Langue française : peut-on utiliser le présent pour exprimer le futur ?

Je reviens sur ma dernière chronique de la saison passée, à la demande de Jean-Marc, qui m’a écrit sur Facebook à la suite de ce Bonbon sur la langue du 30 juin 2024.

Il me dit : "Bonjour Muriel, vous venez de dire 'dans trois minutes, je suis en vacances'. Yves Calvi dit toujours : 'Dans cinq minutes, Laurent Gerra est avec nous'. Il me semble que l'emploi du futur serait plus correct."

Et il termine fort gentiment par "Je vous souhaite de bonnes vacances"… comme quoi, il ne vous en veut pas trop ! D’autant plus qu’il se trompe, eh oui ! En effet, l’expression du futur est une valeur tout à fait acceptée du présent de l’indicatif – même si ça peut sembler paradoxal, je suis d’accord.

Voyons ce qu’en dit sur son site Internet ma chère Banque de dépannage linguistique. "Il est possible d’employer le présent pour parler d’un événement futur. Il peut s’agir d’un fait situé dans un futur proche [c’était le cas dans mon exemple : 'dans 3 minutes, je suis en vacances'] ou d’un fait futur perçu comme étant inévitable, incontournable et auquel on veut donner plus de force et de poids. L’action future évoquée par le présent peut également être hypothétique. C’est le cas notamment du présent employé dans une subordonnée avec un si conditionnel, dont la conséquence est exprimée dans la principale avec un verbe au futur ou au présent."

Ces verbes parlent d’avenir plus ou moins lointain

Ouh là là… que de gros mots, il nous faut des exemples. Ils arrivent ! Quand on dit "Attends-moi, je reviens !" Je reviens, c’est bien du présent. Si on dit "Attends-moi, je reviendrai", en employant donc le futur, on voit un avenir beaucoup plus lointain, dans le genre "Je pars faire le tour du monde, attends-moi, je reviendrai !"

Si je dis "Stéphane arrive la semaine prochaine", j’utilise également le présent, alors que “la semaine prochaine”, c’est bien du futur. La Banque de dépannage linguistique donne encore les exemples "L’été prochain, je fais le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle ; Une remarque de plus et je pars ; Si vous êtes libre samedi soir, nous vous invitons à souper."

Tous ces verbes parlent d’avenir plus ou moins lointain… et pourtant, ils sont au présent ! Voilà. CQFD. Ah, et cher Jean-Marc, sans doute vais-je vous en boucher un autre coin, si je puis me permettre, mais le présent peut exprimer non seulement le futur, mais aussi le passé ! Et vous vous en servez chaque jour, comme tous les Français !

Si vous dites "Je rentre tout juste de vacances", vous êtes peut-être rentré il y a deux jours, mais comme c’est un passé récent… vous utilisez le présent : je rentre. Il y a aussi ce qu’on appelle le présent historique ; si je dis "En 1682, Louis XIV s’installe à Versailles", ici le présent permet de rendre le récit plus vivant, plus proche que si je disais "il s’installa".

De même, on parle de présent de narration, et il est employé pour la même raison. "Nous étions assis à la table du petit déjeuner. Soudain, on sonne, je me lève, j’ouvre la porte, c’est le facteur." Voyez "On sonne, je me lève, j’ouvre, c’est" : tout ça, c’est du présent. Et pourtant je viens de l’utiliser pour raconter une histoire passée. Le français est vraiment surprenant, n’est-ce pas ? Et ce n’est pas fini ! Car le futur peut exprimer aussi… le passé ! Eh oui, reprenons notre exemple historique. Si je dis "En 1682, Louis XIV s’installe à Versailles."

Je peux continuer avec "Il y restera jusqu’à sa mort, le 1er septembre 1715, à 8 h 15 du matin." Ce "restera", c’est du futur historique. Un futur pour évoquer, puisque nous sommes le 1er septembre 2024, un événement qui s’est produit voici précisément 309 ans !

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