La Semaine de la langue française commence ce week-end… et si on profitait de cette chronique pour découvrir un mot nouveau ? Cela grâce à Marika, de Clermont-Ferrand, qui me demandait, le 8 mars, Journée des droits des femmes, "pourquoi on dit féminité et non pas fémiNInité". Sachant que "l’adjectif, c’est féminin : on ajoute ‘ité’ pour faire un nom, ça devrait donner fémininité, non ?", s’interrogeait-elle. Elle n’a pas tort, ou du moins, on peut voir les choses comme ça, et d’autant plus que masculin donne bien masculinité.
Si le nom était formé comme féminité, il donnerait masculité - là, on sent bien qu’il en manque un morceau, le mot est comme… émasculé ! Que s’est-il passé ? Encore un effet du sexisme ? Sans doute pas. Plutôt l’un de ces phénomènes fréquents de disparition de syllabes qui font partie des tours de magie du français. On connaît bien, je vous en ai déjà parlé dans le Bonbon sur la langue, le phénomène d’évaporation de la dernière syllabe des mots, l’apocope en langage savant : c’est par ce prodige que le métropolitain est devenu métro, la télévision télé et le cinématographe cinéma… puis ciné après un deuxième coup de baguette magique.
Parfois, c’est plutôt le début des mots qui disparaît ; les linguistes appellent cela une aphérèse : c’est ce qui fait que l’autobus et l’autocar se sont transformés en bus et en car. Et puis il y a une forme d’effacement qui frappe l’intérieur des mots et qui porte un nom rigolo : l’haplologie.
L’haplologie fait plus précisément disparaître l’une de deux syllabes identiques successives, sans doute parce qu’elles nous donnent la désagréable impression de bégayer. Le fait que l’on dise féminiser au lieu de féminNIiser fait partie des exemples les plus connus, mais il y a aussi tragi-comique, là où l’on aurait pu attendre tragiCO-comique, minéralogie qui aurait dû donner minéraLOlogie et décrépitude qui devrait se dire décrépiTItude, sur le modèle d’ingratitude.
C’est aussi une haplologie que l’on fait sans le savoir quand à l’apéro on sert des cahuètes au lieu de cacahuètes. On peut d’ailleurs s’étonner que le mot haplologie lui-même, qui comporte deux syllabes en "LO", n’ait pas été réduit par le même phénomène… à haplogie ! Mais non, car le français est une matière vivante, humaine, en somme tout sauf logique.
Impossible de conclure cette chronique sans mentionner une haplologie parmi les plus célèbres, qui concerne un nom de lieu… et justement Marika est en plein dedans. Eh oui, le nom de la préfecture du Puy-de-Dôme, Clermont-Ferrand, où elle vit, est le résultat d’une haplologie. La cité est issue de la fusion au XVIIe siècle de deux villes, Clairmont et Montferrand. On a supprimé un mont pour obtenir, au lieu de Clermont-Montferrand, qui aurait été assez moche, il faut l’avouer, cet élégant Clermont-Ferrand… que le monde entier nous envie !
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