Quarante ans après l'élection de François Mitterrand, L'Obs réunit les deux "familles" du président le plus secret de la cinquième République. Portraits et souvenirs croisés de Gilbert Mitterrand, le fils aîné de la vie officielle de l'ancien président, et les confidences en échos de Mazarine, née 25 ans plus tard, dans le secret le plus total.
Alors, il y a d'abord cette photo où l'on voit Gilbert et Mazarine côte à côte. Ils ressemblent à leur père et les traits similaires de leur visage sont déjà les témoins génétiques d'une histoire commune, d'une proximité de fait. Ils ont grandi sans se connaître. Ils ont appris à s'aimer. C'est le récit passionnant, émouvant, pudique également, que l'on découvre dans L'Obs.
Ce visage, d'ailleurs, c'est le premier point commun dont ils parlent, ces regards qui les scrutent souvent, qui traquent les ressemblances. Ils ont accepté, ils le disent tous les deux, "de vivre dans l'ombre" de ce père qu'ils admirent. Ils reviennent d'abord sur ce 10 mai 1981, l'élection de François Mitterrand.
Qu'ont-ils fait ce jour-là ? Gilbert est déjà adulte. Il a 32 ans et il s'apprête à devenir député. Mazarine a six ans et se souvient de cette soirée télé avec sa mère. Elle sait déjà, à 20 heures que c'est le visage de son père qui va s'afficher sur la télévision. Elle pressent évidemment le bouleversement à venir de sa vie et de celle de sa mère. Des amis d'Anne Pingeot leur proposent d'ailleurs de les emmener Place de la Bastille, elles n'iront pas. Mazarine a école le lendemain.
La suite, c'est l'histoire que l'on connaît bien maintenant : la vie officielle pour les enfants de Danielle, la vie cachée pour Mazarine et sa mère. Deux familles, deux liens et des rendez-vous sacrés des deux côtés : Noël en Egypte pour Mazarine, le mois d'août à Latche pour Daniel et pour ses fils. Gilbert ne saura jamais rien. Officiellement, en tout cas, car les rumeurs sont là, mais jamais il n'osera interroger ce père si secret et si intimidant, jusqu'au 10 novembre 1994.
François Mitterrand dira ce jour-là deux mots à sa fille : "prépare-toi !". Paris-Match publie dans la foulée la première photo de celle qui a alors 20 ans. Gilbert Mitterrand découvre l'existence de sa demi-soeur. Il n'est pas en colère. Il ne juge pas, dit-il. Mais il s'inquiète pour sa maman, Danielle. Il ne rencontre pas d'ailleurs Mazarine jusqu'au 11 janvier 1996, l'enterrement de François Mitterrand. Pour la première fois, ils sont ensemble dans l'avion militaire qui les emmènera à Jarnac.
"J'avais envie de la protéger", confie Gilbert dans le magazine, tout en pudeur. On comprend entre les lignes que ces deux-là, effectivement, ont appris à s'aimer avec le temps. Il sera invité, comme son frère Jean-Christophe, au mariage de Mazarine. Les deux familles font la fête ensemble. Ce jour-là, c'est une citation de Gilbert Mitterrand qui conclut l'article sans aucune trace de ressentiment. "Papa a ajouté quelque chose à sa vie", dit-il. "Il ne nous a rien enlevé".
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