Assassinat du préfet Érignac, traque et mort d'Yvan Colonna... Retour sur ce feuilleton criminel qui a bouleversé la Corse

Ajaccio, 6 février 1998, 21h15. Claude Érignac, préfet de la région Corse, est abattu de trois balles dans la tête alors qu'il déposait sa femme en ville. Quelques jours plus tard, un communiqué anonyme, écrit par des indépendantistes, revendique l'assassinat accusant la victime d'être l'incarnation d'un État colonial.

Le 22 mai 1999, Alain Ferrandi, Pierre Alessandri, Didier Maranelli et Marcel Istria sont en garde à vue dans les locaux de la police antiterroriste à Paris. Ces quatre nationalistes corses reconnaissent avoir participé à l'assassinat du préfet. Et tous désignent le même tireur : un berger corse de 39 ans, Yvan Colonna. 

L'information fuite. Face à la nouvelle, Yvan Colonna accorde une interview à une équipe de France 3 pour plaider son innocence. Les journalistes prennent à chaud sa réaction. "Il faut des coupables, des coupables à tout prix. Et bien, on trouve des gens qui ont le profil. Peut-être qu'on a le profil des gens qui sont responsables de cette action, mais on n'y est pour rien", déclare le suspect devant les caméras. 

Une cavale de 1503 jours

Colonna le sait : ce n'est qu'une question d'heures avant que la police ne débarque pour l'arrêter. Dans un calme olympien, le suspect se rend à l'agence bancaire de Cargèse, petite commune du sud de la Corse où il réside, pour y retirer plusieurs milliers de francs. Il dit ensuite au revoir à sa compagne et à son fils, âgé de neuf ans, avant de disparaître dans la nature pendant 1.503 jours. 

Dans L'Heure du Crime dédié à l'affaire Érignac, Me Pascal Garbarini, l'avocat d'Yvan Colonna, revient sur les raisons de la fuite de son client. "Yvan Colonna a toujours su que la décision le concernant avait été prise, de le prendre, de le jeter en prison et qu'il n'avait plus aucune marge de manœuvre relative à sa présomption d'innocence. C'est-à-dire qu'Yvan Colonna, dès le départ, a été présenté comme le tueur du préfet."

Des recherches hors normes

La photo du suspect est placardée dans toutes les gendarmeries, commissariats, gares et aéroports… Mais Yvan Colonna, qui connaît la région par cœur, reste invisible. De simple berger, Yvan Colonna devient l'homme le plus recherché de France. 

En 2002, la DST (la Direction de la Surveillance du territoire) épluche près de huit millions d'appels téléphoniques. Une première en termes d'investigations. Du Venezuela au Val-de-Marne, les enquêteurs ratissent les endroits où le fugitif aurait pu se rendre. En vain. Pendant quatre ans, les recherches, aussi colossales soient-elles, piétinent. Jusqu'à cette date du 4 juillet 2003.

4 juillet 2003 : arrestation d'Yvan Colonna

En juin 2003, après une énième filature, les enquêteurs se mettent sur la piste d'une maison isolée, à Porto Pollo, près de Propriano, au sud de la Corse. Les policiers installent des caméras et quelques jours plus tard, coup de théâtre. Sur les images, un homme aux cheveux longs apparaît. Il s'agit d'Yvan Colonna. Le 4 juillet 2003, il est finalement arrêté en Corse, île qu'il n'a jamais quittée depuis sa fuite. 

Trois procès et trois condamnations à perpétuité

Une semaine après son arrestation, Alain Ferrandi, Pierre Alessandri, Didier Maranelli et Marcel Istria, les complices de l'assassinat de Claude Érignac sont condamnés à des peines allant jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité. 

Une peine à laquelle n'échappe pas celui que tous accusent d'être le tireur. Par trois fois, Yvan Colonna est condamné à la perpétuité. Une peine confirmée le 20 juin 2011, sans période de sûreté. En 2013, le condamné saisit la cour européenne des droits de l'homme, sans succès. 

21 mars 2022 : mort d'Yvan Colonna

Le 2 mars 2022, Yvan Colonna est agressé par l'un de ses codétenus de la maison centrale d'Arles. Trois semaines plus tard, le nationaliste corse décède des suites de l'attaque.  

En Corse, l'annonce de sa mort est retentissante. Pendant deux semaines, l'île de Beauté connaît de nombreuses manifestations. Derrière ces mouvements, la colère des indépendantistes ressurgit, le gouvernement français ne prenant pas en compte leurs revendications. Le 13 mars à Bastia, une manifestation se solde par une soixantaine de blessés. 

Aujourd'hui encore, les circonstances de la mort de l'indépendantiste corse restent floues. En juillet 2023, une enquête a été ouverte sur la mort d'Yvan Colonna, en raison d'un "possible effacement volontaire de données" dans un logiciel de traitement de données sur les détenus.

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