Peut-on vraiment offrir un smartphone "écolo" à Noël ?

À l'approche de Noël, vous souhaitez peut-être offrir un smartphone à l'un de vos proches. Or, si vous souhaitez limiter votre impact environnemental, ou simplement trouver le téléphone portable le plus éthique possible, vous vous demandez sûrement lequel choisir. Répondre à cette question n'est pas une mince affaire dans la mesure où il n'existe pas de smartphone réellement éthique à proprement parler.

Les conséquences environnementales des mobiles et de leurs chaînes de production sont en quelque sorte un angle mort de la filière. La fabrication des smartphones implique l'utilisation de dizaines de métaux précieux et rares, dont l'exploitation soulève des problématiques sociales, écologiques et éthiques, comme le travail forcé, la consommation d'eau et de terres, les conflits armés ou l'exploitation des enfants. D'après l’UNICEF, plus de 40.000 enfants travailleraient par exemple dans les mines du sud de la République Démocratique du Congo, dont beaucoup dans des mines de cobalt et de coltan, minerais que l’on retrouve dans les batteries des smartphones.

De nombreux rapports ont mis en lumière l'impact environnemental de l'industrie. Mais leurs conclusions sont souvent reléguées au second plan face aux investissements marketing des marques, toujours promptes à vanter la nécessité du changement à la faveur des nouvelles fonctionnalités révolutionnaires qu'elles implémentent dans leurs produits année après année. 

De manière générale, il est difficile de mesurer le changement dans le rapport des entreprises à l'aspect éthique dans la mesure où il n'existe pas d'audit indépendant. Jusqu'en 2017, l'ONG Greenpeace établissait un rapport, mais elle ne le fait plus aujourd'hui. À l'époque, l'ONG saluait logiquement la politique écoresponsable assumée de l'entreprise Fairphone. Elle notait aussi qu'Apple était la seule marque à s'être engagée à utiliser 100% d'énergies renouvelables dans sa chaîne d'approvisionnement. Mais elle déplorait globalement la stratégie des constructeurs  à programmer l'obsolescence de leurs produits depuis leur conception. Greenpeace taclait notamment Samsung, "loin derrière d'autres marques dans sa contribution à la lutte contre le changement climatique" malgré "sa position centrale de plus grand fabricant de smartphones et parmi les plus grands fabricants d'écrans, de puces et de semi-conducteurs".

Les nombreux engagements écologistes d'Apple

Les consommateurs désireux d'opter pour un smartphone écologique et responsable peuvent tout de même se tourner vers les engagements des marques pour éclairer leur choix. Même si elles ne font pas toutes preuve de la même transparence, les entreprises du secteur ont été contraintes de se positionner sur le sujet face à la prise de conscience du public de l'enjeu environnemental. Dans un sondage réalisé fin 2021 l'homologue allemand de l'UFC-Que Choisir relevait ainsi du "mieux" chez Apple et Samsung, qui s'étaient "montrés plus transparents sur leurs modes de production et d'approvisionnement" et avaient "justifié leurs politiques sociales et environnementales" contrairement à leurs concurrents.

Pointé par des ONG dans les années 2010 pour ses liens avec des sous-traitants impliqués dans l'exploitation des enfants ou le rejet de déchets toxiques, Apple a pris de nombreux engagements depuis pour revendiquer une politique plus éthique au fil des ans, qu'elle n'hésite plus à utiliser dans sa communication pour vanter ses produits dans ses keynotes. Le groupe américain s'est par exemple engagé à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2030 en réduisant de 75 % des émissions carbone. Apple publie aussi des rapports qui donnent des informations sur les matériaux utilisés dans ses produits ou la part de matériaux recyclés. La marque assure ainsi n'utiliser que 3% de plastique dans ses emballages désormais. Et son but est d'atteindre les 100 % de cobalt recyclé dans ses batteries d'ici à 2025. 

Apple a également pris des mesures en 2014 pour s'assurer que des minerais entrant dans la fabrication de ses iPhone et iPad ne servent pas à financer des conflits armés. Plus récemment, la marque a aussi fait disparaître les chargeurs des boîtes d’iPhone, ce qui aurait pour conséquence d'économiser des centaines de milliers de tonnes de métaux, de carton et de plastique, d'après ses dires. 

La firme de Cupertino a aussi l'avantage de maintenir ses iPhone à jour plus longtemps que la concurrence, entre 5 à 7 ans, ce qui leur offre une durée de vie plus longue que la moyenne. De son côté, Samsung assure un suivi de 4 ans pour ses modèles Galaxy, quand la plupart des constructeurs Android proposent généralement 3 ans de mises à jour. Google promet depuis peu un support de 7 ans pour son dernier modèle Pixel 8, mais ce dernier est très minoritaire sur le marché.

Enfin, Apple a généralisé l'an passé son programme "self repair", qui permet de réparer ses produits chez soi en commandant certaines pièces détachées. Mais l'accès à ces éléments, l'information aux clients et le coût des réparations doivent encore être améliorés, d'après le site spécialisé iFixit. Le géant californien est en outre accusé par des associations de défense des consommateurs de brider ses produits en cas d'utilisation de pièces de remplacement non-officielles.

