Un autre temps. En novembre 1993, Jean-Luc Mélenchon pose avec Michel Rocard, fraîchement élu premier secrétaire du Parti socialiste, et d'autres jeunes pousses socialistes, comme Manuel Valls ou encore Jean-Christophe Cambadélis. Le cliché est pris au siège du Parti socialiste, rue Solférino à Paris.
Trente-et-un ans plus tard, le PS a déménagé à Ivry-sur-Seine dans le Val-de-Marne et Jean-Luc Mélenchon a quitté, non sans fracas, le parti. En trois décennies, les relations se sont crispées et la communication est quasi impossible entre le leader de la France insoumise et les socialistes.
Confronté à la question de qui pourrait devenir premier ministre, le Nouveau Front Populaire se désintègre depuis quelques jours. Écologistes et communistes assistent, impuissants, aux règlements de compte entre Jean-Luc Mélenchon et Olivier Faure.
Selon les informations de L'Express, Jean-Luc Mélenchon aurait débarqué à l'improviste à une réunion du NFP. "Il est venu lui-même ! Vers 23 heures et pendant plus d'une heure, il a hurlé sur Olivier Faure, qui n'a pas bronché", rapporte un proche du patron du PS au magazine. L'ancien candidat à la présidentielle était furieux face au refus des socialistes de ne pas valider le nom d'Huguette Bello pour Matignon.
En réponse à la menace de suspension des négociations, le PS a, à son tour proposé, le nom de Laurence Tubiana. Non catégorique de la part de la France insoumise. Proche de Jean-Luc Mélenchon, la députée Sophia Chikirou s'est affranchie d'un tweet tranchant en se livrant à une comparaison qui a tout de l'insulte politique, à propos du "hollandisme".
Marine Tondelier semble avoir épuisé son quota de patience. Invitée de l'émission Les 4 vérités sur France 2, la patronne des écologistes s'est dite "en colère" et "écœurée" ce mercredi 17 juillet par la guerre de leadership entre insoumis et socialistes pour proposer un nom pour Matignon.
Si on attend la pureté de la solution qui est idéale pour chacun, on ne la trouvera pas
Marine Tondelier sur France 2
"Je suis en colère, je suis écœurée, j'en ai marre. Je suis fatiguée et je suis désolée du spectacle qu'on donne aux Françaises et aux Français", a-t-elle déclaré. "Avec les communistes, on a mis d'exclusive sur aucun nom. Un insoumis, ça nous va. Un socialiste, ça nous va. Un communiste, ça nous va. Un écologiste, ça nous va. La société civile, ça nous va, a-t-elle assuré. Si on attend la pureté de la solution qui est idéale pour chacun, on ne la trouvera pas", a-t-elle jugé.
Pour bien comprendre pourquoi - et surtout comment - la communication est devenue aussi désastreuse entre le Parti socialiste et Jean-Luc Mélenchon, il faut remonter le temps. Entre 1976 et 2008, Jean-Luc Mélenchon est encarté au PS et incarne l'aile gauche au sein du parti. Durant cette période, il est sénateur et ministre délégué à l'Enseignement professionnel, au sein du gouvernement Jospin. En 2008, c'est la rupture. Jean-Luc Mélenchon annonce quitter le PS. Les militants socialistes ont placé en tête la motion de Ségolène Royal. Déjà à l'époque, Jean-Luc Mélenchon dénonce la "dérive libérale" du parti, comme le rapport cet article du Monde datant de 2008. Il critique notamment le bilan de François Hollande, alors premier secrétaire du PS et prône une candidature commune avec les communistes pour les élections européennes.
Est-ce que les gens de gauche sont prêts à regarder leur parti se faire hara-kiri ? Nous, nous proposons un Front de Gauche qui rassemble ceux qui luttent
Jean-Luc Mélenchon dans "La Dépêche" en 2009
C'est donc dans cette optique qu'un an plus tard, en 2009, le Parti de gauche voit le jour. L'idée ? Constituer "un front de forces de gauche pour les élections européennes". Jean-Luc Mélenchon est alors tête de liste pour la région Sud-Ouest lors du scrutin. Dans un entretien à La Dépêche, il fustige son ancienne famille politique. "Est-ce que les gens de Gauche sont prêts à regarder leur parti se faire hara-kiri ? Nous, nous proposons un Front de Gauche qui rassemble ceux qui luttent", déclarait-il.
"Le Front de Gauche est avec les travailleurs qui luttent, comme ils le peuvent, pour sauver ce qui peut l'être. Ce pays est livré au pillage libéral. Une entreprise, ce ne sont pas des profits, ce sont des collectifs de travailleurs, de solidarité, d'échange, de savoir. On se moque des Français qui font grève, qui sont aux 35 heures. On oublie que nous détenons le record du monde de la productivité", ajoutait-il.
