"Idées ultra-réactionnaires à l'école" : pourquoi EELV souhaite lancer une commission d'enquête

Sa couverture jaune sera présente sur les étales des librairies à partir de mercredi 18 juin. La Belle et la Bête, conte revisité par le dessinateur Jul sera bien commercialisé après avoir été retoqué par l'éducation nationale en début d'année. C'est pourtant le ministère lui-même qui l'avait commandé avant de rompre son contrat avec l'illustrateur. Une manifestation des "idées ultra-réactionnaires à l'école" dénoncées par le groupe écologiste à l'Assemblée nationale qui souhaite le lancement d'une commission d'enquête à ce sujet.

Dans une vidéo postée sur Instagram lundi 16 juin, la présidente du groupe EELV à l'Assemblée nationale Cyrielle Châtelain dénonce "le potentiel entrisme" de personnalités conservatrices dans l'éducation nationale. Elle cite l'exemple de Caroline Pascal, haute fonctionnaire, "qui a fait interdire" le livre de Jul. Dans une lettre adressée au dessinateur et que RTL avait pu consulter, celle-ci expliquait : "Le produit ne permet pas une lecture en autonomie, à domicile, en famille et sans l’accompagnement des professeurs. (…) Les illustrations de l’ouvrage abordent des thématiques qui conviendraient à des élèves plus âgés."

Quelques passages du livre destiné à des élèves de CM2 (10-11 ans) étaient expressément visés, comme celui où le père de Belle boit "quelques coups de vin". Il est à ce moment représenté ivre, bouteilles de vin à la main en train de chanter les "Lacs du Connemara". Pour Jul, interrogé sur RTL le 20 mars dernier, ces arguments sont "des espèces d'écrans de fumée, des arguments spécieux, fallacieux". Selon lui, la véritable raison de ce revirement est le profil de son héroïne - une adolescente métisse aux cheveux crépus - prêtant à l'éducation nationale un raisonnement raciste, typique des idées réactionnaires.

Une dérive "trumpiste" ?

Revisiter les contes pour enfants avec des héros et héroïnes non-blanches est devenu un classique des productions culturelles récentes. Disney en première ligne : les films en live action Blanche-Neige ou La Petite Sirène ont d'ailleurs fait les frais de polémiques sur le profil des actrices principales respectivement latina et noire. Mais depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump et l'interdiction des politiques de diversité et inclusion, Disney fait machine arrière. Et les censures se multiplient dans la culture américaine.

C'est une dynamique similaire que reprochent Cyrielle Châtelain et Jul à l'éducation nationale française. Selon la députée, l'argumentaire de Caroline Pascal "se rapproche de ce qu'on entend aux Etats-Unis avec les book bans [interdiction de livres] c'est-à-dire 'ce n'est pas adapté à des enfants de leur âge'". Sur RTL Jul déclarait aussi que ces arguments utilisaient "les mêmes mots que le ministère de l'Éducation de Donald Trump (...) lorsqu'ils ont expliqué pourquoi ils interdisaient Le Journal d'Anne Frank et le Maus de Spiegelman dans les écoles."

Alors s'agit-il d'une dérive "trumpiste" ultra-réactionnaire ? Contacté par RTL.fr, le ministère de l' Éducation nationale n'a pas réagi, mais c'est pour répondre à cette question que Cyrielle Châtelain souhaite lancer une commission d'enquête. Car, selon elle, il ne s'agit pas seulement du cas de La Belle et la Bête.

Milliardaires et "Parents Vigilants"

Cyrielle Châtelain cite aussi l'exemple de "Parents Vigilants", une association de parents d'élèves pilotée par l'homme politique d'extrême-droite Éric Zemmour. Ce groupe est à l'origine du changement de programme de l'enseignement à la vie affective et sexuelle. À la suite de leur mobilisation contre la prétendue "théorie du genre" - fer de lance des mouvements conservateurs depuis le mariage pour tous - , le nom même du module a changé, on parle désormais d'éducation "à la vie affective et relationnelle" et la notion de "genre" n'est plus écrite telle quelle. Certaines identités LGBTQ+ comme l'asexualité ne sont par ailleurs plus au programme.

L'influence des idées ultra-réactionnaires provient aussi du monde économique dénonce Cyrielle Châtelain. Elle cite l'exemple des milliardaires Vincent Bolloré et Pierre- Édouard Stérin. Le premier a récemment racheté la maison d'édition Hachette, qui édite des manuels scolaires. Le second finance des établissements privés d'enseignement catholique, comme le rapporte Le Monde. Aucun des deux ne cachent leur projet politique réactionnaire, celui de Pierre- Édouard Stérin a même un nom : Périclès pour Patriotes, Enracinés, Résistants, Identitaires, Chrétiens, Libéraux, Européens, et Souverainistes.

Le groupe des Écologistes à l'Assemblée nationale a déposé, pour lutter contre "ces idées ultra-réactionnaires à l'école", une proposition de résolution. Si elle est jugée recevable, les députés rapporteurs de la commission pourront convoquer les protagonistes qu'ils jugent pertinents et les auditionner. Comme ce fut le cas pour les commissions sur la concentration des médias ou les violences éducatives.

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