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Langue française : que signifie le mot "ultime" ? "Dernier" ou "suprême" ?
La correctrice de RTL se lance dans une croisade contre un anglicisme à la mode : ultime…
Image d'illustration
Crédit : joshua-hoehne/unsplash
Ce dimanche, parlons d’un mot à la mode… Et même d’un mot qu’on trouve à toutes les sauces. L'un de ces tics de langage qui se suivent, qu'on entend, qu'on répète, bref qui sont contagieux, qu'on se refile comme le Covid ou un rhume poisseux.
En la matière, chacun a ses propres agacements. Quantité d’amis des mots m’écrivent pour me dire à quel point l’épidémie de "du coup" les exaspère. Il y a quelques semaines, nous avons parlé de cette expression qui énerve Stéphane Carpentier : les "naufragés de la route". Eh bien moi, ce qui m’horripile, en ce moment, c’est l’invasion d’ultime.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est arrivée par courriel, avec une pub pour des chaussures qui se présentaient comme mon "armure ultime pour affronter l’hiver". Non mais sans rire. Et surtout, la veille, notre correctrice avait sauté en l’air en découvrant en une de M, le magazine hebdomadaire du Monde, ce titre : "Julianne Moore, actrice ultime".
Ultime = dernier
Qu’est-ce qui agace, dans cet adjectif ? Ce n’est pas tant qu’on l’utilise plus qu’avant, c’est qu’on l’utilise de travers. Ultime, c’est quoi ? Selon le dictionnaire de l’Académie, le mot arrive au XIVe siècle en français, issu du latin ultimus, signifiant “le plus au-delà, le plus reculé ; dernier”.
En français actuel, ultime, c’est "qui se trouve à la toute fin de quelque chose, qui vient en dernier ; par extension, qui constitue une limite qu’on ne peut dépasser", expliquent les Immortels, qui donnent les exemples : "L’ultime étape du Tour de France se termine sur les Champs-Élysées [ou] Le pourvoi en cassation est possible en ultime recours." "L’heure ultime étant celle de la mort".
Voilà. L’ultime, c’est le dernier. L’heure ultime, il est rare que ce soit la meilleure ! Et les godasses Tartempion seraient la "dernière" armure contre le froid ? Julianne Moore la "dernière" de toutes les actrices ? Eh non. Dans ces deux cas, comme dans plein d’autres qui pullulent et se multiplient en France à la vitesse du frelon asiatique, cet usage de l’adjectif ultime est un anglicisme : c’est le sens du mot américain ultimate qui est utilisé, par snobisme. Et c’est ce sens qui est en train de gagner, de l’emporter sur le sens originel.
Alors quel mot aurait-il fallu utiliser dans ces deux cas ? Suprême, tout simplement. Comme l’écrit l’Académie, on dit "être à la recherche du bonheur parfait" pas du "bonheur ultime", qui serait le dernier.
Un mot, deux sens
Malheureusement, c’est un combat perdu d’avance. Le Petit Larousse 2025 continue de définir ultime comme "dernier, final", mais le Petit Robert, depuis son édition 2024, a ajouté un deuxième sens, celui de suprême. Certes, il dit que c’est un anglicisme, mais cette entrée dans le dictionnaire, c’est la marque que cet usage s’est installé, et c’est la première étape vers une admission en bonne et due forme dans le vocabulaire français.
Ultime aurait alors deux sens différents : c’est bizarre, me direz-vous. Mais c’est déjà le cas : les deux sens coexistent déjà, comme on vient de le voir. Il y a un truc, curieusement, qui permet de les différencier : quand ultime signifie "dernier" (son sens originel) il est souvent placé avant le nom comme dans "Valérie a boulotté l’ultime croissant", et quand il signifie "suprême", il est souvent placé après "ça, les amis, c’est le croissant ultime" (sous-entendu, on n’en fera jamais de meilleur).
Un adjectif qui change de sens selon sa position dans la phrase est une chose courante. C’est ce qui fait qu’une pauvre femme n’est pas nécessairement une femme pauvre, et qu’un grand homme n’est pas toujours un homme grand ! Bref, le français a déjà pas mal de mots qui ont plusieurs sens… et après tout, il ne s’en porte pas plus mal !
