Affaire Grégory : pourquoi cette énigme française fascine-t-elle toujours le public 40 ans après ?

Son sourire angélique sur fond bleu a marqué des générations de Français. Depuis le 16 octobre 1984, jour de sa disparition, Grégory Villemin est devenu un visage incontournable des affaires criminelles de l'Hexagone. 

Ce jour-là, le petit garçon de 4 ans est porté disparu puis retrouvé inerte, pieds et poings liés dans la Vologne, rivière des Vosges. Dans le village de Lépanges puis dans la France entière, c'est la sidération. Qui a bien pu s'en prendre à l'enfant ? Cette question fascine le public depuis 40 ans. 

En 2019, une série Netflix racontait déjà cette affaire en cinq épisodes disponibles dans le monde entier. Cette année, en ce mois d'octobre anniversaire, deux bandes dessinées sont publiées en hommage à Grégory dont une préfacée par le père, Jean-Marie. "On a tous traversé leur histoire, leur vie, ils sont figés dans le temps", expliquait à RTL Pat Perna, auteur de l'ouvrage, le 6 octobre dernier, au sujet des parents de l'enfant. Il faut dire que cette affaire réunit tous les ingrédients d'un feuilleton aux allures de thriller.

Un enfant innocent au cœur de querelles d'adultes

S'il y a bien une certitude à laquelle l'enquête a permis d'aboutir, c'est l'atmosphère d'animosité régnant au sein de la famille de Grégory Villemin. Depuis plusieurs générations, les membres de ses deux branches paternelles, les Jacob et les Villemin, sont en conflit. Tout a commencé dans les années 1930, deux générations plus tôt.

"Du côté des Villemin, les choses ne sont pas simples, explique Michel Mary, journaliste au Nouveau Détective dans l'épisode des Voix du crime consacré à l'affaire Grégory. Le père de Jean-Marie s'est marié à une Jacob qui est enceinte de quelqu'un d'autre. Lui-même avait déjà mauvaise réputation parce que son père s'était pendu et que sa mère avait tué son enfant de 4 ans." Des histoires passées qui ternissent la réputation des Villemin. "C'est une famille un peu noire et les Jacob n'ont pas envie que les Villemin viennent entacher l'image des Jacob", résume Michel Mary.

Ces rivalités sont entretenues par la réussite de Jean-Marie Villemin. Devenu contre-maître au début des années 1980, le jeune homme investit dans un chalet, s'achète deux voitures et du beau mobilier. De quoi attiser les jalousies familiales. Si bien que les non-dits se transforment en menaces explicites : depuis plusieurs années, avant-même le meurtre de leur fils, les époux Villemin, Christine et Jean-Marie sont victimes d'un corbeau.

Qui donc a joué le rôle du corbeau ?

Le lien entre ces menaces régulières et la mort de Grégory est rapidement fait : le lendemain, le corbeau revendique le meurtre. "J'espère que tu mourras de chagrin le chef. Ce n'est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con", écrit-il à destination de Jean-Marie Villemin. Une missive que viennent compléter de nombreux appels anonymes et autres courriers. "Je vous ferez (sic) à nouveau votre peau", dit encore l'un de ces derniers.

En 2023, une femme a été identifiée comme étant l'autrice d'une de ces lettres. Malheureusement, ce fut une fausse piste : la suspecte n'avait rien à voir avec l'affaire. Aujourd'hui, Jean-Marie et Christine Villemin gardent espoir que la science les aide à identifier les auteurs ou autrices d'autres menaces : grâce à la technique de l'ADN de parentèle, comme ce fut le cas dans cette procédure, mais aussi grâce à la reconnaissance vocale.

"L'ensemble des indices peut toujours être exploité", confiait en 2021 à RTL le commandant Touron de la gendarmerie scientifique au sujet de l'affaire Grégory. "On se rend compte que personne ne lâche le morceau", promet le gendarme. "Nous avons un crime qui concerne un jeune enfant, qui n'est pas résolu, ce n'est satisfaisant pour personne, aucune institution." 

Echecs et rebondissements

D'autant plus que ce silence a mené à deux autres décès. D'abord celui de Bernard Laroche, cousin de Jean-Marie Villemin. À la suite du témoignage de sa propre belle-sœur Murielle Bolle, le premier est devenu suspect numéro 1. Il a ensuite été tué par le second d'un coup de fusil, alors même que Murielle s'était rétractée. Jean-Marie Villemin fut condamné en 1993 à 5 ans de prison. 

Second décès lié à l'affaire : celui du juge Lambert. En 2017, le magistrat, dont le travail a régulièrement été mis en cause dans ce dossier, est retrouvé sans vie. Les échecs successifs de la procédure lui étaient imputés par les différentes parties, lui qui n'hésitait en aucun cas à dévoiler des éléments de l'enquête aux médias. C'est dans ce contexte que de nombreux rebondissements ont eu lieu dès les débuts de l'enquête. En 1985 par exemple, la mère de Grégory, Christine, fut elle-même suspectée avant d'être innocentée. 

D'autres sont intervenus bien plus tard : en 2017, les époux Jacob, oncle et tante de Jean-Marie Villemin ont été placés en garde à vue puis remis en liberté. Suspectés d'avoir envoyés des lettres anonymes aux parents de Grégory, ces derniers ont brisé le silence en 2021 en niant. "Notre nom est jeté en pâture. On veut dire stop", expliquait alors Marcel Jacob. Après quatre décennies d'enquête, l'affaire Grégory fait encore l'objet de procédures judiciaires et d'investigations locales, si bien qu'elle n'est pas considérée comme un cold case. De quoi entretenir la fascination du public pour encore les années à venir.

A écouter pour tout comprendre à l'affaire Grégory :

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