Affaire Dominique Pelicot : "Une des clés de sa personnalité, c'est le désir de maîtrise", explique l'expert psychiatre

Le 19 décembre 2024, Dominique Pelicot, 72 ans, est condamné à vingt ans de réclusion criminelle pour les viols de Mazan, dans le Vaucluse. Pendant des années, il a drogué son épouse Gisèle avec des somnifères pour la livrer, inconsciente, à une cinquantaine d’hommes. Mais cette affaire n’était qu’un point de départ.

Le nom de Pelicot réapparaît dans des dossiers criminels vieux de plusieurs décennies. Il est accusé de tentative de viol et de viol suivi de meurtre dans les années 1990. Les enquêteurs, aidés par la juge, tirent un fil qui semble ne jamais finir.

L’affaire rebondit en janvier 2022, au pôle des cold cases de Nanterre. La juge Nathalie Turquey, connue pour avoir relancé et résolu le dossier du Grêlé, s’intéresse au meurtre non élucidé de Sophie Narme, une agente immobilière de 23 ans, violée et tuée à Paris en décembre 1991. Aucune trace ADN exploitable à l’époque, mais la juge remarque des similitudes avec une autre affaire : la tentative de viol de Marion, 19 ans, en 1999, en banlieue parisienne.

Un ADN oublié

Pour la magistrate, les similitudes sont pourtant frappantes : même profession, même piège tendu, même méthode de ligotage, même produit chimique utilisé.

En comparant les deux dossiers, elle découvre que l’ADN retrouvé sur les chaussures de Marion, une trace de sang, est identifié depuis longtemps. Il appartient à Dominique Pelicot, fiché depuis 2010 après avoir été surpris en train de filmer sous les jupes de clientes dans un supermarché. À l’époque, le parquet avait été informé du rapprochement. Mais aucune suite n’avait été donnée.

"Tous les proches de Dominique disent qu'il est maniaque. Et d'ailleurs, c'est ce qu'il le perd dans le cas Marion puisqu'il va prendre le temps de bien se déshabiller, de bien plier son pantalon. Et ça, c'est peut-être sa signature dans Sophie Narme, c'est que les chaussures de Sophie sont retrouvées bien rangées côte à côte", avance Laurent Valdiguié, grand reporter pour Marianne, au micro de RTL pour L'Heure du crime. 

"Je n'ai violé ou tenté de violer personne"

Le 12 octobre 2022, le "violeur de Mazan" est extrait de sa cellule pour être interrogé sur ces deux affaires. Placé en garde à vue, il déclare d'emblée : "Je n'ai tué personne... Je n'ai violé ou tenté de violer personne". Mais l'ADN le trahit et après plusieurs heures d'interrogatoire, il finit par admettre partiellement : "Je n’ai de souvenir qu’à partir du moment où je l’ai déshabillée… Je suis désolé de vous avoir menti."

"C'est un homme qui ment beaucoup. Et qui ne peut dire la vérité que lorsqu'il est confronté à des preuves absolument irréfutables", explique le Dr Paul Bensussan, expert psychiatre qui a expertisé Dominique Pelicot. "Une des clés de sa personnalité, c'est le désir de maîtrise, c'est-à-dire de chosifier l'autre. Alors que ce soit par la sédation, dans le cas de son épouse, ou par la contention dans l'affaire des cold case, le désir de domination et de maîtrise de l'autre est absolument manifeste". 

Les enquêteurs élargissent leur champ. Grâce au logiciel Salvac, qui permet de croiser les données de crimes non élucidés, cinq autres agressions sexuelles commises entre 1991 et 1995 en région parisienne sont identifiées. À chaque fois, des agentes immobilières attaquées pendant une visite. 

Sa propre fille brise le silence

Décembre 2024, une nouvelle femme, Coralie, se présente à la brigade des mineurs. Elle a 40 ans aujourd’hui. En 1995, elle avait 12 ans. Elle rentrait seule de l’école quand un homme est entré chez elle, se faisant passer pour un électricien. Il lui a demandé de se mettre en maillot de bain, puis a tenté de lui faire respirer un tissu imbibé d’éther. Le retour de ses frères et sœurs a mis l’agresseur en fuite. Elle reconnaît Pelicot à la télévision et n’a aucun doute. Lui, conteste formellement.

Mercredi 5 mars 2025, Caroline Darian, fille de Gisèle et Dominique Pelicot, accuse son père "d’administration de substances psychoactives" et d'"abus sexuels" que celui-ci "a certainement commis sur elle". La plainte, trente pages, énumère des viols et des tentatives. 

À 72 ans, Dominique Pelicot purge actuellement sa peine de prison. Il pourrait être amené à comparaitre à nouveau devant un tribunal si certaines accusations sont retenues contre lui.

Les invités de "L'Heure du crime"

- Dr Paul Bensussan, expert psychiatre auprès des tribunaux et a expertisé Dominique Pelicot.
- Laurent Valdiguié, grand reporter au magazine Marianne et auteur de l’ouvrage : Fetiche45 : les autres vies de Dominique Pelicot, publié aux éditions Seuil

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