"Papa a voulu suicider maman". C'est ce qu'explique Cloé aux voisins venus la sauver des flammes de l'appartement familial le 22 septembre 2017. Très vite, la petite fille de 7 ans raconte comment son père a aspergé sa mère Ghylaine d'essence avant d'allumer un briquet. Deux jours plus tard, celle-ci décède des suites de ses blessures : elle était brûlée à 92%. Lui, est dans le coma.
"Cloé, elle, est hospitalisée parce qu'elle a inhalé des fumées", explique Sandrine, sœur de Ghylaine et tante de Cloé dans Les Voix du crime. Cette dernière se positionne immédiatement pour recueillir la petite fille, avec la bénédiction du reste de la famille. "Et quinze jours après, je passe devant un juge des enfants qui me confie la garde de Cloé."
Cette décision était naturelle. Sandrine raconte que Ghylaine et elle avaient "une relation extrêmement fusionnelle". "On s'appelait tous les matins sur le chemin du travail pour se raconter des bêtises, tout et n'importe quoi. Elle a pris mon fils aîné, la première dans ses bras. Elle a assisté à mon accouchement alors qu'elle n'avait que seize ans."
Un mari violent ne peut pas être un bon père
Sandrine Bouchait
Pendant trois ans, Sandrine s'occupe de Cloé comme si elle était sa propre fille. Petit à petit, Sandrine comprend que comme sa mère, l'enfant a été victime de la tyrannie de Christophe, son père. À son réveil et malgré le témoignage de Cloé, celui-ci raconte qu'il n'a jamais voulu tuer Ghylaine, qu'il s'agit d'un accident. "Moi j'aurais pu entendre 'Voilà, elle m'a quitté, j'ai pas supporté, je pensais que je n'allais plus voir ma fille, je perdais ma femme...' Comme on entend souvent dans les cours d'Assises !", s'exclame Sandrine. "Lui, c'est pas ça qu'il dit !"
Des propos insoutenables que cet homme va maintenir jusqu'à son procès en janvier 2020. "Il a chouiné pendant cinq jours", décrit Sandrine Bouchait. "C'était très dur, extrêmement dur. C'était pesant, lourd, très, très lourd, mais nécessaire, nécessaire pour avancer dans le deuil." Il raconte que sa fille lui manque.
Impossible à entendre pour Sandrine. "Un mari violent ne peut pas être un bon père", martèle-t-elle. "Qu'il y ait 5, 10, 20 ou 30 ans (de prison), ça m'importait peu. Moi, je me battais plutôt sur l'autorité parentale, explique-t-elle, je voulais absolument que son autorité parentale lui soit retirée". À l'issue de son procès, Christophe est condamné à 20 ans de réclusion criminelle et déchu de son autorité parentale sur Cloé. Depuis Sandrine a adopté la petite fille.
Quand un père assassine la mère de ses enfants, s'il y a des jeunes majeurs qui vivent encore chez leurs parents, ils sont complètement abandonnés
Sandrine Bouchait
"Aujourd'hui, (Cloé) va très bien. Si on la croise et qu'on ne connaît pas son histoire, c'est impossible de la deviner", insiste Sandrine qui s'est donné pour mission d'aider les enfants qui pourraient se trouver dans le même cas que Cloé mais aussi leurs proches. En 2019, elle a ainsi créé l'Union nationale des familles de féminicides (UNFF).
L'une de leur principale revendication est la création d'un véritable statut de victimes pour les enfants concernés. "Et quand on parle d'enfants de victimes, il faut voir au-delà de la majorité... parce que aujourd'hui en France, on prend en charge les enfants jusqu'à leur majorité, explique-t-elle. Ce qu'il faut savoir, c'est que quand un père assassine la mère de ses enfants, s'il y a des jeunes majeurs qui vivent encore chez leurs parents - ce qui est très souvent le cas - ils sont complètement abandonnés, ils sont à la rue !"
Sandrine se souvient de sa "solitude extrême" face au féminicide de sa sœur et veut à tous prix éviter ce sentiment d'abandon aux autres proches de victimes. Car pour eux, "quand madame meurt, tout commence".
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