Quatre mois après les émeutes qui ont marqué le début de l'été 2023, déclenchées par la mort du jeune Nahel, abattu lors d'un contrôle de police le 27 juin, le gouvernement a présenté son plan de lutte contre la délinquance. Entre jeudi et vendredi 27 octobre, la Première ministre Élisabeth Borne a présenté une quarantaine de mesures, à la Sorbonne, devant les maires des communes sinistrées, puis à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) devant 13 ministres réunis lors d'un Comité interministériel des villes (CIV).
En premier lieu, la cheffe du gouvernement a abordé jeudi le volet sécuritaire de cette réponse aux émeutes très attendue des élus. Le mot d'ordre : "sévérité", avec des décisions "régaliennes". À commencer par l'encadrement de jeunes délinquants par des militaires, proposition qui fait écho à celle qu'avait faite Ségolène Royal en 2007, déjà évoquée par Emmanuel Macron lors de l'entre-deux-tours de la présidentielle de 2022. Selon la Première ministre, il s'agira de "transmettre des valeurs de dépassement de soi", à certains jeunes, sans plus de précisions.
Autre mesure, le placement de jeunes délinquants "dans des unités éducatives de la protection judiciaire de la jeunesse". Des idées similaires ont déjà été soutenues par le gouvernement, et notamment Gérald Darmanin, qui a souhaité "rééduquer" certains jeunes Mahorais avec l'aide de l'armée. Nos confrères de BFMTV rappellent qu'un centre militaire pour jeunes ouvrira à Mayotte en 2024.
Le colonel Michel Goya commentait en juillet 2022 les effets d'un projet similaire appelé "Jeunes en équipe de travail", et testée entre 1984 et 2004 : "Deux ans après leurs stages, plus de 60 % des mineurs qui s’étaient portés volontaires étaient retombés dans la délinquance et 20 % des majeurs étaient à nouveau en prison", a affirmé le gradé, repris par BFMTV.
Concernant les parents des jeunes impliqués dans des actes de violence ou des dégradations de biens publics, Élisabeth Borne a annoncé une "responsabilisation", avec des peines de travaux d'intérêt général, ou encore la prise en charge financière par les parents, "qu'ils soient séparés ou non", des dommages causés. Une disposition qui rejoint celle demandée par le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, et qui vise à corriger la "démission" de certains parents devant la "dérive" de leurs enfants. "Il ne s'agit pas d'ennuyer des parents qui sont dépassés", a cependant précisé le Garde des Sceaux. La Première ministre a rappelé que parmi les émeutiers, "les jeunes issus de familles monoparentales" en juin étaient "fortement surreprésentés".
Un renforcement de la sécurité dans les zones à risque est également prévu. Pour les maires qui le souhaitent, les polices municipales pourront donc accomplir des actes de police judiciaire, sous l'autorité du parquet, a par ailleurs annoncé la cheffe du gouvernement. Cet élargissement des champs d'action de la police municipale avait déjà été voté en 2021, mais censuré par le Conseil constitutionnel. "Il faudra des dispositions législatives", a précisé Matignon.
Des "forces d'action républicaine" - policiers, magistrats et personnels sociaux - seront mises en place dans certains quartiers pour une plus grande efficacité "en matière de sécurité, mais aussi pour des réponses judiciaires, éducatives ou sociales". Les premiers déploiements auront lieu à Besançon, Valence et Maubeuge (Nord) d'ici à la fin de l'année. Ce dispositif, promesse de campagne d'Emmanuel Macron en 2022, sera piloté sur le terrain "par le maire, le préfet et le procureur de la République", précise Matignon.
Concernant les rapports entre la police et la jeunesse, dont les émeutes ont montré qu'ils s'étaient considérablement détériorés, "les travaux se poursuivent au ministère de l'Intérieur", a également indiqué Matignon. De nombreux soupçons de violences policières et de plaintes pour ce type de faits ont été émis au cours de ces événements, qui ont, comme l'ont souligné élus, civils et forces de l'ordre, renforcé les tensions déjà présentes dans la société.
Les éventuels couvre-feu mis en place en cas de débordements vont également être durcis. La Première ministre a annoncé porter l'amende forfaitaire en cas de non-respect de ces horaires imposés à 750 euros, soit près de cinq fois le montant actuel. Lors des émeutes, plusieurs communes avaient instauré des couvre-feu, et de nombreux événements estivaux avaient été annulés.
Une enveloppe de 100 millions d'euros sera débloquée pour la réparation et la reconstruction des bâtiments touchés, a par ailleurs indiqué la Première ministre. Pour nombre d'entre eux, il s'agissait de bâtiments officiels.
Côté social, Élisabeth Borne a aussi présenté plusieurs mesures en faveur d'une amélioration des conditions de vie dans les quartiers dits prioritaires. Ce vendredi, devant treize ministres à l'issue du Comité interministériel des villes (CIV) de Chanteloup-les-Vignes - pensé pour apporter des réponses sociales et structurelles aux difficultés des quartiers populaires -, la Première ministre a annoncer l'intention du gouvernement de demander aux préfets de ne plus attribuer de logements dans les quartiers prioritaires aux ménages les plus en difficulté, afin de favoriser la mixité sociale.
"Je demande donc aux préfets de ne plus installer, via les attributions de logements ou la création de places d'hébergement, les personnes les plus précaires dans les quartiers qui concentrent déjà le plus de difficultés", a déclaré la cheffe du gouvernement. Ce sont des ménages reconnus "Dalo", pour "droit au logement opposable", qui ne devront plus se voir attribuer de logements dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), a précisé Matignon.
Toutes les difficultés ne peuvent pas être rassemblées au même endroit. La mixité est une chance. Elle est nécessaire.
Élisabeth Borne
Tous les ménages Dalo ne seront pas concernés par la mesure, seulement les plus précaires, a-t-on précisé au ministère du Logement. Ceux-ci se verront octroyer des logements sociaux en dehors des QPV. Pour que la mesure puisse être effective, les préfets auront également consigne de stopper la création de nouvelles places d'hébergement d'urgence, destinées aux personnes sans domicile, dans ces mêmes quartiers.
"Toutes les difficultés ne peuvent pas être rassemblées au même endroit. La mixité est une chance. Elle est nécessaire", a martelé Élisabeth Borne. La mesure a ulcéré à gauche et au sein des associations contre le mal-logement.
"Punir les ménages prioritaires Dalo à cause des émeutes, quel contre-sens abyssal !", s'est emporté sur X (ex-Twitter) le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, Manuel Domergue. "Cette décision (illégale !) leur barrerait l'accès à un tiers du parc HLM", a-t-il soutenu.
Parmi les autres mesures annoncées par Matignon, un programme "Entrepreneuriat Quartiers 2030", doté de 456 millions d'euros sur quatre ans, visant à favoriser la création d'entreprises dans les QPV. Pour lutter contre les discriminations à l'embauche, au logement ou dans l'accès aux prêts bancaires, le gouvernement va également lancer "dès 2024 des opérations de testing massives", a annoncé la cheffe du gouvernement. Les bibliothèques verront quant à elles leurs horaires d'ouverture étendus dans 500 quartiers, promet aussi Matignon.
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