4 min de lecture

"Magouille à 200%" : quand le tirage au sort de la Coupe du monde 1982 virait au fiasco "mundial"

Le 16 janvier 1982, Sepp Blatter, alors secrétaire général de la Fifa, réalisait le tirage au sort du "Mundial" espagnol. Une cérémonie marquée par plusieurs couacs, tant sur la procédure que la technique.

Le trophée de la Coupe du monde de football

Crédit : Kirill KUDRYAVTSEV / AFP

Gabriel Joly

Je m'abonne à la newsletter « Sport »

Tout ce qu'il ne faut pas faire. La Fifa organise ce vendredi 5 décembre le tirage au sort de la Coupe du monde 2026 de football (États-Unis, Mexique, Canada) au Kennedy Center de Washington, un événement diffusé sur M6 et M6+ à partir de 18 heures. En tout, 48 boules contenant les noms des nations qualifiées, dont la France de Didier Deschamps, ainsi que des papiers correspondant aux six barragistes connus en mars, seront piochées et réparties dans 12 groupes de quatre équipes.

La cérémonie s'annonce, comme souvent, grandiose mais puisque l'instance mondiale du football s'apprête à innover avec un nouveau format pour plus de pays engagés, elle ferait bien de se replonger sur le tirage du 16 janvier 1982, pour le "Mundial" en Espagne de la même année, afin de s'en servir comme un parfait contre-exemple. À l'époque, il s'agissait de la première fois à 24 équipes, avec deux phases de poules avant les demi-finales.

Ce soir-là, Antenne 2 ouvrait son journal télévisé en évoquant "un bien étrange tirage", "non sans quelques incidents cocasses" et "des coups de tournevis pour en arriver à ce savant mélange". La raison ? Une foultitude de couacs, orchestrés par le futur dirigeant de la Fifa, Sepp Blatter.

Des têtes de série désignées arbitrairement

Avant même le début de la cérémonie, le monde du football s'étonnait de la répartition des équipes dans les différents chapeaux. Pour éviter des polémiques similaires à 1978, quand l'Italie avait réclamé une protection sportive supplémentaire en raison de son statut de pays double champion du monde, la Fifa avait cette fois décrété que les six têtes de série seraient l'hôte ibère et les cinq précédents vainqueurs qualifiés (Brésil, Argentine, Angleterre, RFA et Italie).

À écouter

LA QUOTIDIENNE - Tirage au sort du Mondial 2026 : comment ça marche

00:19:39

Ainsi, l'Angleterre - sacrée en 1966 - a hérité de ce privilège malgré une poussive deuxième place dans son groupe de qualification. Suffisant pour frustrer les Belges, finalistes du précédent Euro mais pas aussi bien lotis.

À écouter aussi

De même, les pays du bloc de l'Est avaient été placés d'office dans le chapeau 2, afin qu'ils ne puissent pas s'affronter (Autriche, Hongrie, Pologne, URSS, Tchécoslovaquie, Yougoslavie). De quoi laisser peu de place au hasard, sachant que les Sud-Américains devaient, par principe, également s'éviter entre eux.

"Je garde le souvenir de l'indignation du président de la FFF Fernand Sastre, la veille du tirage, concernant la désignation des têtes de série effectuée, comme toujours à cette époque, et à l'inverse de toutes les promesses, 'à la tête du client'", expliquait Gérard Ernault, alors envoyé spécial du journal L’Equipe en Espagne, auprès de 20 minutes en 2017.

"Il y a eu une erreur ici"

Dans ce climat relativement hostile, l'affaire ne va pas s'arranger au Palais des Congrès de Madrid. Blatter, seulement jeune secrétaire de la Fifa, s'emmêle vite les pinceaux sur l'estrade, oubliant les restrictions et envoyant la Belgique dans la mauvaise poule, avec l'Italie.

Problème : il était prévu que les deux premières équipes européennes tirées atterrissent dans les groupes de l'Argentine et du Brésil, afin que le Chili et le Pérou ne les croisent pas. Si personne ne s'aperçoit de la bévue dans un premier temps, les sifflets montent rapidement des gradins lorsque l'Écosse est opposée aux partenaires de Diego Maradona. S'en suit un beau moment de confusion du côté des dirigeants de la Fifa.

"Il y a eu une erreur ici", reconnaît Blatter en français, tandis qu'un enfant chargé de lui apporter les boules retourne en mettre une dans la machine. Et ce, avant de difficilement se dépêtrer du malaise flottant : "Il a été dit que dans le tambour B... Euh, nous allons mettre le premier tiré dans le groupe 3 et le deuxième tiré dans le groupe 6, cela veut dire que la Belgique ira dans le groupe 3."

Beaucoup de mots pour signifier un rétropédalage et placer les Diables Rouges avec les Argentins, champions du mode en titre. La blague a assez duré pour les Belges, dont le président de fédération ira ensuite jusqu'à parler de "magouille à 200%", selon la légende racontée par France Inter.

Quand la machine du Loto broie une boule

L'histoire aurait pu s'arrêter là... Mais c'était sans compter sur la technique. Fini les bourdes sur la suite de la procédure : le tirage est désormais intégral et il est donc difficile de se tromper. Reste que l'organisation s'est dotée d'une machine impressionnante pour faire sortir les boules à la manière du Loto et l'une d'elles va se coincer dans le mécanisme en fin de cérémonie, finissant carrément broyée en deux.

Un souci nécessitant l'intervention de plusieurs personnes, avec les mains et des stylos pour tenter de débloquer l'outil complètement grippé, sous les yeux aussi amusés que gênés des enfants présents sur la scène.

Le surlendemain, L'Équipe titre son compte-rendu du tirage : "Tiré par les cheveux". "Tel est pris qui croyait prendre", y résume Gérard Ernault, comme le rapporte 20 minutes. "La Fifa a voulu arranger les affaires des pays sud-américains à sa façon, et elle s’est retrouvée victime de sa propre manœuvre. C’est une leçon, une dure leçon."

Toujours est-il que les Bleus de Michel Hidalgo et Michel Platini s'en sont globalement bien sortis avec une poule composée de l'Angleterre, de la Yougoslavie et du Koweït, qui les mènera jusqu'à la fameuse nuit de Séville 1982, dans le dernier carré contre la RFA (3-3, 4-5 t.a.b.). Un souvenir bien moins réjouissant, même avec 43 ans de recul.

La rédaction vous recommande
À écouter aussi

L’actualité par la rédaction de RTL dans votre boîte mail.

Grâce à votre compte RTL abonnez-vous à la newsletter RTL info pour suivre toute l'actualité au quotidien

S’abonner à la Newsletter RTL Info