À peine mise en place, la formule payante de Facebook et Instagram est déjà attaquée devant les autorités européennes. Deux plaintes ont été déposées ces derniers jours par des associations pour contester la conformité au droit européen de l'offre commerciale lancée début novembre par Meta. La première, portée par l'association None of your business (Noyb), dénonce un forfait payant contraire au droit européen sur les données personnelles. La seconde, déposée par le Bureau européen des associations de consommateurs, accuse Meta de "pratiques déloyales, trompeuses et agressives".
Dans le viseur des associations, la proposition faite aux utilisateurs européens de Facebook et Instagram par le groupe de Mark Zuckerberg au début du mois de novembre de souscrire à une offre payante comprise entre 10 et 13 euros par mois pour ne pas que leurs données personnelles soient collectées à des fins de pistage publicitaire. En clair : payer pour éviter d'être ciblé.
"Meta met en place ce type d'offre sur Facebook et Instagram pour se mettre en conformité avec la réglementation européenne. Ça fait plusieurs fois que le groupe se fait sanctionner pour non-conformité au RGPD. Après avoir épuisé tous les recours juridiques à sa disposition, Meta est dos au mur et propose désormais d'obtenir le consentement des utilisateurs de ses plateformes, soit de façon gratuite en consentant à l'exploitation de ses données personnelles, soit en payant un abonnement", résume Julien Pillot, professeur en économie numérique et stratégie à l'école de commerce Inseec, joint par RTL.
Problème : aux yeux des ONG, cette offre commerciale, présentée par Meta comme un moyen de s'y conformer, serait en réalité contraire au droit européen, qui impose aux plateformes de recueillir un consentement libre de leurs utilisateurs pour exploiter leurs données. Selon elles, Facebook ne peut pas faire faire payer 150 à 250 euros par an le droit à la vie privée des internautes européens.
Une première plainte a été déposée le 28 novembre en Autriche auprès du gendarme local des données personnelles par l'association Noyb. Fondée par le militant Max Schrems, cette association spécialisée dans la protection des droits numériques a déjà obtenu gain de cause face à Apple, Google et Facebook dans différents dossiers ces dernières années, comme le transfert de données des internautes européens vers les États-Unis ou le suivi des identifiants publicitaires de Google sur les mobiles Android.
Dans sa plainte, Noyb rappelle que la Cour de justice européenne a acté fin juillet que Facebook et Instagram doivent demander le consentement de leurs usagers pour traiter leurs données afin de diffuser de la publicité ciblée et que ce consentement doit être libre. D'après l'association, conditionner le choix d'être suivi ou non au paiement d'un abonnement ne permet pas d'exprimer librement son accord. "L'association considère que Meta est en violation des règles européennes à partir du moment où une équation financière est comprise dans le consentement. Elle considère qu'on ne peut pas faire payer le prix de la vie privée aux utilisateurs alors qu'elle doit être garantie par le droit européen", souligne Julien Pillot.
L'organisation indique que, d'après les chiffres de l'industrie, "seulement 3% des internautes souhaitent être suivis tandis que plus de 99% décident de ne pas payer s'ils sont confrontés à des frais de confidentialité". "Quand 3% des gens veulent nager, mais que 99,9% finissent dans l'eau, même un enfant comprend que ce n'est pas un choix 'libre'. Ce n'est ni intelligent, ni légal. C'est juste pitoyable que Facebook continue à ignorer le droit européen", déplore Max Schrems, le président de Noyb, dans un communiqué.
Une deuxième plainte a été déposée le 29 novembre par le Bureau européen des unions de consommateurs, qui regroupe une vingtaine d'associations de défense des consommateurs, dont l'UFC Que Choisir pour la France. L'ONG accuse Meta d'enfreindre le droit européen de la consommation "en recourant à des pratiques déloyales, trompeuses et agressives, notamment en empêchant partiellement les consommateurs d'utiliser les services pour les forcer à prendre une décision rapidement". Le BEUC appelle la Commission européenne à ouvrir une enquête et l'UFC-Que Choisir interpelle la répression des fraudes en France.
"Meta fait cette proposition sous forme d'ultimatum. Le groupe donne une période de réflexion très courte à ses utilisateurs, en créant une situation artificielle d'urgence. C'est une offre à prendre ou à laisser. Les associations y voient des pratiques extrêmement agressives vis-à-vis des consommateurs", observe Julien Pillot. D'après le spécialiste, les associations visent aussi l'ambigüité de la proposition de Meta. "L'offre est volontairement floue et laisse penser qu'en payant, les données sont à l'abri de toute forme d'utilisation. Or, ce n'est pas exactement ce qui est dit. Les données ne sont pas utilisées pour le suivi publicitaire mais Meta peut toujours les utiliser, à des fins algorithmiques, par exemple".
Si ces deux plaintes esquissent un premier front européen contre Meta, la balle est désormais dans le camp du régulateur. Charge aux autorités de se saisir du dossier et d'ouvrir une procédure à l'encontre de l'entreprise de Mark Zuckerberg. L'issue du dossier sera scrutée de près par les autres grandes plateformes numériques. "Si les autorités européennes donnent raison à Meta, rien n'empêchera les autres applications de proposer les mêmes offres. Cela pourrait aboutir à une situation étonnante où il faudrait finalement payer pour garantir sa vie privée en Europe", souligne Julien Pillot. Dans sa plainte, l'association Noyb estime qu'à raison de 35 applications installées par moyenne dans un smartphone, protéger sa vie privée pourrait ainsi coûter près de 9.000 euros par an. Avec le risque que la confidentialité devienne un luxe inaccessible aux plus modestes. Un horizon qui semble bien éloigné de l'esprit des réglementations européennes sur le sujet.
Mise à jour du 29 février : des associations de consommateurs de huit pays européens ont porté plainte le 28 février auprès des autorités de protection des données personnelles contre le système d'abonnement payant mis en place par Meta sur Facebook et Instagram, accusé d'enfreindre le RGPD.
Pour ces organisations, dont l'UFC-Que Choisir en France, ce système consistant à payer pour éviter d'être ciblé par la publicité est "un écran de fumée destiné à détourner l'attention du consommateur quant au traitement illicite de ses données personnelles".
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