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Des Palestiniens qui viennent chercher de l'aide alimentaire à Gaza, en août 2025.
Crédit : Hamza Z. H. Qraiqea / ANADOLU / Anadolu via AFP
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Une invitation par SMS à boire un café, une rencontre au milieu des décombres, une somme d'argent : c'est ainsi que le Hamas continue de payer les salaires des fonctionnaires du gouvernement de Gaza, malgré la guerre.
Depuis le début du conflit israélo-palestinien, Israël ne cesse de redoubler d'efforts pour porter atteinte au Hamas et à ses institutions. Le pays a décimé sa direction, tout en continuant de traquer les membres et les combattants du mouvement islamiste palestinien qui avait pris le pouvoir à Gaza en 2007.
Malgré la destruction des infrastructures du service public qui a mis de facto au chômage la majorité des fonctionnaires, les témoignages recueillis par l'AFP auprès de plusieurs d'entre eux, confirment qu'ils continuent de percevoir leur salaire, au moins en partie, et avec retard. Ils ont tous demandé à être cités en utilisant des pseudonymes.
Karim, 39 ans, employé au ministère des Travaux publics, raconte avoir reçu en juillet un message particulier sur son téléphone. Une personne, dont le nom n'a pas été précisé, l'invitait à boire un café. L'heure ainsi que le lieu du rendez-vous étaient joints, le menant près d'une école abritant désormais des déplacés.
"J'y suis allé et j'avais très peur d'une frappe", se souvient Karim. À son arrivée, il a été accueilli par un employé qu'il connaissait. Ce dernier lui a remis 1.000 shekels, l'équivalent de 255 euros. Avant la guerre, son salaire s'élevait à 2.900 shekels.
J'ai échappé à la mort
Alaa
En riposte à l'attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël, l'armée israélienne mène une offensive contre le Hamas dans la bande de Gaza. Cet assaut, qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts, a également dévasté le petit territoire, en proie à une catastrophe humanitaire. Alaa, enseignante dans une école publique de Gaza-ville, a reçu son salaire pour la dernière fois fin juin. Ce jour-là, elle avait reçu un SMS sur son téléphone lui demandant de se rendre dans une école désaffectée abritant des déplacés plus au nord.
"L'école venait d'être bombardée et l'employé chargé de distribuer les salaires avait fui. Dieu merci, j'étais en retard, j'ai échappé à la mort", dit-elle, expliquant avoir dû retourner le lendemain dans le secteur pour recevoir son salaire. L'armée israélienne mène régulièrement des frappes sur des écoles désaffectées servant de centres d'accueil pour des déplacés. Cette force militaire accuse des combattants de la branche armée du Hamas ou d'autres groupes d'installer des bases ou des postes de commandement dans ces établissements scolaires.
Avant la guerre, le nombre de fonctionnaires dans la bande de Gaza était estimé à 40.000. Pour le fonctionnement du gouvernement et des services publics, le Hamas comptait alors sur les recettes provenant des droits de douane et des taxes.
Depuis 2021, grâce à des accords visant à prévenir une escalade entre le Hamas et Israël, le Qatar, qui accueille la direction en exil du mouvement islamiste palestinien, a augmenté son aide financière à la bande de Gaza à 360 millions de dollars par an. Cette aide était destinée à payer les salaires des employés gouvernementaux et à soutenir financièrement les familles pauvres. Cependant, ces transferts ont été interrompus après le 7 octobre.
Des responsables du Hamas, dont les sources de financement sont opaques, ont affirmé avant la guerre que leur mouvement recevait un soutien financier de l'Iran. De leur côté, le pays en question n'a jamais vraiment confirmé officiellement.
D'après un responsable au fait du dossier à Gaza, le Hamas obtenait notamment de l'argent par la contrebande via des tunnels creusés près de la frontière ou par voie maritime, malgré le blocus israélien. L'armée israélienne a publié en février 2024 des vidéos de coffres-forts et de sacs contenant d'importantes sommes en liquide. Les soldats disent les avoir découverts dans des tunnels sous Gaza avec des documents prouvant, selon elle, des transferts d'argent en liquide de l'Iran au Hamas.
Jamil, 43 ans, comptable dans une institution gouvernementale, assure que le Hamas "a stocké des centaines de millions de dollars dans des tunnels ou des lieux sûrs pour les périodes difficiles comme la guerre", sans fournir d'autres détails. L'armée israélienne "a bombardé des banques appartenant au Hamas, des lieux où était stocké l'argent, et a assassiné des responsables du système financier, mais cela n'a pas arrêté le processus", dit-il.
Israël a également ciblé des responsables financiers du Hamas, comme Ismaïl Barhoum, membre du bureau politique pour Gaza, tué en mars dans une frappe israélienne. Cependant, selon un responsable du Hamas à Doha, le mouvement "ne ménage aucun effort pour verser les salaires", estimant que "Israël se fait des illusions quand il prétend avoir détruit le Hamas".
Certains hauts fonctionnaires reçoivent, eux, leur salaire en secret là où ils habitent, dans des camps de déplacés ou des écoles, "afin de ne pas être exposés aux frappes", selon une source du Hamas.
Pour Jamil, le processus de paiements de salaires est "très complexe". Selon ce comptable, cet échange varie également en fonction de la situation sécuritaire. Le Hamas "tient à verser une partie des salaires dès que les fonds sont disponibles", dit-il.
Malgré cela, les fonctionnaires interrogés par l'AFP disent que leurs salaires ne suffisent pas vu les conditions de vie très dures. Le prix des produits alimentaires connaît par ailleurs une forte hausse, dans un territoire assiégé en proie à la famine, selon l'ONU. D'autres se sont plaints que seuls les fonctionnaires encartés au Hamas reçoivent de l'argent.
Massoud, un officier dans la police du Hamas, raconte avoir récemment reçu un SMS sur le téléphone de sa femme l'invitant à "prendre un thé". Sa femme a été surprise mais il lui a souri en disant : "C'est une bonne nouvelle, le salaire est arrivé."
Le dernier salaire d'Abdallah, enseignant de 38 ans, lui, date de juillet. Il n'avait reçu que 240 euros. "J'ai dit au revoir à ma femme et à mes enfants sans les informer que j'allais chercher mon salaire." Cette façon d'être payé est "pénible", dit-il : "C'est comme si vous travailliez pour la mafia".
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