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Attentat de Strasbourg : le taxi pris en otage raconte son face-à-face avec le terroriste
PODCAST - Le 11 décembre 2018, Chérif Chekatt, un individu fiché S pour radicalisation ouvre le feu sur le marché de Noël de Strasbourg. Bilan : 5 morts et une dizaine de blessés. Dans sa fuite, il prend Mostafa Salhane, chauffeur de taxi, en otage dans son propre véhicule.
Mostafa Salhane a été pris en otage dans son taxi par le terroriste de l'attentat de Strasbourg le 11 décembre 2018.
Crédit : Etienne LIST/Styl'List images
Il est aux alentours de 20h le 11 décembre 2018 lorsque Mostafa Salhane, chauffeur de taxi à Strasbourg, est pris par surprise par un homme agressif qui s'engouffre dans son véhicule. Après lui avoir ordonné de "foncer" vers le quartier de Neudorf, le passager amorce la discussion.
"Je viens de tuer dix personnes, j'ai tué des musulmans aussi et sans doute j'ai tué aussi des militaires", lui confie l'homme à l'arrière. "À ce moment-là, vous ne réalisez pas, explique Mostafa Salhane dans Les Voix du crime. Parce que, comme on dit dans le jargon, des farfelus, on en a dans le transport en tant que taxi... Entre les gens des fois qui sont drogués, qui sont alcoolisés... Donc on s'adapte. Et je crois que je n'y crois pas, mais je vais y croire très très vite."
Le chauffeur de taxi, auteur de 15 minutes pour sauver ma vie (Plon, 2024), aperçoit le bras de son passager en sang, puis comprend rapidement qu'il est pris en otage. "Il met l'arme au niveau des mes flancs et il me dit 'tu fais le malin, je t'allume' et on avance", se souvient-il.
Mécréants, pour ces gens là, c'est pas une race spécifique, c'est tout ce qui ne marche pas dans leur direction, que ce soit des arabes ou même des musulmans
Mostafa Salhane
La course dure en tout une quinzaine de minutes, mais Mostafa Salhane est capable de décrire chaque détail de son face-à-face avec le terroriste. "Il est très athlétique, il doit même faire des sports de combats", assure-t-il. La conversation tourne autour des revendications de l'assaillant.
Le chauffeur de taxi, ancien champion de karaté reconverti un temps dans la sécurité, élabore un plan. "Il débite, moi je réfléchis", résume-t-il. "Ce circuit-là continue très très longtemps. Il fait quand même pas loin de sept kilomètres et on arrive pas très loin du commissariat. On est à 900 mètres du commissariat, et il a mal subitement."
Après l'avoir convaincu qu'il ne le dénoncerait pas, Mostafa Salhane va profiter de cette "faille" pour s'échapper. "Quand on est descendu du taxi, je lui ai donné une boîte de mouchoirs pour le soigner", raconte-t-il. Le chauffeur de taxi, tout en gardant son sang-froid de karatéka lui pose des mouchoirs sur sa blessure et lui propose de l'eau. C'est à ce moment-là qu'il en profite pour sauter dans sa voiture et détaler.
J'ai accéléré le plus vite possible. Je pense que, à ce moment-là, il a été concentré sur sa douleur
Mostafa Salhane
"J'ai accéléré le plus vite possible, raconte-t-il. Je pense que, à ce moment-là, il a été concentré sur sa douleur et concentré sur son paquet de mouchoirs. Et je pense qu'il a eu un moment de trois, quatre secondes. C'était assez suffisant pour moi pour s'échapper. Donc je décide de me rendre au commissariat rapidement pour comprendre."
Au commissariat, Mostafa Salhane décrit ce qui vient de lui arriver. L'assaillant est identifié comme Chérif Chekatt, un délinquant multirécidiviste fiché S pour radicalisation. Il est abattu 48 heures plus tard dans le fameux quartier du Neudorf où il s'était réfugié et ne sera jamais jugé.
Pour autant, un procès s'ouvre le 29 février prochain : comparaîtront les personnes qui lui ont fourni son arme. Un moment de justice que Mostafa Salhane, témoin-clé de cette affaire, estime "essentiel pour la reconstruction".
