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Langue française : faut-il écrire "stupéfié" ou "stupéfait" ?
Les paronymes, ces mots qui se ressemblent, nous tendent des pièges redoutables. Le point (stupéfiant) avec Muriel Gilbert…
Je réponds ce matin à une question venue des Hauts-de-France, de Steenbecque, très exactement, dans le département du Nord. C’est là que réside Jean, qui se dépeint comme un "fidèle auditeur du Bonbon sur la langue" (oh, merci Jean !), et qui souhaiterait que je "fasse le point sur l’utilisation de deux termes" voisins, qui sont en effet souvent confondus : stupéfié et stupéfait. Jean se demande s’ils ont un sens différent et s’il y a une utilisation spécifique pour chacun d’eux.
Un peu d’histoire, pour commencer… Stupéfié et stupéfait appartiennent assez naturellement à la famille de la stupeur, un emprunt direct au latin stupor, qui se traduit par l’"engourdissement", la "paralysie". Le mot désigne au sens premier, selon le Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey, un "état d’inertie et d’insensibilité lié à un engourdissement général".
Aujourd’hui, la stupeur, c’est plutôt un "extrême étonnement, qui laisse sans réaction et comme paralysé", dit précisément le Larousse, comme dans "J’en suis restée muette de stupeur." De là descend également l’adjectif stupide, eh oui, qui jusqu’au XVIIe siècle n’est ni imbécile ni idiot mais plutôt "engourdi, paralysé" (Dictionnaire historique de la langue française).
Le verbe stupéfier lui, vient du stupefacere latin – facere, c’est "faire", stupéfier c’est donc "faire stupide", "rendre stupide", au sens d’engourdi, paralysé, "rempli d’un étonnement extrême". De là découle d’ailleurs l’adjectif stupéfiant, mais aussi le nom stupéfiant, un stupéfiant, qui désigne depuis le XVIe siècle une substance agissant sur le système nerveux ou un produit narcotique utilisé pour lutter contre la douleur… et dont l’usage abusif est dangereux.
Recouvrer et recouvrir
Pour revenir à la différence entre stupéfié et stupéfait, il ne faut "pas confondre ces deux mots proches par la forme et par le sens mais qui diffèrent dans leur emploi et leur construction", comme l’explique très clairement Larousse.fr. Stupéfait est un "adjectif qui indique un état : demeurer, rester stupéfait." "Antoine en a été stupéfait."
Stupéfié, en revanche, est le participe passé du verbe stupéfier : "Le culot de Jean-Sébastien, qui lui a piqué son croissant, l’a stupéfié."
Il ne faut pas non plus se tromper de construction. On est stupéfait DE quelque chose, mais on est stupéfié PAR quelque chose. Ça peut sembler un peu difficile à mémoriser… dans le doute, ouvrez votre dictionnaire, vous ne risquez que d’y faire de belles rencontres.
Stupéfait et stupéfié sont ce que l’on appelle des paronymes, des mots proches, et que l’on confond. J’ai déjà plusieurs fois évoqué les paronymes, à ce micro. Sabler ou sabrer le champagne, prolixe ou prolifique, à l’attention ou à l’intention de, etc. Je vous renvoie au podcast Un bonbon sur la langue, et à la page du Bonbon sur la langue sur RTL.fr !
Et j’en profite pour répondre à Michel, de La Rochelle, qui s’intéresse à deux autres paronymes : recouvrer et recouvrir. Effectivement, on les confond souvent, aussi, ces deux-là. Recouvrir est un verbe très courant. C’est couvrir entièrement quelque chose, Larousse.fr donne les exemples de recouvrir un gâteau de confiture et de recouvrir ses livres de classe. Recouvrer est d’un niveau de langue plus recherché. Il descend du verbe latin recuperare, qui a aussi donné naturellement récupérer, et que l’on utilise le plus souvent dans des questions de santé : on vous souhaite de recouvrer la santé. À ne pas confondre avec recouvrir...
D’autant qu’au présent de l’indicatif, par exemple, les deux verbes sont identiques : je recouvre la santé, je recouvre mes livres. Mais attention, au passé composé : j’ai recouvré la santé et j’ai recouvert mes livres. Recouvrer est un verbe du premier groupe, celui des verbes en ER, il se conjugue comme jouer, tandis que recouvrir se conjugue comme couvrir. Ne les confondez pas. Mon fils a recouvert ses livres dès qu’il a recouvré la santé. À votre santé, amis des mots !
