Ostéopathie pour bébés : pourquoi cette pratique à la mode inquiète les professionnels de santé ?

C'est une pratique à la mode chez les nouveaux parents, emmener son bébé chez l'ostéopathe au moindre souci de santé. Tétées difficiles, pleurs nocturnes, constipation, coliques, ballonnements, des maux qui inquiètent toujours les parents, mais qui sont en réalité assez banals. Contre la multiplication de cette pratique, de nombreux professionnels de santé qui dénoncent son inutilité, voire sa dangerosité.

Christèle Gras-Le Guen, pédiatre au CHU de Nantes et porte-parole de la Société française de pédiatrie, ne mâche pas ses mots. "Ces séances sont tout bonnement inutiles", assène-t-elle "Tous ces symptômes sont physiologiques et disparaissent naturellement autour des quatre mois."

Cette tendance émane beaucoup des réseaux sociaux, où l'on peut voir des ostéopathes manipulant des bébés. Des vidéos très populaires comme celles de David Yaiche, qui cumulent sur TikTok jusqu'à 40 millions de vues. Grâce à des mouvements au niveau du bassin, cet ostéopathe "libère bébé de ses gaz". 

Une technique qui n'a rien de miraculeux si l'on en croit la présidente du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes. "Ce n'est que du massage abdominal, du simple bon sens qu'on explique à la maternité. Il n'y a pas besoin de faire une consultation à 60 euros en moyenne pour soulager un enfant qui a des gaz", assure Pascale Mathieu qui accuse les ostéopathes de chercher "à développer leur commerce en surfant sur l'anxiété des parents".

Des manœuvres potentiellement dangereuses

Lorsqu'il s'agit de nourrissons de moins de six mois, les manipulations du crâne, de la face et du rachis sont strictement interdites sans un certificat médical de non contre-indication. Une condition "jamais appliquée dans les faits", confie le président d'Ostéopathes de France, Dominique Blanc, qui explique que "les médecins ne veulent pas engager leur responsabilité". "Les parents amènent tout de même leur bébé avant six mois et, à ma connaissance, il n'y a jamais eu un seul problème", soutient-il.

Pourtant, la pédiatre Christèle Gras-Le Guen affirme de son côté que certaines manœuvres peuvent être dangereuses, et explique avoir plusieurs fois été confrontée à des bébés qui ont fait des malaises "au cours ou après des séances d'ostéopathie". Dans son dernier rapport sur l'ostéopathie, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) soulevait ainsi la nécessité d'un "registre des accidents graves consécutifs à ces pratiques".

Des faux diagnostics

Plus dangereux encore, certains ostéopathes pédiatriques assurent quant à eux pouvoir soigner le "syndrome de Kiss", qui se manifesterait par des pleurs répétés et une posture arquée, un syndrome lié selon eux à un blocage au niveau de la nuque. Mais Fabienne Kochert, pédiatre libérale à Orléans et ancienne présidente de l'Association française de pédiatrie ambulatoire, l'assure, ce syndrome "n'existe pas. Ce n'est pas un diagnostic médical. On donne un nom de syndrome à des symptômes courants chez les nourrissons", s'insurge-t-elle

Face à certaines dérives de la profession, l'Académie de médecine a rappelé récemment que les pratiques d'ostéopathie viscérales et crâniennes sont "sans fondement scientifique avéré", avec une efficacité et une sécurité "non démontrées". Concernant les plagiocéphalies, une déformation de la tête du nourrisson et un motif fréquent de consultation, la Haute autorité de santé (HAS) a réaffirmé à l'AFP que "les données scientifiques ne permettent pas de recommander l'ostéopathie".

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