En 2011, Jean-Luc Mélenchon ne retient plus ses coups à l'encontre du Parti socialiste. Il publie un livre intitulé Qu'ils s'en aillent tous ! Vite la révolution citoyenne ! Dans cet ouvrage, il pose les bases de ce que sera, plus tard, la ligne politique de la France insoumise. Aux élites, patrons, "sorciers du fric", "financiers", "barons des médias", Jean-Luc Mélenchon dit "du balai ! Ouste ! De l'air !".
Plus les mois s'écoulent, plus Jean-Luc Mélenchon durcira son discours. En 2012, il défend la stratégie de "l'effet Dracula". Autrement dit, le fait d'"allumer la lumière de la vérité pour faire disparaître le mal", comme il l'expliquait dans un entretien à Paris Match. Cette année-là, l'enjeu est de taille pour l'ancien socialiste puisqu'il s'agit de sa première candidature à l'élection présidentielle, sous l'étiquette du Front de gauche, la coalition qui réunit le Parti de Gauche et le PCF.
UMP et PS jouent à faire peur, pour s’assurer un 'vote utile'. Les socialistes abusent du procédé
Jean-Luc Mélenchon dans "Paris Match", en 2012
"L’extrême droite a atteint un seuil critique grâce à l’aide de Sarkozy qui a enlevé les digues qui la séparaient de la droite. Mais elle est aussi devenue le diable de confort du système. UMP et PS jouent à faire peur, pour s’assurer un 'vote utile'. Les socialistes abusent du procédé. Mais ils ne se donnent pas de moyen d’action pour l’affronter. Sur le terrain, tout le monde ne tire pas dans le même sens. Ni avec la même énergie. J’ai souvent l’impression de jouer au rugby, alors qu’eux jouent au basket. À force de désinvolture, ils prennent un risque qu’ils ne mesurent pas. Moi, j’entre en résistance, je sonne la charge", expliquait-il.
Jean-Luc Mélenchon dressait le constat que "la droite se droitise, l’extrême droite est forte, le PS adopte une stratégie du flou". "Je suis le seul à parler clair à la classe ouvrière. À dire ce que je dis. Je donne le signal du combat et de la reconquête. Si je ne le fais pas, qui le fera ?", défendait-il auprès de Paris Match.
En 2017, nouvelle élection présidentielle. Mais cette fois-ci, le rapport de force a évolué. Jean-Luc Mélenchon estime être le plus à même d'accéder au second tour. C'est pourquoi il applique la stratégie du "vote utile", à son avantage et contre le candidat du Parti socialiste, Benoît Hamon. Des tractations vont avoir lieu entre Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et le candidat écologiste Yannick Jadot. Mais entre la France insoumise et le Parti socialiste, la communication reste poussive.
Sur RTL, Alexis Corbière, à l'époque bras droit du candidat insoumis, déclarait : "Les socialistes font un jeu de claquettes insupportable depuis trois semaines de fausse unité, de fausse main tendue. Nous sommes les seuls aujourd'hui à discuter sérieusement (...) Je vois bien la combine de gens qui sont à la ramasse".
En réponse, Benoît Hamon affirmait lors d'une conférence de presse : "Je m'adresse aux électeurs, je ne courrai pas après Jean-Luc Mélenchon, je ne cours après personne, je n'oblige personne". Finalement, ni Jean-Luc Mélenchon, ni Benoît Hamon ne s'allieront pour le premier tour de l'élection présidentielle de 2017.
En 2022, Jean-Luc Mélenchon devient électoralement parlant le candidat identifié et identifiable de la gauche. Il obtient 21,95%, tandis que le PS avec Anne Hidalgo obtiendra le score le plus faible de l'histoire des socialistes avec 1,4%. Le leader insoumis réussira le pari de créer une alliance électorale avec le PS, les écologistes et les communistes, la Nupes. Mais là encore, le projet naîtra dans la souffrance. Les élections européennes ne dérogeront pas à la règle et seront le théâtre de vives tensions entre la France insoumise et Raphaël Glucksmann, tête de liste socialiste pour ce scrutin.
Année après année, élection après élection, le dialogue se rompt de plus en plus entre Jean-Luc Mélenchon et la gauche. Entre égo, intérêt divergents et anciennes rancœurs, le Nouveau Front Populaire est sur le point de vaciller. Un paradoxe alors que la gauche est arrivée en tête lors de ces dernières élections législatives.
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