Affaire Anaïs Guillaume : que s'est-il vraiment passé dans la ferme des Ardennes ?

Le 19 avril 2013 marque le début d'une disparition inquiétante au cœur des Ardennes. Le couple Guillaume, angoissés, se rend à la gendarmerie de Carignan, pour signaler la disparition de leur fille, Anaïs.

Elle vit encore chez eux et avait pour habitude de toujours les prévenir de ses déplacements. La dernière fois qu'ils l'ont vue, elle partait pour un rendez-vous post IVG le mardi 16 avril, avant de passer la soirée avec Philippe Gillet, 40 ans, éleveur de bovins à Fromy, son employeur... et amant.

Le lendemain, selon Gillet, Anaïs serait partie avant l’aube, sans un mot. Elle aurait pris sa voiture, une Toyota Starlet. Or, le 20 avril, cette voiture est retrouvée incendiée en Belgique, dans la forêt de Chemeleux. Mais un détail intrigue : le siège conducteur est trop reculé pour sa taille.

L’éleveur sous surveillance

Très vite, l’enquête se concentre sur le petit ami. Leur relation, houleuse, avait laissé des traces. Un an avant la disparition, Anaïs avait porté plainte contre lui pour violences : il l’aurait frappée, jetée au sol et aspergée d’eau glacée. La plainte avait été classée. Plusieurs femmes le décrivent comme un homme violent, jaloux et manipulateur. Vingt ans plus tôt, il avait déjà tenté d’escroquer son assurance en incendiant sa voiture, exactement au même endroit que celle d’Anaïs.

"L'enquête a montré que dans les dernières semaines et derniers mois, Anaïs s'éloignait de lui. Elle commençait à éprouver des sentiments pour un autre jeune homme. Et à mon humble avis, Philippe Gillet ne l'a pas supporté parce que Philippe Gillet fait partie de ces hommes qu'on ne peut pas quitter", analyse Mathieu Livoreil, journaliste, au micro de RTL.

Pendant trois ans, les gendarmes tournent autour de lui. Fumier fouillé, bassins sondés et géo-radars déployés, mais toujours rien. Le suspect ne plie pas. En mars 2015, il est placé en garde à vue. Il nie tout. Et lorsque les enquêteurs l’interrogent sur des sacs de chaux achetés au moment de la disparition, il répond : "C'est pour mettre sur la pelouse" répond-il.

Un double soupçon

En janvier 2016, Gillet est mis en examen pour le meurtre d’Anaïs. L’affaire prend alors un tournant encore plus sombre : le juge s’interroge sur la mort de Céline, l’épouse de Gillet, morte en 2012, écrasée par une vache. Des experts remettent en cause cette version. Philippe Gillet est également mis en examen pour ce second meurtre. 

"Je cherche un mobile du meurtre et j'avais reçu un témoignage qui disait qu'elle s'était vantée de savoir ce qui s'était passé (ndlr : lors de la mort de Céline Gillet) et qu'elle tenait, pour reprendre ses termes, "le Gillet par les couilles" sur cette affaire-là", explique Didier Turk, ancien directeur d’enquête, au micro de L'Heure du crime pour RTL. 

Six ans après la mort d’Anaïs, Philippe Gillet écope de 22 ans de réclusion pour le meurtre d'Anaïs Guillaume. Il sera acquitté pour la mort de son épouse Céline. 

Le coup de théâtre

Mais véritable coup de théâtre, en octobre 2019, lorsque Victoria, 19 ans, l’une des deux filles de Gillet, déplace un tas de fumier sur la ferme familiale. Elles s'occupent du domaine depuis que leur père est en prison. Très vite, les mouvements de l'engin font apparaitre un os, puis un squelette complet, qui s'avéra être celui d'Anaïs. Le gendarme Didier Turk, qui n’a jamais cessé de croire en cette affaire, appelle les parents : promesse tenue.

Ce n'est pas la chance qui a permis de fouiller ce tas précis, mais une lettre anonyme… rédigée par Victoria, à la demande de son père. Philippe Gillet lui avait remis le brouillon depuis sa cellule. À son avocat, il avait demandé quelques semaines auparavant : "Mais qu'est-ce qui pourrait encore faire bouger les choses ? Qu'on retrouve Anaïs Guillaume" lui avait alors répondu Me Ghislain Fay. Philippe Gillet aurait donc tenté un coup de poker en faisant réapparaitre le corps.

Le procès de la vérité

En avril 2021 commence le deuxième procès. La découverte du cadavre efface les derniers doutes. Victoria témoigne : "J'étais la petite fille qui aidait son papa. Il n'avait que moi, je n'avais que lui. Pour moi, il était innocent à 100%. Maintenant, je suis complètement perdue, je veux avoir une vie saine". 

Philippe Gillet, impassible, continue de clamer son innocence. Il est condamné à trente ans de réclusion criminelle, dont vingt années fermes incompressibles.

Les invités de "L'Heure du crime"

- Mathieu Livoreil, rédacteur en chef adjoint à France 3 Lorraine Champagne-Ardenne et auteur du livre La Disparue des Ardennes, publié aux éditions Grasset. 

- Didier Turk, ancien directeur d’enquête à la section de recherches de Reims qui a supervisé dans un premier temps cette enquête, Anaïs Guillaume. 

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