Inceste : "Témoigner est une bonne chose pour essayer de guérir", raconte une victime
TÉMOIGNAGE - Saya, 31 ans, a été victime d'agressions sexuelles de la part de son frère aîné. Dans le sillage du mouvement #MeTooInceste, il explique que témoigner permet de "montrer que ces actes sont cruels et détruisent des vies".

La parole se libère. Après la publication du livre de Camille Kouchner, dans lequel elle accuse son beau-père, le politologue Olivier Duhamel, d'avoir commis des actes incestueux sur son frère jumeau lorsque ce dernier était adolescent, le hashtag #MeTooInceste a fait son apparition sur les réseaux sociaux. Des milliers de victimes sous l'emprise d'un proche osent désormais raconter ces gestes qui ont brisé leurs vies. Saya habite à Paris, il a 31 ans et a été victime de son frère aîné, quand celui-ci avait 17 ans. Saya met lui aussi, pour la première fois, des mots sur son calvaire.
"C'était quand j'avais entre 6 et 9 ans. Je sais qu'il me faisait dormir dans sa chambre et, quand je m'endormais, il venait sur moi, des choses comme ça. Il me disait de ne pas en parler", confie le trentenaire. "Je suis le plus jeune de ma famille. J'ai souvent cherché l'attention, peu importe le coût. Comme c'était mon grand frère, et qu'il y avait un peu une relation de pouvoir, je lui obéissais et je ne disais rien", témoigne-t-il.
Une pression familiale
Saya explique avoir essayé d'en informer son père, mais ce dernier ne l'avait alors pas cru et ne le croit toujours pas. "Quand j'ai eu 17 ans, je l'ai dit à ma mère et finalement elle l'a dit à toute famille", raconte-t-il. A partir de cet instant, il déclare que "tout a explosé" dans sa famille. Il a notamment été traité de "mythomane" et s'est retrouvé très isolé.
Pour Saya, témoigner permet de se sentir moins seul. "C'est pour montrer que ces actes sont cruels et détruisent des vies. Témoigner est une très bonne chose pour essayer de guérir", explique-t-il. En ce qui le concerne, les faits ne sont pas prescrits, mais il n'a pas porté plainte, à cause de la pression exercée par sa famille.
Christophe Castaner, le président du groupe LREM à l'Assemblée nationale, a défendu mardi 19 janvier le durcissement de la loi sur l'inceste. "Il faudra si nécessaire donner la qualification pénale à ce crime", a-t-il déclaré. Pour l'heure, l'inceste n'est pas une infraction spécifique. Le viol et l'agression sexuelle par un ascendant de la victime ne sont considérés que comme des circonstances aggravantes.
- Inceste : 77% des victimes sont des jeunes filles, selon une étude
- Inceste : "On se sent coupable parce qu'on n'a pas su dire non", confie une victime
- Inceste : "Si nécessaire, il faut donner la qualification pénale à ce crime", estime Castaner
- Inceste : la réaction politique toujours trop lente ?
- #MeTooInceste, le mouvement qui veut briser le tabou de la pédocriminalité