Attentat de Strasbourg : "Le sauveur était aussi musulman", insiste l'otage qui a permis d'identifier le terroriste

Lorsqu'il a commencé à discuter en arabe avec un de ses passagers le soir du 11 décembre 2018, Mostafa Salhane, chauffeur de taxi à Strasbourg était loin de se douter des quinze minutes glaçantes qui allaient se dérouler dans le huis clos de son véhicule. Le client qui vient de lui intimer de se "dépêcher de rouler" s'appelle Chérif Chekatt et vient de commettre un attentat au marché de Noël de la ville.

L'homme vient tout juste de revendiquer son acte terroriste devant un Mostafa Salhane pris de court. "À ce moment-là, vous ne réalisez pas", confie le chauffeur de taxi dans Les Voix du crime. "Je crois que je n'y crois pas, mais je vais y croire très très vite parce qu'il me montre son bras qui saigne beaucoup." 

Dans sa fuite, l'assaillant a été blessé par des tirs de réplique émis par des militaires de l'opération Sentinelle. Cette plaie permettra à Mostafa Salhane de prendre la fuite après une discussion rythmée par les revendications de son passager qui avait prêté allégeance à l’État islamique.

J'ai dit "non, moi je ne suis pas d'accord avec ce que tu as fait"

Mostafa Salhane

Dans le huis clos de son véhicule, le conducteur garde son sang-froid. Dans les années 1990, cet ancien champion de karaté raconte avoir côtoyé des "petites frappes" comme Chérif Chekatt : des jeunes sans repères qu'il aidait grâce au sport. 

"Sauf qu'ils vont là où le vent souffle, explique-t-il. Et si c'est entre les mains des gens qui vont leur laver le cerveau en leur disant que, à travers la religion, ils vont s'apaiser, mais en même temps, il faudrait aller détruire tout ce qui ne leur ressemble pas, eh bien, ils vont les suivre."

Mostafa Salhane, musulman d'origine marocaine, se retrouve piégé avec cet homme qui se revendique d'une religion qu'il ne connaît pas. "J'ai dit 'non, moi, je ne suis pas d'accord avec ce que tu as fait. Ça te regarde, moi je vais pas te juger'", confie-t-il.

Le grand public a besoin de savoir que, effectivement, il y avait ce soir-là un tueur, un terroriste, mais aussi un sauveur qui a sauvé des vies, qui était musulman français

Mostafa Salhane

Mostafa Salhane parvient à s'échapper et à décrire le terroriste aux autorités. Grâce à lui, Chérif Chekatt est identifié. Il est abattu après 48 heures de traque.

Aujourd'hui, Mostafa Salhane n'est plus chauffeur de taxi. Il a fondé une association : l'Association victimes attentat (AVA). Grâce à cette nouvelle structure, il accompagne des personnes qui, comme lui, ont vécu l'horreur du terrorisme et se bat contre la radicalisation en insistant sur "les vraies valeurs de l'islam". "Le partage, l'amour, la bienveillance, la tolérance, la paix", énumère-t-il. 

"Le grand public a besoin de savoir que, effectivement, il y avait ce soir-là un tueur, un terroriste, mais aussi un sauveur qui a sauvé des vies, qui était aussi musulman français et qui aime cette France et qui la défend et qu'il en a payé le prix cher".

Après cette course qu'il raconte dans son livre 15 minutes pour sauver ma vie (Plon, 2024), Mostafa Salhane est resté "deux ans enfermé dans le noir", souffrant d'un stress post-traumatique. Il espère que le procès qui s'est ouvert le 29 février lui permettra de se reconstruire.

>> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.

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