Les efforts de Samsung

Mauvais élève du rapport de GreenPeace il y a huit ans, Samsung a produit des efforts notables et publie désormais régulièrement des données environnementales et des rapports sur le sujet. L'entreprise coréenne a notamment annoncé l'an passé qu'elle allait investir 5 milliards d'euros pour atteindre son objectif zéro carbone, un horizon qui concerne toutes ses activités et pas seulement la division mobile. Le groupe a aussi mis en place des moyens afin d'identifier la provenance de ses matières premières et garantir que ses fournisseurs ne soient pas issus de zones en conflit. Et il se place en bonne position à l'indice de réparabilité avec ses modèles Galaxy A52, Galaxy S10, Galaxy S21 et Galaxy A72, qui obtiennent tous plus de 8/10, grâce notamment à une notice de réparation très détaillée pour indiquer comment remplacer les pièces essentielles du téléphone et un accès facilité à ces pièces chez les revendeurs.

Dans un article de blog dédié au sujet, l'entreprise BackMarket, leader du reconditionnement, soulignait également les engagements de Sony, qui vise la neutralité carbone d'ici à 2050, évite les minéraux extraits des zones de conflits et propose un smartphone Xperia ZR constitué de plastique recyclé à 99%. Blackberry et Nokia étaient eux aussi cités dans le "haut du panier" concernant le respect de l'environnement et des droits de l'homme, sur la base d'un classement réalisé par The Ethical Compagny Organisation.

L'exception Fairphone

Au-delà des engagements d'Apple et des efforts de Samsung, il est impossible de parler de smartphone "écolo" sans évoquer la marque Fairphone. Fondée en 2013 pour répondre spécifiquement aux problématiques éthiques et environnementales de l'industrie mobile, cette entreprise néerlandaise fait figure d'exception dans le secteur. Elle propose des smartphones modulaires facilement réparables - avec des pièces détachées disponibles à l'unité sur son site - et des matériaux issus de filières du commerce équitable. Sur la cinquantaine d'éléments nécessaires au fonctionnement de ses smartphones, l'entreprise a sélectionné une dizaine de pièces qui sont issus de filières responsables, avec des partenaires choisis avec soin en lien avec des associations, des ONG, des organismes de charité et des acteurs locaux pour s'assurer qu'ils respectent les valeurs de l'entreprise. "Chez Fairphone, grand premier du test, durabilité et responsabilité d’entreprise font clairement partie de l’essence même de la marque", résumait ainsi l'équivalent allemand de l'UFC-Que Choisir dans son sondage en 2021.

La marque a sorti récemment le Fairphone 5. Vendu 700 euros, il n'est pas aussi complet que les modèles vendus au même prix par la concurrence. Mais il offre tout de même une expérience conforme aux standards du secteur, très nettement supérieure à celle des deux premiers Fairphone. On retrouve un écran Oled, une puce qui supporte les usages courants, un triple capteur photo polyvalent, 8 Go de mémoire, 256 Go de stockage et une batterie standard. Le tout conçu avec 70% des matériaux issus du recyclage et de sources équitables. 

Le Fairphone 5 est surtout le champion de la réparabilité. Une dizaine d'éléments du mobile peuvent être remplacés facilement à l'aide d'un tournevis fourni à l'achat et de pièces disponibles sur le site de la marque. Compter environ 40 euros pour une nouvelle batterie, par exemple. Fairphone s'engage à proposer ces éléments à ses clients pendant 8 ans et à mettre à jour l'appareil jusqu'en 2031. Mais l'entreprise doit encore prouver sa capacité à remplir ses engagements dans la durée. Certaines pièces détachées des précédents modèles ont commencé à manquer après 4 ans et il n'est pas certain que son smartphone soit encore capable de faire tourner les applications d'ici 5 ans si ces dernières deviennent trop gourmandes.

Le smartphone le plus éthique est celui qui n'est pas produit

Finalement, si vous cherchez à vous inscrire dans une démarche éthique dans votre rapport au smartphone, la meilleure action reste de ne pas changer de mobile trop souvent pour allonger sa durée de vie. D'après l'Ademe, l'agence française de transition écologique, un smartphone neuf fait quatre fois le tour du monde avant de finir dans nos mains si l'on prend en compte les différents processus d'extraction de minerais, de fabrication, d'assemblage et de vente. Le smartphone le plus éthique est donc celui qui n'est pas produit.

Si vous devez changer de mobile ou en offrir un, la démarche la plus responsable consiste à se tourner vers des produits de seconde main, reconditionnés par des entreprises spécialisées qui se chargent de vérifier leur état et de remplacer les pièces défectueuses avant de les remettre sur le marché. Un terminal reconditionné a près de 8 fois moins d'impacts environnementaux qu'un neuf, selon l'Ademe. Cela permet aussi de bénéficier de tarifs plus abordables, 30% à 50% moins chers. Mais le recours à cette filière est encore minoritaire. Les ventes de mobiles reconditionnés représentaient 3 millions d'unités en 2022, soit près d'un téléphone sur cinq. Une part qui tend toutefois à augmenter dans le contexte de l'inflation et de l'enjeu du dérèglement climatique. 

Enfin, un dernier geste éthique consiste à penser à revendre ou donner les vieux mobiles qui dorment dans vos tiroirs afin de les faire recycler. À l'heure actuelle, seuls 20% des déchets électroniques sont recyclés. Les appareils jetés avec les ordures habituelles finissent incinérés et deviennent une source de pollution pour les eaux, les sols et la biodiversité. À l'inverse, leur recyclage permet de réutiliser leurs métaux pour fabriquer d'autres équipements électroniques. Revente, don ou collecte, plusieurs possibilités s'offrent à vous. N'hésitez pas à contacter votre opérateur et les entreprises spécialisées dans le reconditionnement, comme BackMarket ou Recommerce. Des bornes dédiées sont aussi souvent disponibles dans les supermarchés. Et de plus en plus de marques ont mis en place des programmes de recyclage sous la pression réglementaire. 

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