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Orthographe : faut-il écrire "élégant" ou "éléguant" ?
Comment savoir s’il faut un U après le G ? La correctrice de RTL nous donne ses trucs pour trancher.
Un homme en costume (Image d'illustration).
Crédit : ben-rosett/unsplash
Jean-Pierre, de Cesson-Sévigné, près de Rennes, en Ille-et-Vilaine, est tout turlupiné par le mystère orthographique suivant : "Pourquoi élagage n’a-t-il pas de u après le g, alors que le verbe élaguer ou bien le mot élagueur en ont… et que dans tous les cas on prononce bien le son gue ?", écrit-il. Jean-Pierre a raison : élagage c’est G puis A, tandis qu’élaguer c’est G puis U. Qu’est-ce qui explique cette curiosité ? Eh bien tout simplement cette règle bizarre que nous avons apprise sur les bancs de l’école élémentaire, cher Jean-Pierre : G + A, ça fait "ga", tandis que G + E ça fait "je".
Je l’avais rappelée il n’y a pas si longtemps que ça, au sujet de l’orthographe surprenante du mot accueil, où tout le monde fait des fautes, ce qui n’est guère étonnant puisqu’il devrait se prononcer "accueye" si on le lisait comme il s’écrit. Notre maîtresse de cours préparatoire ou de CE1 nous a appris que le C et le G se prononcent "se" et "je" quand ils précèdent les voyelles E ou I, tandis qu’ils se disent "que" et "gue" quand ils précèdent n’importe quelle autre lettre.
C’est pour cette raison que l’on dit Georges mais Guillaume, Catherine mais Céline, gilet mais gugusse, un cil mais de la colle. C’est pour conserver ce qu’on appelle la "prononciation dure", en "que" et en "gue", que l’on a imaginé cette solution (étrange, je le reconnais), cette convention, en fait, qui consiste à insérer subrepticement un U, que l’on ne prononce pas, juste après le C et le G, afin qu’ils ne soient pas immédiatement suivis d’un E ou d’un I, qui obligeraient à les prononcer "si" ou "ji"…
C’est aussi pour cette raison que orgueil, cercueil, recueil… ou accueil se terminent en UEIL plutôt que EUIL et qu’élaguer ou élagueur prennent un U après le G, et pas élagage. Mais, et je me demande si finalement ce n’est pas ce qui trouble notre Breton… on met bien parfois un U après le G… alors même qu’on n’en aurait pas besoin pour le prononcer "gue"… et ça, je reconnais que c’est carrément troublant, car là notre règle de l’école élémentaire n’explique rien.
Des exemples ? Eh bien si je dis que "j’élaguais les arbres de mon jardin" – une fiction, j’en suis bien incapable, disons plus vraisemblablement "mon voisin élaguait les arbres de son jardin", c’est pareil sur le plan de l’orthographe. Eh bien élaguait s’écrit avec un U… alors que sans ce U, si on écrivait tout bêtement ELAGAIT, on prononcerait de la même façon. Alors pourquoi ? Eh bien parce que l’imparfait se forme sur le verbe à l’infinitif, et que cet infinitif, c’est élaguer GUER…
Suffoquant ou suffocant ?
On pourrait surtout se demander pourquoi alors, si élaguait et élaguant prennent un U derrière le G, élagage, lui, n’en prend pas. Pour faire des pièges dans les dictées, je ne vois pas de meilleure raison ! Non, c’est vrai que c’est pervers.
Alors, élagage et élaguer ne sont pas seuls mots d’une même famille qui affichent des terminaisons différentes. C’est la même chose pour fatigant, par exemple : on peut dire que "l’élagage (sans U), c’est fatigant (sans U non plus)". Mais "on se fatiguait" (GUAIT), et "on élaguait" (GUAIT). De même, il peut sembler peu logique qu’on l’on écrive élaguant GUANT mais élégant GANT. En fait il n’est pas rare du tout qu’un l’adjectif créé à partir d’un verbe s’écrive un peu différemment du participe présent tout en se prononçant de la même façon. En somnolant ANT, mais un spectateur somnolent ENT ; en suffoquant QUANT mais un mois d’août suffocant CANT, en influant ANT mais un personnage influent ENT. Bref, dans certains cas, n’hésitez pas… à douter. Qui se ressemble ne s’assemble pas forcément. Parfois, la meilleure astuce, c’est… d’ouvrir son dictionnaire !
