Reclus de Monflanquin : comment cette riche famille a-t-elle pu tomber sous l'influence d'un gourou ?

Tout commence en 2001. Jean Marchand, ancien journaliste économique, ne parvient plus à joindre son épouse Ghislaine de Védrines. Elle s’est retranchée avec d'autres membres de sa famille dans le château de Martel, surplombant Monflanquin dans le Lot-et-Garonne. Quelques jours auparavant, Ghislaine avait exigé que son mari doit quitter les lieux dans une mise en scène théâtrale.

En quelques mois, onze membres de la famille, issus de trois générations, se coupent du monde, obéissant aveuglement à un homme dont peu connaissent encore le nom : Thierry Tilly.

Les volets du château restent clos. Sans signe apparent de violence ni infraction, les autorités ne peuvent intervenir. Alors Jean Marchand, isolé et impuissant, mène sa propre enquête. Il découvre que ce Thierry Tilly, homme énigmatique, entré dans la vie des Védrines en 1999, a un passé trouble : sociétés en faillite, escroqueries et mythomanie galopante. Il se dit à la fois espion de l’OTAN, neveu de la reine d’Angleterre, et ex-sportif de haut niveau. Il a réussi à se rendre indispensable auprès de la famille.

La descente aux enfers

Les conséquences sont dramatiques : les reclus vendent maisons, appartements, et même le château familial. L’argent disparaît, vraisemblablement vers des comptes à l’étranger contrôlé par Tilly. Ils quittent Monflanquin pour s’installer dans une ferme isolée à quelques kilomètres du château, toujours plus repliés sur eux-mêmes. Tilly, lui, agit à distance, par mails et appels. Chaque soir, les membres doivent lui transmettre un rapport détaillé sur leurs faits et gestes. 

"Il adaptait son discours à chacun. Pour les uns, ils allaient gagner beaucoup d'argent. Des rendements de 10% par mois, promettait-il. Pour les autres, c'était le nom, la particule. Et puis surtout, le thème qu'ils développaient, c'est qu'ils étaient en danger de mort. Et qui était l'artisan de cette mort programmée ? C'était moi", explique Jean Marchand, mari de Ghislaine de Védrines, au micro de L'Heure du crime pour RTL.

Après dix ans d’isolement, deux membres, Philippe et Brigitte de Védrines, parviennent à s’échapper. Ils témoignent devant le juge d’instruction de Bordeaux. La justice prend enfin la mesure du cauchemar. Tilly, installé en Angleterre, est traqué. 

Le procès d’un manipulateur

Le 21 octobre 2009, Thierry Tilly est arrêté à Zurich. Il est mis en examen pour escroquerie, séquestration, extorsion, abus de faiblesse et actes de torture. Lors de son procès en 2012, les victimes peinent à expliquer comment elles ont pu tomber sous l’emprise d’un homme aussi falot. "Il avait un regard hypnotique", "il m’a capté dès son premier coup de fil", confient-ils. 
La justice le condamne à huit ans de prison, puis à dix ans lors d’un second procès en 2013. Les experts psychiatres concluent à une manipulation mentale sans faille, sans pathologie lourde, mais portée par une intelligence perverse.

"Thierry Thilly, c'est quelqu'un qui est beaucoup plus contagieux que persuasif. Sa caractéristique, c'est que lui-même paraît croire aux folies et aux délires dans lesquels il entraîne ses victimes", se souvient Maître Alexandre Novion, avocat de l'accusé. 

Le montant estimé du préjudice s’élève à 4,6 millions d’euros. Les victimes, ruinées, endettées, tentent encore aujourd’hui de récupérer certains de leurs biens, dont le château de Monflanquin, vendu alors qu’ils n’étaient plus maîtres de leurs décisions.

Les invités de "L'Heure du crime"

- Jean Marchand, mari de Ghislaine de Védrines et co-auteur avec son épouse du livre Diabolique aux éditions XO. 
- Maître Alexandre Novion, avocat de Thierry Thilly. 

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