Le 24 juin 1973, au pied de son bâtiment de la Cité des Groux à Fresnes (Val-de-Marne), Malika Yezid joue à la poupée avec sa meilleure amie. Soudain, des gendarmes débarquent et se mettent à interpeller les habitants. Ils cherchent un certain Nacer Yezid... C'est son grand frère ! La petite fille de 8 ans lâche ses jouets et court prévenir sa famille.
Nacer a le temps de s'échapper, mais les gendarmes ont poursuivi Malika jusque chez elle. Dans l'appartement familial, l'un d'eux l'enferme dans sa chambre pour, dit-il, "l'interroger" - il soupçonne son frère d'avoir volé une mobylette. Quinze minutes plus tard, la petite fille sort visiblement traumatisée, muette et pleine d'urine. Transportée à l'hôpital dans le coma, elle meurt quatre jours plus tard.
"Après, l'affaire a été étouffée", raconte aujourd'hui la nièce de Malika, Jennifer Yezid, dans Les Voix du crime. En 2023, cette jeune trentenaire qui n'a jamais connu la sœur de sa mère, a publié L'Affaire Malika. Généalogie d'un crime policier (Hors d'Atteintes). "Pendant douze ans, je n'ai fait qu'enquêter et j'ai retrouvé des documents... Encore aujourd'hui, je retrouve des documents, ce qui est extraordinaire !" confie-t-elle.
Ma tante est morte d'une gifle
Jennifer Yezid
Parmi les documents découverts par Jennifer Yezid, un l'a particulièrement marquée : une lettre de policiers syndiqués à la CFDT. Ils y présentent leurs excuses à la famille de Malika et disent "être tenus au silence par leurs chefs".
"Ils disent pardon à mon grand-père (le père de Malika, ndlr) pour la gifle, parce que ma tante est morte d'une gifle", explique l'autrice. "Il m'a fallu plusieurs fois pour lire cette lettre. Moi, je trouve ça courageux que ces policiers aient écrit cette lettre. Malheureusement, elle est anonyme, mais au moins, ils ont eu le courage d'avouer."
Le racisme des gendarmes ne fait aucun doute pour les proches de Malika. Au milieu des insultes, les parents ont entendu les militaires menacer la fillette de "l'interroger comme
pendant la guerre d'Algérie (d'où est originaire la famille Yezid,
ndlr)", précise Jennifer Yezid.
Les gendarmes impliqués ont eux toujours nié les faits, rapportant que c'est le père de Malika lui-même qui aurait porté les coups à sa fille. Une version reprise par la préfecture. Face à cette version officielle et à l'aplomb des fonctionnaires, les parents de la fillette décident de porter plainte.
Ma mère était là, elle a vu la scène. Elle a vu sa sœur, elle s'est faite braquer...
Jennifer Yezid
En 1976, la justice prononce un non-lieu dans l'affaire de la mort de Malika. Entre-temps, son père est mort et sa mère décide d'abandonner le combat, trop difficile à mener pour une mère isolée dans la précarité. Peu à peu, l'histoire de la petite Malika Yezid tombe dans l'oubli, mais laisse une trace indélébile sur l'arbre généalogique.
Si bien que la mère de Malika parle d'une "malédiction" : sept de ses huit enfants, tous placés à la Ddass (ex-ASE) à la suite de ce drame, sont morts avant trente ans, dont la mère de Jennifer. "Ma mère était là, elle a vu la scène. Elle a vu sa sœur, elle s'est fait braquer... C'était une enfant, ma mère, elle avait neuf ans à cette époque, ce sont des traumatismes. Donc, elle a préféré se mettre dans la drogue pour oublier", raconte l'autrice.
Aujourd'hui, Jennifer Yezid se félicite d'avoir publié l'histoire de sa tante, mais aussi d'avoir brisé cette malédiction : elle vient de fêter ses 31 ans.
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