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De 200 à 4.000 euros : la Sorbonne vote une hausse contestée des frais pour certains étudiants étrangers

L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a adopté une forte augmentation des frais d’inscription pour les étudiants extra-communautaires, qui passeront de 200 à près de 4.000 euros selon le niveau d’étude. Une décision votée "sous contrainte budgétaire" mais dénoncée comme discriminatoire par de nombreux enseignants et étudiants dans une tribune.

La façade de l'université de La Sorbonne à Paris le 1er mai 2024.

Crédit : Magali Cohen / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Yasmine Boutaba

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Il s'agit d'une hausse historique. En un vote, les frais d’inscription pour certains étudiants étrangers à la Sorbonne ont été multipliés par plus de dix.

L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a acté, ce 2 décembre, la fin de l’exonération des droits d’inscription différenciés pour une partie des étudiants étrangers hors Union européenne. La mesure a été adoptée lors d’un conseil d’administration par 18 voix pour, 15 contre et 3 abstentions.

Cette possibilité, ouverte depuis la stratégie "Bienvenue en France" de 2019, n’avait jamais été mise en œuvre par Paris 1, qui s’y refusait jusqu’ici. L’établissement scolaire a affirmé avoir pris cette décision "à regret et sous la contrainte budgétaire", évoquant une succession de mesures imposées par l'État ayant fragilisé son équilibre financier. L’université a assuré "espérer revenir sur cette décision" une fois sa situation stabilisée.

De 178 euros à 2.895 euros en licence, de 254 à 3.941 euros en master

Concrètement, les étudiants étrangers concernés devront désormais s’acquitter de 2.895 euros en licence, contre 178 euros aujourd’hui, et 3.941 euros en master, au lieu de 254 euros. Ces montants proviennent de Campus France.

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Sont toutefois exemptés les étudiants ressortissants de l’Union européenne, les étudiants en exil et ceux venant des 44 pays les moins avancés (PMA) définis par l’ONU. Cette liste inclut notamment le Sénégal, la République centrafricaine, la RDC ou Madagascar, dont les ressortissants garderont les tarifs actuels.

En revanche, d’autres pays d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient, comme l’Algérie, le Maroc, la Tunisie ou l’Égypte, ne figurent pas sur cette liste. Les étudiants issus de ces États seront donc touchés par la hausse.

"Des rustines discriminatoires" : une opposition étudiante et enseignante massive

La semaine précédente, une assemblée générale rassemblant près de 200 étudiants et personnels avait déjà exprimé son désaccord. Ce lundi 1er décembre, la colère s’est amplifiée. "C’est une attaque énorme", a réagi Luz Duchowney, étudiante élue au conseil d’administration pour l’association "Le Poing Levé". Elle a affirmé que la mobilisation va se poursuivre.

Une centaine d’enseignants-chercheurs et de personnels ont publié une tribune et une lettre ouverte intitulée "l’université creuse le fossé entre les Français·es et les autres" à la présidente de Paris 1, Christine Neau-Leduc, relayées sur le site Afrique XXI. Ils dénoncent "des rustines discriminatoires" et alertent sur les effets "catastrophiques" de cette mesure pour les étudiants concernés.

Pour Marie-Emmanuelle Pommerolle, maîtresse de conférences en sciences politiques et signataire du texte, cette hausse franchit "une ligne rouge". Elle a rappelé que de nombreux étudiants étrangers cumulent déjà les obstacles administratifs et financiers : provisionner leur compte en banque pour le visa, payer des loyers souvent très élevés, assumer les frais de déplacement. "Leur demander de payer 4 000 euros nous semble irréaliste", a-t-elle déploré.

Après la menace sur les APL, une nouvelle barrière pour les étudiants étrangers

Cette hausse intervient dans un contexte national tendu pour les étudiants non européens. À l’Assemblée, une proposition de loi vise à supprimer les APL pour les étrangers hors UE non boursiers dans le cadre du budget 2026. Une perspective qui inquiète déjà les associations étudiantes.

Pour Marie-Emmanuelle Pommerolle, ces mesures accumulées risquent de décourager durablement les étudiants étrangers de venir étudier en France. Sur RFI, elle s’est alarmée d’une perte d’attractivité croissante : "Il se peut qu’on ne voie plus ces étudiants, car ils se dirigeront vers d’autres pays. Et c’est déjà le cas : lorsque je me rends dans certaines universités africaines, je constate que les destinations privilégiées, c’est la Turquie, la Chine, la Russie, et très peu la France."

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