de défense d'Henri Guaino", Renaud Muselier, Christian Estrosi, François Baroin, "des amis merveilleux", Philippe de Villiers, "un lutteur que rien ne peut intimider", François-Xavier Bellamy "doté d’un réel courage et David Lisnard engagé "sans aucune ambiguïté".
Arrive le moment où Nicolas Sarkozy évoque une "surprise" : Marine Le Pen. "J’ai apprécié ses
déclarations publiques à la suite de ma condamnation", confie l'ancien président, qui les qualifie de "courageuses et dépourvues de
toute ambiguïté". Il raconte aussi lui avoir téléphoné et là encore l'actualité politique semble avoir rattrapé Nicolas Sarkozy. "Les
élections législatives anticipées n’étaient qu’une
question de semaines. Je ne voyais pas comment le
président Macron pourrait y échapper", rapporte-t-il. Arrive le moment où la cheffe des députés Rassemblement national l'interroge sur un éventuel "front républicain". À son tour, Nicolas Sarkozy fait une réponse "sans ambiguïté" et assure qu'il ne militera pas pour un front républicain.
L'ancien président estime ainsi que "beaucoup d’électeurs actuels de Marine Le Pen et de Jordan Bardella étaient à mes côtés
lorsque j’étais dans la politique active". "Jamais, lorsque j’étais président de l’UMP, ni le père ni la fille n’ont été présents au second tour de l’élection présidentielle. Insulter les dirigeants du Rassemblement national, c’est insulter leurs électeurs, donc les nôtres, au moins potentiellement", a-t-il écrit.
Invité de RTL le 9 décembre, François Hollande a réagi à ses propos qu'ils jugent "extrêmement graves". "Marine Le Pen, qui est, il faut quand même le dire nettement, qui est une alliée de Donald Trump, qui a été très liée à Vladimir Poutine, qui est contre l'Union européenne, en tout cas dans ce qu'elle représente, et qui est sur une position qui est souvent celle de préférence nationale, et donc contraire à la Constitution", a-t-il déclaré.
Quant à la prison en elle-même, Nicolas Sarkozy y fait référence tout au long de son journal. "Bienvenue en enfer", lance-t-il. Il décrit la prison comme un endroit lugubre. "Aucun espace n’exprimait le plus petit espoir ou la moindre humanité. Je fus frappé par l’absence de toute couleur. Le gris dominait tout, dévorait tout, recouvrait toutes les surfaces", décrit-il. Sa cellule est "spartiate".
Nicolas Sarkozy évoque aussi le "vacarme". "Un détenu s’acharnait à frapper les barreaux de sa cellule avec un objet métallique. Ce vacarme a duré plusieurs minutes. Elles m’ont paru interminables. L’ambiance était menaçante (...) L’espace d’un instant, je me suis demandé comment j’allais pouvoir survivre dans cet environnement hostile", a-t-il ajouté. Il expliquera aussi s'être entretenu à plusieurs reprises avec un prêtre. "Je m'apprêtais à communier pour la première fois depuis de nombreuses années. J'en étais heureux et même ému", a-t-il raconté.
Dans son livre, l'ancien président de la République a réitéré une comparaison avec l'affaire Dreyfus. "Dreyfus fut d’abord dégradé devant le front des troupes. On lui retirera ses galons et ses décorations. Je fus exclu de la Légion d’honneur devant le front de la nation, sans même attendre l’issue de mon recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme", compare-t-il.
La dernière phrase du livre de Nicolas Sarkozy est intrigante : "À la Santé, j'ai recommencé ma vie". Retiré de la vie politique et condamné par la justice, l'ancien président de la République continue de cultiver son rôle de "parrain" de la droite. Dans un entretien au Point, il évoque une personnalité politique qui n'est mentionnée qu'une seule fois dans son livre : Jordan Bardella qui lui fait "un peu penser au RPR au temps de Chirac".
Bienvenue sur RTL
Ne manquez rien de l'actualité en activant les notifications sur votre navigateur
Cliquez sur “Autoriser” pour poursuivre votre navigation en recevant des notifications. Vous recevrez ponctuellement sous forme de notifciation des actualités RTL. Pour vous désabonner, modifier vos préférences, rendez-vous à tout moment dans le centre de notification de votre équipement.
Bienvenue sur RTL
Rejoignez la communauté RTL, RTL2 et Fun Radio pour profiter du meilleur de la radio
Je crée mon compte