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Coronavirus : l'oxygène à domicile, est-ce dangereux ?

ÉCLAIRAGE - La Haute Autorité de Santé émis des recommandations sur l'oxygène à domicile pour les patients Covid-19. Mais des médecins et sociétés savantes dénoncent une mesure dangereuse pour certains patients.

Une infirmière régule l'oxygène d'un patient atteint du Covid-19 à Colmar, le 26 mars 2020
Une infirmière régule l'oxygène d'un patient atteint du Covid-19 à Colmar, le 26 mars 2020
Crédit : SEBASTIEN BOZON / AFP
Coline Daclin

L'oxygénothérapie, le fait de recevoir de l'oxygène de manière artificielle, est possible à domicile pour les patients atteints de la Covid-19. La Haute Autorité de Santé (HAS) a émis une recommandation en ce sens le lundi 9 novembre dernier. 

L'institution précise que c'est "face à la reprise de l'épidémie de Covid-19 et de la très forte sollicitation des services hospitaliers" qu'elle s'est saisie du sujet. Il s'agit donc d'une mesure qui participera à désengorger les hôpitaux. Elle "doit être exceptionnelle et réservée au contexte épidémique actuel", assure la HAS.

Mais certains médecins et sociétés savantes s'inquiètent de ces recommandations. La Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF) par exemple "considère que le maintien à domicile de patients devenant oxygéno-requérants est dangereux", déclare-t-elle sur Twitter. La Société de Pneumologie de Langue Française appelle quant à elle à la "prudence".

L'oxygénothérapie est déjà utilisée à domicile pour de nombreux patients, mais ce qui inquiète ces professionnels de la santé, c'est un cas particulier. Celui des patients Covid-19 qui ne sont pas encore hospitalisés, mais qui ont besoin d'oxygène. "La prise de risque serait majeure, compte-tenu de l'instabilité des patients à ce stade, et de la multitude des complications possibles", souligne la SPILF. 

Un risque d'évolution "foudroyante" de la maladie

En effet, explique la pneumologue Corinne Depagne, le coronavirus a "une évolution foudroyante sur le plan pulmonaire". "On a tous vu à l'hôpital ou en ville des gens qui se dégradent d'une minute à l'autre. Ils sont normaux, vous parlent, et en quelques minutes, ils sont en urgence absolue", déclare auprès de RTL.fr la membre du collectif "Du Côté de la Science", opposé à la recommandation de la HAS. 

"C'est ce qu'on appelle l'hypoxie heureuse", renchérit Jérôme Marty, président du syndicat de médecins UFML et membre du même collectif. "Le patient s'essouffle, mais sans s'en rendre compte". Dans ses recommandations, la Haute Autorité de Santé impose que le patient sous oxygénothérapie à domicile se trouve "en présence permanente d'un tiers" pour le surveiller. Le problème selon Jérôme Marty, c'est que cela fait reposer sur les épaules de l'aidant la santé de la personne sous oxygène. "Si l'état du patient se dégrade dans la nuit par exemple, l'aidant ne pourra pas s'en apercevoir à temps. C'est une énorme responsabilité", explique-t-il. 

De son côté, la Haute Autorité de Santé tempère. "Notre objectif n'est pas d'inciter les médecins à placer tous les patients sous oxygène à domicile", assure à RTL.fr Catherine Grenier, directrice au sein de l'institution de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. "Sachant que certains médecins le font déjà, nous souhaitions préciser et encadrer la façon de le faire", poursuit-elle. 

Des critères très stricts

Les critères de la HAS pour bénéficier d'oxygène à la maison sont en effet très stricts. Le patient "doit être autonome, disposer d'un domicile salubre, avec la présence permanente d'un tiers, être situé à moins de 30 minutes d'un établissement de santé de référence disposant d'une structure d'urgence ou d'un SMUR (véhicule spécialisé lié au Samu, ndlr) de proximité". Il ne doit pas non plus faire partie des patients les plus vulnérables à la Covid-19, ou avoir besoin de plus de quatre litres d'oxygène par minute. Enfin, le patient doit faire l'objet d'une "surveillance rapprochée par une équipe pluriprofessionnelle (médecin généraliste, infirmier, kiné) en lien avec une équipe hospitalière de référence".  

Cela n'a pas empêché la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF), consultée par la HAS, de se désolidariser de la recommandation de l'institution. "On demandait beaucoup plus de sécurisation", souligne l'un de ses membres, le pneumologue Jésus Gonzalez. Pour lui, la Haute Autorité de Santé aurait dû consulter plus de sociétés savantes différentes avant de se prononcer. 

"On travaille très vite, dans un contexte d'urgence, souligne Catherine Grenier de la HAS, ce qui ne nous a aucunement empêché de consulter les principaux concernés : les urgentistes, les réanimateurs, les généralistes et les usagers".

"Certains patients préfèrent rester à domicile"

Le Dr. Jérôme Marty le concède lui-même : "Les cas de patients sous oxygénothérapie à domicile qui risquent de dégénérer rapidement sont rares". Mais il prône le principe de précaution. "La recommandation de la HAS relève de la médecine de catastrophes", soutient sa consœur Corinne Depagne. 

Pour sa part, la Haute Autorité de Santé se défend en assurant que "certains patients préfèrent rester à domicile quand cela est possible". "Il est important d'entendre cela", soutient Catherine Grenier, qui considère le cadre suffisamment précis.

En revanche, tous ces contradicteurs s'accordent sur un point : la mise en place de l'oxygénothérapie à domicile est utile pour des patients Covid-19 qui sortent d'hospitalisation, et dont la situation est stabilisée. "À partir du 10ème jour après les premiers symptômes, il y a beaucoup moins de risques que l'état du patient se dégrade brutalement", souligne le Dr. Depagne. 

La Société de Pneumologie recommande aussi la mesure pour des patients dits en "limitation thérapeutique", c'est-à-dire qu'ils ont demandé à ne pas être hospitalisé, et que les médecins, au vu des circonstances et de leur état de santé, ont accepté. 

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