Le 3 mars 2019 à l'Île Rousse, dans le nord de la Corse, Bruno Garcia-Crucciani se rend à l'appartement de son ex-compagne. Armé d'un pistolet, l'homme l'abat froidement de trois balles. Elle s'appelait Julie Douib, elle avait 34 ans. Elle était la mère de deux enfants. Ce jour de mars, elle devient la 30ème victime de féminicide de l'année.
Lorsqu'il apprend la nouvelle au téléphone par un ami de sa fille, Lucien Douib, le père de Julie, peine à y croire. "Je lui dis 'non, Julie n'est pas morte, elle est blessée'. Il me dit 'non, il l'a tuée'", se remémore-t-il douloureusement dans Les Voix du crime. Pour lui, rien ne laissait présager au départ cette issue tragique. "Au début, il y a eu quelques années de bonheur parce c'était un homme charmant, comme tout pervers narcissique qui sait le faire."
Progressivement, les violences s'installent. "Au deuxième enfant, on a commencé à comprendre qu'il l'isolait de la famille, elle n'avait pas le droit de venir nous voir. Puis après, ça a été par rapport à ses amies (…) c'était l'isolement parfait", explique Lucien. Insultes, manipulation, chantage… Le harcèlement psychologique que subit Julie est sans relâche. "Elle ne pouvait pas bouger sans qu'il lui fasse des remarques."
En juillet 2018, Julie craque. "Elle nous avait annoncé qu'elle en avait marre de ce qu'il lui faisait subir." Quand sa fille lui partage ses peurs et son désarroi, Lucien Douib la rejoint en Corse sans attendre. Ce dernier se souvient parfaitement des mots prononcés par le bourreau de sa fille : "Si elle reste en Balagne, je vais la défigurer. Je vais lui faire la misère et je vais la tuer", rapporte-t-il.
Si elle reste en Balagne, je vais la défigurer. Je vais lui faire la misère et je vais la tuer
Bruno Garcia-Crucciani, ex-compagnon de Julie
Les mois passent. Les violences et les menaces s'amplifient. Fin septembre 2018, Julie refuse de rentrer chez elle rejoindre l'homme qui lui fait vivre "l'enfer", même sur son lieu de travail à la foire de l'Île Rousse, où elle vend des bijoux. "À l'abri du regard des familles et des gens qui étaient là, il l'a pris par les cheveux, l'a mis par terre et lui a mis des coups."
Une scène d'une violence extrême qui n'est pas isolée. Lucien n'est d'ailleurs pas prêt d'oublier ce jour, où lui et sa fille se sont rendus voir les enfants jouer au foot. "Il arrive en furie et il met un coup de poing à Julie (…) Donc les gendarmes sont arrivés et nous ont ni demandé le nom de personne, ni relevé quoi que ce soit. Ils nous ont juste dit 'quand vous êtes plus calme que lui, partez'."
À la suite de ces violences, Lucien et Julie décident de porter plainte. "Julie a posé cinq ou six plaintes pour violences, pour menaces de mort, pour harcèlement. Elle a déposé, début 2017, la première main courante, après, il y en a eu trois ou quatre et moi, pour menaces de mort, j'en ai déposé quatre ou cinq." Pour autant, malgré les multiples plaintes, personne ne daigne voir le danger qu'encourt cette femme. "Les gendarmes la regardent en rigolant, puis lui disent 'c'est pas fini votre histoire ?'" L'ignorance est de taille et les plaintes sont classées sans suite : "on a appris ça la veille de sa mort."
Les gendarmes la regardent en rigolant puis lui disent 'c'est pas fini votre histoire ?'
Lucien Douib
Les menaces de mort se poursuivent. Julie vit dans la peur que son ex-compagnon passe à l'acte. L'acharnement de ce dernier est sans limite : où qu'elle aille, la jeune femme est traquée et persécutée, physiquement et psychologiquement. "Ce monsieur avait même décidé de ne plus confier les enfants à Julie, parce que la loi française fait que quand vous n'êtes pas mariés, vous avez autant de droits l'un que l'autre", explique Lucien.
Malgré les alertes et les appels à l'aide, Julie est assassinée chez elle, par l'homme qu'elle dénonce aux autorités depuis six mois. En 2021, lors du procès en première instance, Lucien se bat pour que justice soit faite. "Mon combat, c'était qu'il paie pour ce qu'il lui a fait parce qu'il avait prémédité son geste. Il a été prouvé qu'il avait fait des recherches sur Internet : comment aller vivre en Thaïlande ? Comment aller vivre au Maroc ? Qu'est ce qu'il risquait en cas de l'assassinat ?..." À l'issue du procès, Bruno Garcia-Crucciani fait appel.
De nouveau, un procès s'organise. Pour la famille de Julie, l'attente est interminable. En janvier 2023, Bruno Garcia-Cruciani est finalement condamné, comme en première instance, à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans. Il perd l'autorité de ses deux fils, aujourd'hui adolescents. Pour autant, comme pour beaucoup de proches de victimes de féminicides, la condamnation ne peut effacer la peine. "C'est nous qui avons pris perpétuité. Eux ne l'ont pas prise. Même s'ils l'ont pris, ils sortiront un jour, normalement. Mais nous, Julie, elle ne reviendra plus."
Bienvenue sur RTL
Ne manquez rien de l'actualité en activant les notifications sur votre navigateur
Cliquez sur “Autoriser” pour poursuivre votre navigation en recevant des notifications. Vous recevrez ponctuellement sous forme de notifciation des actualités RTL. Pour vous désabonner, modifier vos préférences, rendez-vous à tout moment dans le centre de notification de votre équipement.
Bienvenue sur RTL
Rejoignez la communauté RTL, RTL2 et Fun Radio pour profiter du meilleur de la radio
Je crée mon compte